Billet du 11.01.2025

De GrandTerrier

L'I.A. au service de la paléographie gabéricoise


L'Intelligence Artificielle peut-elle aider à la transcription et analyse des documents d'arhives datant du XVe au XVIIIe siècle ? Au programme cette semaine : un document de 1639, conservé aux Archives départementales du Finistère en série 1 J "Pièces isolées et petits fonds", dans une liasse 1 J 232 intitulée "Baux de terres à titre de domaine congéable dans la paroisse d'Ergué-Gabéric.".

La liasse en question a vraisemblablement été apporté par Henri Pèrennes (1875-1951) si l'on en croit les notes de l'archiviste qui fait un résumé de chacun des documents datés respectivement de 1549, 1568, 1574, 1594, 1637, 1639 et 1777 et portant sur des propriétés gabéricoises des seigneurs de La Marche, de Kerfors et de Kersulgar (Kernaou).

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Celui de 1639, signé par le notaire royal Le Meur, est ainsi résumé par l'archiviste : « R. de K. sgr foncier de Tréolan était en voie de congédier Crédou en lui payant et baillant le prix de ses droits réparatoires. Sur quoi Crédou pour n'être pas congédié a promis de payer à Kernaou 60 livres tournois afin que Kernaou lui baille le dit lieu à titre de domaine congéable à l'usement du pays pour 9 ans. »

Comme le document est bien conservé, avec une belle écriture régulière, et relativement lisible, on s'est attelé à sa transcription littérale comme le veut la tradition sur le Grand Terrier. Et, comme de bien entendu, il reste des parties difficiles qu'on annote avec les marques "[...]" habituelles. Et de là l'idée saugrenue d'interroger un assistant récent d'Intelligence Artificielle capable de décortiquer des images numériques.

Le résultat est au-delà de nos espérances : l'assistant Claude, puisque c'est son nom - en hommage au mathématicien Claude Shannon (1916-2001) -, nous fournit en quelques secondes des propositions très avisées dignes d'un expert en paléographie, complètant plusieurs dizaines de termes qui nous ont échappé : cf. en ligne les suggestions de Claude (en italique).

Ce complément de transcription a été soumis à deux experts paléographes, Vital Le Dez et Baptiste Etienne. Leur sentiment est que « L'IA a encore un peu de boulot à faire avant de parvenir à une transcription correcte. ».

Ainsi quelques termes ou noms sont manquants, le terme "baillée" à la place de "taillée", une approximation "priseurs et experts" au lieu de "arpenteurs et priseurs", un contre-sens avec les deux mots erronés "hoirs" et "perpétuité". Une version complète corrigée et affinée a été établie ci-dessous.

Du coup on comprend mieux les aspects contractuels du document :

  • La situation de départ est un bail simple entre le fermier Guillaume Crédou à Trolan et le seigneur foncier René de Kersulgar, résidant au manoir de Kernaou, ce dernier s’apprêtant à engager une expulsion sine die.
  • Le congédiement est annulé par la proposition d'un contrat plus évolué, le fameux « domaine congéable » de 9 ans dont Crédou accepte le principe en payant les 60 livres de commission, et ensuite 12 livres par an « à la Sainct-Michel ».
  • Au loyer « en argeant » s'ajoutent des contributions de nature féodale comme fournir deux chapons (jeunes coq) par an, payer les droits de champart sur les récoltes, être réquisitionnable pour les corvées, « suivre » le moulin (y aller pour moudre) du seigneur de Kernaou.
  • En contrepartie, le convenancier bénéficie de conditions plus favorables si on lui donne congé à la fin de bail : les édifices étant censés désormais lui appartenir, la valeur de cette propriété lui sera remboursée sous forme de droits réparatoires : “ lequel sieur cognoest pour tout son interest les eddiffices et droicts superficiels dudict lieu de Treolan appartenir audict Credou et ses precesseurs ”.
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En savoir plus : « 1639 - Agrément d'un domaine congéable à Trolan par le seigneur de Kernaou », espace "Fonds d'Archives".




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