Paul-Emile Godet, directeur d'école de 1898 à 1912
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Autres lectures : « Espace "Les Instits" » ¤ « 1910 - Ecole publique de Lestonan de Paul-Emile Godet » ¤ « Les premiers conseillers municipaux républicains, Le Progrès et Le Finistère 1912 » ¤ « Les institutrices et instituteurs en poste à Ergué-Gabéric » ¤ « AC'H François et RAULT Roger - Les écoles publiques de Lestonan, 1880-1930 » ¤ « Louis Le Roux, maire (1906-1925) » ¤ « 1925 - Famille Rannou de Kerangueo-Odet et Cascadec » ¤
Présentation
Paul-Emile Godet, est né à Neuilly-le-Dien dans la Somme le 19 octobre 1864. Il est affecté dans le Finistère à Lambézellec en 1883, puis à Landerneau, Bourg-Blanc, Brest, Logonna-Daoulas, Plougastel-Daoulas, Ploudaniel. En octobre 1898 il est nommé directeur de l'école des garçons à classe unique à Lestonan où il va rester 14 ans jusqu'en 1912.
Son dossier d'instruction publique et d'inspections, conservé aux Archives départementales du finistère, est conséquent : 89 pages pour ce qui concerne son passage à Ergué-Gabéric, huit inspections de 1889 à 1911, et surtout de nombreux échanges de lettres entre académie, élus et pétitionnaires [1].
Les rapports d'inspection sont relativement élogieux : « M. Godet enseigne avec méthode et obtient des résultats satisfaisants ». La fréquentation est très bonne jusqu'en 1907 : « 1898-99 Inscrits : 66, 1899-1900 : 74, 1900-01 : 79, 1901-02 : 87, 1903-04 : 96, 1904-05 : 96, 1905-06 : 88, 1906-07 : 84 ». On note toutefois quelques remarques négatives : « La propreté des élèves laisse à désirer encore (l'instituteur ne donne pas le bon exemple sous ce rapport) ». Et des allusions à son addiction dès 1901 : « Cet instituteur a la réputation de manquer de sobriété ; je ne l'ai cependant jamais vu en état d'ébriété. »
Mais le souci principal reste le niveau scolaire des élèves : « Beaucoup d'enfants qui ne savent pas lire, ni parler français (1/2 de la classe environ) ». Paul-Emile Godet, né dans le département de la Somme, fait partie de ces instituteurs francophones, non bretonnants, recrutés pour les écoles communales de basse Bretagne où la langue bretonne n'a plus sa place. Ce qui a dû occasionner quelques difficultés de communication avec les parents et enfants.
En février le couple Godet perd leur fils aîné qui décède d'une phtisie galopante suite à un rhume mal soigné. Et à la rentrée suivante il a quelques ennuis sérieux avec l'administration académique et les parents d'élèves, faisant l'objet d'une lettre anonyme début octobre 1906 : « Veillez mescuser si je vous écrit cette lettre, c'est que tout le monde ici me disent de le faire. Le maître d'école de Lestonnan est bu tous les jours et ne sait plus ce qu'il fait. ». L'inspecteur primaire procède à une enquête complémentaire et rassemble 5 témoignages écrits signés par un contremaître, des ouvriers de la papeterie et/ou habitant(e)s de Lestonan.
Dans un long factum envoyée à l'Inspection académique, l'instituteur a l'occasion de se défendre :
- Dans de courtes notes biographiques il dénonce la moralité des déposants : « frère défroqué », « alcoolique immodérée », « homme sournois et jaloux », « la plus mauvaise langue du quartier ».
- Il affirme que les témoignages contre lui sont sous l'influence du contre-maître du moulin à papier, René Rannou. À noter que les Bolloré, le patron de la papeterie et sa mère, ne seraient pas impliqués dans la cabale : l'un absent lors de la délation a manifesté son soutien, l'autre s'est déplacée lors de l'enterrement du fils Godet.
- Certains déposants seraient prêts à revenir sur leur témoignage forcé. Il y a dans le dossier l'écrit d'une mère qui se rétracte : « reconnait avoir écrit une lettre contre Monsieur Godet, mais avoir agi en un moment de colère et pressée par Mademoiselle Dourven », cette dernière étant institutrice à l'école des filles et en conflit familial contre l'instituteur.
