1822 - Une veuve indigente à l'asile des malheureux de Quimper

Deux lettres du préfet Louis Jules Auguste des Rotours aux maires d'Ergué-Gabéric et de Quimper au sujet de l'admission de Marie Anne Guiguinou, veuve Tréb(d)ern à l'hospice de Quimper.

Documents conservés aux Archives départementales du Finistère (2 O 794, anciennement 1 O 70). Illustrations : 4 photographies du chanoine Jean-Marie Abgrall (1846-1926) conservées et publiés par les Médiathèques de Quimper Bretagne Occidentale (site https://www.bretania.bzh).
Autres lectures : « Série O "Communes" des Archives départementales du Finistère » ¤ « LE BRAS Anatole - Aliénés » ¤ « Hervé Lozac'h, maire (1820-1824) » ¤ « Yves Le Roux, recteur (1822-1848) » ¤ « 1791 - Requête municipale contre une fille de mauvaise vie » ¤ « La folie hospitalière selon Jean-Marie Déguignet » ¤ « Les séjours et décès de Jean-Marie Déguignet à l'hospice de Quimper » ¤
Présentation
Cela se passe en 1822, avant l'ouverture en 1826 de l'asile Saint-Athanase pour les hommes du département (les femmes étant internées à Morlaix). Avant cette extension, l'hospice civil de Quimper [1] n'est ouvert en principe qu'aux vieillards et indigents de la ville, comme l'indique le préfet : « Bien que cet établissement regorge de malheureux de toute espèce qui appartiennent de droit à la ville, j'ai prié néanmoins l'engagement d'y faire admettre l'infortunée Trédern ».
Cette veuve indigente, née Guénéou ou Guiguinou, est vraisemblablement née après 1770 :
- Sur son acte de mariage en 1792 à St-Evarzec avec Alain Trébern (orthographié Trédern dans les courriers du préfet), elle est mineure [2], domiciliée à St-Evarzec et son nom est orthographié Gueneou. Sur l'acte de décès en 1834 son nom de jeune fille est Guiguinou.
- Son mari Alain Trébern décède en 1804 à St-Evarzec, et c'est son frère André qui déclare le décès. Ce dernier, cultivateur, est marié la gabéricoise Marie-Anne Barré de Kermoysan, et c'est peut-être par cette alliance qu'on constate la domiciliation de Marie-Anne Guiguinou, veuve Trébern, à Ergué-Gabéric.
- Son état de dénuement en 1822 alors qu'elle a à peine 50 ans est sans appel : « l'état absolu de dénuement dans lequel est réduit la Veuve Trédern » ; « une femme qui se trouve dans l'état le plus absolu d'indigence »
- La demande d'hospitalisation est à la fois initiée par le curé desservant de la paroisse Yves Le Roux (le recteur nouvellement nommé), et par le maire Hervé Lozac'h de Squividan.
- Le préfet insiste sur l'urgence de l'internement de la veuve « qui n'a plus d'autre asile que l'asile des malheureux », c'est-à-dire l'hospice des indigents et vieillards démunis. Certes le maire d'Ergué-Gabéric et le recteur ont fait une demande expresse au maire de Quimper, mais l'intervention du préfet est requise pour que l'internement puisse être acté.
- Le prix fixé forfaitaire « pour la nourriture et les soins » que doit payer la caisse communale d'Ergué-Gabéric est de 50 centimes par jour. Cette somme doit correspondre à la moitié environ du tarif de 4e classe [3] que les pensionnés de l'asile départemental Saint-Athanase devront payer plus tard, soit 1,20 francs en 1878 selon l'étude « Aliénés » d'Anatole Le Bras.
- En 1834, 12 ans après son admission à « l'asile des malheureux » : Acte de décès de « Marie Anne Guiguinou, veuve d'Alain Trébern, décédée hier, à six heures du soir, à l'hospice civil de Quimper à l'âge de 64 ans, native de Saint-Evarzec, sur la déclaration à nous faite de Guy Marie Duboden, commis aux entrées ».
Transcriptions
1ère lettre
Maire à Ergué-gaberic. Dispositions faites pour l'admission à l'hospice de Quimper de la veuve Trédern moyennant que la commune d'Ergué-gabéric paya 50 c. par jour à cet établissement.
