1940 - Le ravitaillement en fourrage de l'armée d'occupation
Un courrier du maire d'Ergué-Gabéric adressé au directeur des services d'armistice à la préfecture de Quimper et transmis à la Feldkommandantur.
Document conservé aux Archives départementales du Finistère (cote 200W221).
Autres lectures : « 1941 - Une fête au profit des prisonniers de guerre sous le contrôle de la Feldkommandantur » ¤ « 1941 - Demande au préfet d'un délai pour des impayés de fermage à Quillihouarn » ¤ « 1943 - Amende communale pour insuffisance de livraison de beurre » ¤ « Pierre Tanguy, maire (1929-1945) » ¤
Présentation
Le 19 juin 1940, après une campagne éclair, les premiers soldats allemands entrent dans Quimper, et trois jours plus tard, le 22 juin, l’armistice est signé. Dès juillet 1940 l’administration d’occupation se superpose à l’administration française mise sous tutelle.
À Quimper la Feldkommandantur 752 (Feld signifiant « champ » et par extension, « zone ») prend la tête du département, avec à sa tête le colonel Berendes. Pour les villes chefs-lieux de Quimper, Brest, Châteaulin, et Morlaix, les Kreiskommandanturen d’arrondissements ("Kreis" signifiant « cercle » et par extension un arrondissement allemand) sont créés. Et enfin les Ortskommandanturen ("Ort" signifiant « lieu » ou « localité »), comme celui de Kerfeunteun, constituent les services intermédiaires de commandement militaire à l'échelon local.
Dans un 1er temps les administrations françaises ne s'adressent pas directement aux Kommandanturen, mais à un nouveau département créé spécialement au sein de la préfecture : les services d'armistice qui jouent un rôle d'intermédiaire entre les administrés et les forces d'occupation.
Le maire Pierre Tanguy s'adresse donc fin septembre 1940 au Directeur de ces services pour se plaindre des agissements des militaires allemands de la compagnie de Kerfeunteun dans le cadre des réquisitions de fourrage pour leurs chevaux :
- « ils se ravitaillent journellement en fourrages (foin, paille et avoine) dans ma commune », et contrairement à ceux basés à Ergué-Armel « passent directement dans les fermes sans en aviser la Mairie » et sans se munir d'un bon de réquisition signé par le Maire.
- La conséquence est que « certaines fermes ont déjà fourni des fourrages à quatre ou cinq fois différentes, de sorte qu'elles seront contraintes de vendre une partie de leur cheptel, tandis que d'autres fermes n'ont encore rien fourni. »
De plus, « beaucoup d'exploitants se plaignent que le poids réel du fourrage fourni (foin et paille) est très souvent supérieur à celui qui est payé. » et Pierre Tanguy demande à ce que les chargements réquisitionnés soient pesés, du moins « de temps à autre ».
La formulation des griefs par le maire est très mesurée : « Mes administrés en effet ne refusent nullement de fournir le fourrage nécessaire à l'armée allemande. »
La lettre du directeur du service de l'armistice est encore plus obséquieuse : « Je vous serais très obligé de bien vouloir me faire connaître s'il ne serait pas possible d'inviter Monsieur le Chef de la Kommandantur de Kerfeunteun à s'entendre avec le Maire d'Ergué-Gabéric avant de réquisitionner ces fourrages chez l'habitant. »
Transcriptions
Lettre du maire
Département du Finistère. Arrondissement de Quimper. Mairie d'Ergué-Gabéric.
Ergué-Gabéric, le 29 septemùbre 1940.
Monsieur le Directeur des Services d'Armistice à la Préfecture à Quimper.
Monsieur le Directeur,
J'ai l'honneur de vous faire connaître que deux compagnies allemandes stationnées à Ergué-Armel et l'autre à Kerfeunteun se ravitaillent journellement en fourrages (foin, paille et avoine) dans ma commune.
Or tandis que les militaires allemands de la compagnie d'Ergué-Armel passent régulièrement à la Mairie d'Ergué-Gabéric se munir d'un bon de réquisition du Maire, ceux de la compagnie de Kerfeunteun passent directement dans les fermes sans en aviser la Mairie.
Cette façon de procéder présente de graves inconvénients. Certaines fermes ont déjà fourni des fourrages à quatre ou cinq fois différentes, de sorte qu'elles seront contraintes de vendre une partie de leur cheptel, tandis que d'autres fermes n'ont encore rien fourni.
J'attire votre attention sur la gravité de cette situation, car si elle persiste le ravitaillement de l'armée d'occupation et de la population civile française sera gravement compromise au printemps prochain.
Je vous prie en conséquence, Monsieur le Directeur, de vouloir bien intervenir auprès du chef de la Kommandantur de Kerfeunteun pour lui signaler qu'il y aurait avantage à ce que le chef de détachement chargé de prendre livraison des fourrages passe auparavant à la Mairie se munir d'un bon de réquisition. Mes administrés en effet ne refusent nullement de fournir le fourrage nécessaire à l'armée allemande, mais demandent simplement une juste égalité dans la répartition.
J'ajoute que beaucoup d'exploitants se plaignent que le poids réel du fourrage fourni (foin et paille) est très souvent supérieur à celui qui est payé. J'estime qu'il y aurait avantage à peser une voiture de temps à autre.
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l'expression de mes meilleurs sentiments.
LE MAIRE, (signature P. Tanguy)
Lettre de la préfecture
7 Octobre 0.
Le préfet du Finistère à Monsieur le Colonel Berendes, Commandant de la Feldkommandantur 752.
M. le Maire d'Ergué-Gabéric me signale que les troupes Allemandes cantonnées à Kerfeunteun se ravitaillent journellement en fourrages sans lui en référer.
Je vous serais très obligé de bien vouloir me faire connaître s'il ne serait pas possible d'inviter Monsieur le Chef de la Kommandantur de Kerfeunteun à s'entendre avec le Maire d'Ergué-Gabéric avant de réquisitionner ces fourrages chez l'habitant.
Pour le Préfet, le Directeur des Services d'Armistice
Documents
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