- Politiquement les parents d'élèves de Lestonan, des « libéraux cléricaux enragés », sont en guerre contre l'instituteur : « ils avaient menacé de me faire un mauvais parti ».
En 1906, malgré les recommandations de l'Inspecteur primaire, l'instituteur n'est pas déplacé, il reçoit une lettre de blâme avec menace de sanction disciplinaire. Son épouse envoie une lettre à l'académie pour défendre sa cause.
En 1910 Paul-Emile Godet a encore une certaine allure au milieu de ses 49 élèves avec son costume trois pièces et son chapeau melon. Identification des enfants : « 1910 - Ecole publique de Lestonan de Paul-Emile Godet » ¤ )
Ce n'est qu'en 1912 que les ennuis reprennent, mais cette fois parce que les élèves ont déserté l'école : « Actuellement les inscriptions (juin 1912) ne sont que de 22 enfants, tous très peu âgés, les autres ont cessé de fréquenter l'école de Lestonan. ». Le Conseil municipal dépêche également une commission qui fait un rapport à charge.
Certes le fait que le catéchisme pour l'école publique soit dispensé uniquement au bourg est un handicap pour l'école du hameau de Lestonan. Mais la rumeur publique dénonce l'incapacité de l'instituteur, l'inspecteur parle même de « grève d'écoliers », son remplacement pour nécessité de services est inévitable.
Lors de ses derniers mois de présence à Lestonan, Paul-Emile Godet reste l'objet d'un enjeu électoral et politique aux municipales de mai 1912, comme l'atteste cette déclaration dans le journal « Le Finistère » [2] : « Les Républicains continueront leur marche en avant. L'instituteur ne sera sans doute plus là, mais mort ou vivant il sera sans dans leur pensée et avec eux il criera : « Vive le Grand-Ergué républicain ! » (il sera muté en septembre 1912 à Port-Launay comme instituteur titulaire adjoint).
Dossier d'instruction publique
Dossier 1 T 521 - 1ère partie
Inspections gabéricoises : 1899 (p. 25-28), 1900 (p. 29-32), 1901 (p. 33-36), 1903 (p. 37-40), 1905 (p. 41-44), 1907 (p. 45-48), 1910 (p. 49-50), 1911 (p. 51-52)
Inspection de 1899 :
Académie de Rennes. Circonscription et canton de Quimper. Commune d'Ergué-Gabéric, hameau de Lestonan. Population : 2529 habitants.
Bulletin d'Inspection. École publique de garçons dirigée par M. Godet, visitée le 22 février 1899. Instituteur titulaire M. Godet, chargé de la classe.
Nombre d'élèves de l'école : 55. Inscrits dans la classe : 55. Présents dans la classe : 49.
Godet, Paul Émile, marié, âgé de 34 ans, 15 ans 5 mois de services. Titres de capacité : Brevet élémentaire et Certificat d'aptitude pédagogique. Traitement : 1200 francs. Charges de famille : deux enfants.
Classe propre. Logement bien tenu. Registre : il manque quelques dates de naissance. Une bibliothèque privée, pas d'usage des bibliothèques cantonales.
Propreté des élèves : Elle laisse à désirer encore (l'instituteur ne donne pas le bon exemple sous ce rapport). Ce jour-là, il avait travaillé et la veille aussi à construire un petit hangar et ses habits en portaient la trace ainsi que ses sabots, peut-être même avait-il négligé de se laver le cou et le visage.
Appréciation générale : M. Godet sait enseigner. S'il le veut et quand il aura mis son enseignement au point, il obtiendra de bons résultats. Note 13/20.
Inspection de 1900 :
Académie de Rennes. Circonscription et canton de Quimper. Commune d'Ergué-Gabéric, hameau de Lestonan. Population : 2529 habitants. Population hameau : il n'y a pas de limitation.
Bulletin d'Inspection. École publique de garçons dirigée par M. Godet, visitée le 30 octobre 1900.
Nombre d'élèves de l'école : 61. Inscrits dans la classe : 61. Présents dans la classe : 52.