Quimper 7 mai 1822
Monsieur, M. le Maire de Quimper vient de me communiquer, avec la prière que vous lui ayez adressé le 3 de ce mois le billet relatif au même objet souscrit par M. le desservant d'Ergué-Gabéric.
Prenant en considération l'état absolu de dénuement dans lequel est réduit la Veuve Trédern dont vous sollicitez l'admission à l'hospice de Quimper, j'écris aujourd'hui à ce sujet à M. le Maire de cette ville pour appuyer votre demande. Bien que cet établissement regorge de malheureux de toute espèce qui appartiennent de droit à la ville, j'ai prié néanmoins l'engagement d'y faire admettre l'infortunée Trédern, moyennant qu'il lui fût payé par jour, pour la caisse municipale de votre commune, sur le vu d'un état que je rendrai postérieurement exécutoire, la modique somme de 50 centimes par jour, pendant le temps que cette malheureuse veuve sera à la charge de l'hospice. Vous pouvez donc quand il vous plaira renvoyer la lettre au dit établissement [...] Recevez & ca.
2ème lettre
Maire à Quimper. Donnné des instructions pour faire admettre à l'hospice de Quimper une femme qui se trouve dans l'état le plus absolu d'indigence. La commune d'Ergué-gabéric payera 50 centimes par jour.
Quimper le 7 mai 1822
Monsieur le Maire, la veuve Trédern qui fait l'objet des deux billets ce jour dont l'un à votre adresse, l'autre à celle du Maire d'Ergué-Gabéric, se trouvant dans la misère et à la merci de ceux qui lui donnent quelques secours passagers, l'hospice de Quimper ne peut faire autrement que de recevoir l'infortunée qui n'a plus d'autre asile que l'asile des malheureux.
J'écris par le courrier au Maire d'Ergué-gabéric pour lui annoncer que la Veuve Trédern sera admise à l'hospice de Quimper, moyennant que la commune d'Ergué-Gabéric qui a eu caché quelques petites épargnes, lui paye 50 centimes par jour, pendant le temps qu'elle sera à sa charge. C'est tout ce que pourra payer la commune pour ne pas gêner les dépenses courantes de son budget, et c'est aussi je pense le moins que peut réclamer l'hospice, pour la nourriture et les soins qu'exige la veuve Trédern. Pour faciliter les payements des frais qui seront acquittés à l'établissement par la Caisse Municipale, il suffira que la Commission me présente un État Trimestriel, certifié par elle. Cet état que je dois revêtir de mon approbation et que le trésorier de l'hospice quittance ensuite, tient lieu de mandat au receveur municipal d'Ergué-gabéric, et lui [...] une décharge dans ses comptes. La taxe qui doit être imposée à la commune, d'après l'état dont il s'agit doit s'arrêter au plus à la dépense de 50 centimes par jour. Recevez & ca.
Originaux
Lieu de conservation : Archives Départementales du Finistère.
Série : 2 O, Documents émanant des bureaux de la préfecture chargés de la tutelle préfectorale sur la gestion communale.
Cote : 2 O 794 (anciennement 1 O 70)
Usage, droit d'image :
- Licence ouverte de réutilisation des données publiques.
- Décret n° 2017-638 du 27 avril 2017.
- ADF 2 O 794
- Clichés Abgrall - Médiathèques de Quimper
Annotations
- ↑ L'hôpital civil de Quimper, au départ situé dans l'ancien couvent Saint-Antoine de Mesgloaguen, fut déplacé en 1801 sur la colline de Creac'h Euzen dans les locaux du vieux séminaire (devenu en 1793 hôpital militaire). En 1824, le Conseil général y créa en plus, un hôpital psychiatrique. L'adresse de l'établissement était le 1, rue de l'Hospice. On l'appelait également l'asile Saint-Athanase. Au cours du 20e siècle il sera encore étendu et rebaptisé Hôpital psychiatrique Gourmelen, tout à côté de l'ancien hôpital Laënnec (lequel sera transféré à Ergué-Armel en 1981).
- ↑ La majorité civile est normalement fixée à 21 ans à la date du décret du 20 septembre 1792.
- ↑ Les malades des 3e et 4e classes dorment en dortoir, ceux de la 2e dans des chambres accueillant deux ou trois malades, et ceux de la 1re disposent d’une chambre particulière.
