Billet du 27.01.2024

De GrandTerrier

Les effets dramatiques de la révolution industrielle


Un ouvrier papetier de 30 ans, travaillant aux piles raffineuses d'Odet, broyé par un arbre de transmission et un cylindre, et victime de la mécanisation industrielle de la fin du XIXe sècle.

Le fait-divers d'août 1895 a eu immédiatement des échos dans les différents journaux départementaux (Le Finistère, Le Courrier du Finistère, L'Union Agricole, nantais (Le Phare de la Loire) et national (Le Petit Parisien).

À la lecture des coupures de presse, on comprend que c'est la consternation à la manufacture papetière de M. Bolloré à Odet : « Ce malheureux avait été saisi par les vêtements entre une courroie de transmission et un cylindre, en enfourchant l'arbre de transmission autour duquel se trouvait encore une partie de ses vêtements. Il avait eu la colonne vertébrale fracturée et les pieds arrachés.  »

La victime Louis-Marie Tandé, en charge de 8h à minuit de la surveillance des machines et engrenages du rez-de-chaussée, a sans doute été imprudent : « il était expressément défendu de passer par cet endroit qui est un passage très dangereux ». Il habitait successivement à Stang-Odet et à Luzigou, près de l'usine, et il laisse derrière lui une veuve, Marie-Barbe Hemidy, et trois enfants en bas-âge.

La salle des piles en 1930, Livre d'or des papeteries R. Bolloré

Les cylindres désignent vraisemblablement l'endroit où était préparée la pâte à papier dans de grandes piles raffineuses tournant en continu grâce à des courroies et arbres de transmission (et non près des cylindres dits sécheurs dédiés à la confection finale des feuilles de papiers). L'endroit en-dessous de la salle des piles était désigné en breton par les ouvriers par ce terme : « ar meilhioù » (les moulins). Dans une interview en 1982, soit 87 ans après le drame, la chiffonière Marjan Mao a gardé le souvenir du nom de la victime près des "meilhioù" : « Tad an Tande a zo bet lazhet n'eo ket ? » (le père Tandé y a été tué n'est-ce pas?].

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Dans les années 1895-97, le paysan bas-breton Déguignet a aussi évoqué dans ses mémoires l'usine à papier. Il y dénonce des machines à couper les bras des ouvriers : non pas de façon littérale, mais pour les effets de licenciements massifs : « Une nouvelle machine arrivée l'autre jour du Creusot et qui fait à elle seule l'ouvrage de dix ouvriers et par conséquent le patron a mis douze ouvriers dehors ».

Après avoir visité les lieux, il fait cette description de l'usine d'Odet : « Je voyais des machines tourner partout, en dehors, en haut, en bas, à droite et à gauche. En haut je voyais des monceaux de choses informes s'engouffrer dans des auges où ils étaient broyés et mis en pâte, de là ils passaient dans d'autres auges, puis de là ces monceaux de pourriture purifiés et devenus pâte claire passaient dans des tuyaux qui les déversaient sur un plateau de fer chauffé à la vapeur. Là, la pâte claire se transformait immédiatement en papier, puis ce papier s'enfilait ensuite à travers une quantité de cylindres tournant en sens inverse pour aller sortir à vingt mètres plus loin où il était repris par d'autres machines qui le découpaient en format voulu. »


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En savoir plus : « Un accident dramatique à la papeterie de l'Odet, journaux 1895 », espaces Journaux et Déguignet.




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