Godet, Paul Émile, marié, né le 18 octobre 1864, Neuilly le Dien (Somme), 17 ans de services. Titres de capacité : Brevet élémentaire et Certificat d'aptitude pédagogique. Traitement : 1200 francs. Charges de famille : deux enfants. Liste des postes précédemment occupés comme adjoint : Lambézellec (Kerinon), Landerneau, Bourg-Blanc, Brest, Logonna Daoulas, Plougastel-Daoulas et Ploudaniel.
Affichage du règlement scolaire : oui, mais il est à renouveler.
Appréciation générale : M. Godet enseigne avec méthode et obtient des résultats satisfaisants. On voudrait cependant que tous les élèves, surtout au 2e cours, fussent en état de bien répondre. Note 14/20.
Inspection de 1901 :
Académie de Rennes. Circonscription et canton de Quimper. Commune d'Ergué-Gabéric, hameau de Lestonan.
Bulletin d'Inspection. École publique de garçons dirigée par M. Godet, visitée le ? novembre 1901. Instituteur titulaire.
Nombre d'élèves de l'école : 70. Inscrits dans la classe : 70. Présents dans la classe : 64.
Godet, Paul Émile, marié, né le 18 octobre 1864, Neuilly le Dien (Somme), 18 ans de services. Titres de capacité : Brevet élémentaire et Certificat d'aptitude pédagogique. Traitement : 1500 francs. Charges de famille : deux enfants. Liste des postes précédemment occupés comme adjoint : Kerinon, Landerneau, Bourg-Blanc, Brest, Logonna Daoulas, Plougastel-Daoulas, Ploudaniel.
Les élèves ne savent pas assez de français pour bien comprendre les problèmes. Leur instruction en ce point est insuffisante.
Appréciation générale : M. Godet a une classe moins bonne que l'an dernier. Les élèves du cours élémentaire sont faibles et ne connaissent pas assez le français pour recevoir utilement l'enseignement donné. Il faudra s'attacher tout spécialement à l'étude de la langue française aux cours inférieurs. Il me semble que M. Godet a quelque peu négligé sa classe cette année. Cet instituteur a la réputation de manquer de sobriété ; je ne l'ai cependant jamais vu en état d'ébriété. Note 12/20.
Inspection de 1903 :
Académie de Rennes. Circonscription et canton de Quimper. Commune d'Ergué-Gabéric, hameau de Lestonan. Population de la commune : 2642 habitants. Hameau : n'est pas délimité.
Bulletin d'Inspection. École publique de garçons dirigée par M. Godet, visitée le 6 février 1903. Instituteur titulaire, M. Godet, chargé de la classe unique.
Nombre d'élèves de l'école : 87. Inscrits dans la classe : 87. Présents dans la classe : 75.
Godet, Paul Émile, marié, né le 18 octobre 1864, Neuilly le Dien (Somme), 19 ans de services. Titres de capacité : Brevet élémentaire et Certificat d'aptitude pédagogique. Traitement : 1500 francs. Charges de famille : deux enfants. Liste des postes précédemment occupés comme adjoint : Kerinon, Landerneau, Bourg-Blanc, Brest, Logonna Daoulas, Plougastel-Daoulas, Ploudaniel.
Suivi de l'emploi du temps : oui, mais certaines leçons qui devraient être communes ne le sont pas.
Appréciation générale : M. Godet a une classe fort nombreuse, mais faible. Beaucoup d'enfants qui ne savent pas lire, ni parler français (1/2 de la classe environ). Quelques uns seulement qui sont en cours moyen et encore ne sont-ils pas forts. Ces constatations me laissent un peu sceptique sur le travail ... que M. Godet ferait et sur les pratiques qu'il s'imposerait en classe. M. Godet m'a montré qu'il pouvait bien faire et il a obtenu de bons résultats, mais depuis 2 ans, sa classe faiblit en valeur. Le maître a le grand tort de faire un usage peu modéré des spiritueux. Note 10/20.
Inspection de 1905 :
Académie de Rennes. Circonscription et canton de Quimper. Commune d'Ergué-Gabéric, hameau de Lestonan. Population de la commune : 2642 habitants. Hameau : n'est pas délimité.
Bulletin d'Inspection. École publique de garçons dirigée par M. Godet, visitée le 20 janvier 1905. Instituteur titulaire, M. Godet, chargé de la classe.
