Billet du 09.11.2024

De GrandTerrier

La cabale contre l'instituteur de l'école publique de Lestonan


Un très gros dossier académique, celui de Paul-Emile Godet, instituteur de 1898 à 1912 à l'école communale des garçons du hameau de Lestonan.

Paul-Emile Godet, est né à Neuilly-le-Dien dans la Somme le 19 octobre 1864. Il est affecté dans le Finistère à Lambézellec en 1883, puis à Landerneau, Bourg-Blanc, Brest, Logonna-Daoulas, Plougastel-Daoulas, Ploudaniel. En octobre 1898 il est nommé directeur de l'école des garçons à classe unique à Lestonan où il va rester 14 ans jusqu'en 1912.

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Son dossier d'instruction publique et d'inspections, conservé aux Archives départementales du finistère, est conséquent : 89 pages pour ce qui concerne son passage à Ergué-Gabéric, huit inspections de 1889 à 1911, et surtout de nombreux échanges de lettres entre académie, élus et pétitionnaires.

Les rapports d'inspection sont relativement élogieux : « M. Godet enseigne avec méthode et obtient des résultats satisfaisants ». La fréquentation est très bonne jusqu'en 1907 : « 1898-99 Inscrits : 66, 1899-1900 : 74, 1900-01 : 79, 1901-02 : 87, 1903-04 : 96, 1904-05 : 96, 1905-06 : 88, 1906-07 : 84 ». On note toutefois quelques remarques négatives : « La propreté des élèves laisse à désirer encore (l'instituteur ne donne pas le bon exemple sous ce rapport) ». Et des allusions à son addiction dès 1901 : « Cet instituteur a la réputation de manquer de sobriété ; je ne l'ai cependant jamais vu en état d'ébriété. »

Mais le souci principal reste le niveau scolaire des élèves : « Beaucoup d'enfants qui ne savent pas lire, ni parler français (1/2 de la classe environ) ». Paul-Emile Godet, né dans le département de la Somme, fait partie de ces instituteurs francophones, non bretonnants, recrutés pour les écoles communales de basse Bretagne où la langue bretonne n'a plus sa place. Ce qui a dû occasionner quelques difficultés de communication avec les parents et enfants.

En février le couple Godet perd leur fils aîné qui décède d'une phtisie galopante suite à un rhume mal soigné. Et à la rentrée suivante il a quelques ennuis sérieux avec l'administration académique et les parents d'élèves, faisant l'objet d'une lettre anonyme début octobre 1906 : «  Veillez mescuser si je vous écrit cette lettre, c'est que tout le monde ici me disent de le faire. Le maître d'école de Lestonnan est bu tous les jours et ne sait plus ce qu'il fait. ». L'inspecteur primaire procède à une enquête complémentaire et rassemble 5 témoignages écrits signés par un contremaître, des ouvriers de la papeterie et/ou habitant(e)s de Lestonan.

Dans un long factum envoyée à l'Inspection académique, l'instituteur a l'occasion de se défendre :

  • Dans de courtes notes biographiques il dénonce la moralité des déposants : « frère défroqué », « alcoolique immodérée », « homme sournois et jaloux », « la plus mauvaise langue du quartier ».
  • Il affirme que les témoignages contre lui sont sous l'influence du contre-maître du moulin à papier, René Rannou. À noter que les Bolloré, le patron de la papeterie et sa mère, ne seraient pas impliqués dans la cabale : l'un absent lors de la délation a manifesté son soutien, l'autre s'est déplacée lors de l'enterrement du fils Godet.
  • Certains déposants seraient prêts à revenir sur leur témoignage forcé. Il y a dans le dossier l'écrit d'une mère qui se rétracte : « reconnait avoir écrit une lettre contre Monsieur Godet, mais avoir agi en un moment de colère et pressée par Mademoiselle Dourven », cette dernière étant institutrice à l'école des filles et en conflit familial contre l'instituteur.
  • Politiquement les parents d'élèves de Lestonan, des « libéraux cléricaux enragés  », sont en guerre contre l'instituteur : « ils avaient menacé de me faire un mauvais parti ».

En 1906, malgré les recommandations de l'Inspecteur primaire, l'instituteur n'est pas déplacé, il reçoit une lettre de blâme avec menace de sanction disciplinaire. Son épouse envoie une lettre à l'académie pour défendre sa cause.

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En 1910 Paul-Emile Godet a encore une certaine allure au milieu de ses 49 élèves avec son costume trois pièces et son chapeau melon. Identification des enfants : « 1910 - Ecole publique de Lestonan de Paul-Emile Godet » ¤ )

Ce n'est qu'en 1912 que les ennuis reprennent, mais cette fois parce que les élèves ont déserté l'école : « Actuellement les inscriptions (juin 1912) ne sont que de 22 enfants, tous très peu âgés, les autres ont cessé de fréquenter l'école de Lestonan. ». Le Conseil municipal dépêche également une commission qui fait un rapport à charge.

Certes le fait que le catéchisme pour l'école publique soit dispensé uniquement au bourg est un handicap pour l'école du hameau de Lestonan. Mais la rumeur publique dénonce l'incapacité de l'instituteur, l'inspecteur parle même de « grève d'écoliers », son remplacement pour nécessité de services est inévitable.

Lors de ses derniers mois de présence à Lestonan, Paul-Emile Godet reste l'objet d'un enjeu électoral et politique aux municipales de mai 1912, comme l'atteste cette déclaration dans le journal « Le Finistère » : «  Les Républicains continueront leur marche en avant. L'instituteur ne sera sans doute plus là, mais mort ou vivant il sera sans dans leur pensée et avec eux il criera : « Vive le Grand-Ergué républicain ! » (il sera muté en septembre 1912 à Port-Launay comme instituteur titulaire adjoint).


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En savoir plus : « Paul-Emile Godet, directeur d'école de 1898 à 1912 », espace Biographies/Instits.




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