Nombre d'élèves de l'école : 86. Inscrits dans la classe : 86. Présents dans la classe : 67.
Godet, Paul Émile, marié, né le 18 octobre 1864, Neuilly le Dien (Somme), 21 ans de services. Titres de capacité : Brevet élémentaire et Certificat d'aptitude pédagogique. Traitement : 1500 francs. Charges de famille : deux enfants. Liste des postes précédemment occupés comme adjoint : Kerinon, Landerneau, Bourg-Blanc, Brest, Logonna Daoulas, Plougastel-Daoulas, Ploudaniel.
Vœu de l'instituteur : Je désirerais une création d'emploi d'adjoint.
Appréciation générale : M. Godet obtient des résultats, prépare et fait réussir des élèves au certificat d'études primaires, il sait diriger une école à classe unique et donner convenablement une leçon, mais son travail est intermittent et il n'a pas entièrement perdu les habitudes de boire avec excès. Il y a en lui l'étoffe d'un bon maître, mais c'est dommage qu'il ait des moments de faiblesse. Note 12/20.
Inspection de 1907 :
Académie de Rennes. Circonscription et canton de Quimper. Commune d'Ergué-Gabéric, hameau de Lestonan. Population de la commune : 2642 habitants.
Bulletin d'Inspection. École publique de garçons dirigée par M. Godet, visitée le 19 novembre 1907. Instituteur titulaire, M. Godet, chargé de la classe unique.
Nombre d'élèves inscrits dans la classe : 43. Présents dans la classe : 36.
Godet, Paul Émile, marié, né le 18 octobre 1864, Neuilly le Dien (Somme), 24 ans de services. Titres de capacité : Brevet élémentaire et Certificat d'aptitude pédagogique. Traitement : 1950 francs. Charges de famille : 1 enfant. Liste des postes précédemment occupés comme adjoint : Kerinon, Landerneau, Bourg-Blanc, Brest, Logonna Daoulas, Plougastel-Daoulas, Ploudaniel.
Tenue du registre d'appel : assez bonne, indiquer les motifs d'absences. Propreté des élèves : assez bien, veiller avec plus de soin à la propreté.
Appréciation générale : L'école que dirige M. Godet a perdu la moitié de son effectif parce que ce maître n'a pas été sobre et n'inspire plus aux familles qu'une médiocre confiance. Malgré une tendance à parler haut et seul, à ne point demander aux enfants des efforts suffisants, M. Godet sait enseigner. Il obtiendra de bons résultats quand il voudra consacrer toute son activité à sa classe et surtout quand il aura définitivement renoncé à sa funeste passion pour l'alcool. Note 11/20.
Inspection de 1910 :
Académie de Rennes. Circonscription et canton de Quimper. Commune d'Ergué-Gabéric, hameau de Lestonan. Traitement : 2000 francs. Charges de famille : 1 enfant.
Bulletin d'Inspection. Monsieur Godet, instituteur, chargé de la classe à l'école des garçons, visitée le 5 mars 1910.
Godet, Paul Émile, né le 18 octobre 1864, Neuilly le Dien (Somme), marié. Titres de capacité : Brevet élémentaire et Certificat d'aptitude pédagogique. Récompenses, cours d'adultes : Lettre de félicitations juillet 1907.
Nombre d'élèves inscrits dans la classe, Garçons : 46. Présents : 21.
Appréciation générale : Monsieur Godet a une classe peu peuplée et médiocre. Je n'ignore pas que la fréquentation est mauvaise, que les élèves vont au bourg dès qu'ils ont 10 ans ; mais je constate aussi que M. Godet ne travaille pas aussi bien qu'autrefois, que les élèves mettent bien du temps à apprendre à lire, à écrire, à calculer. Visiblement il y a de la négligence et pas assez de travail. M. Godet se doit de mieux faire et il le peut. L'école a compté plus de 80 élèves dans les premières années qu'il était à Lestonan. Bientôt ce sera une garderie ou tout au plus une classe enfantine.
La salle de classe est régulièrement et soigneusement balayée, mais les vitres des fenêtres portent encore les éclaboussures de lait de chaux reçues lors du blanchiment annuel, les tablettes des fenêtres et tout ce qui est en saillie est recouvert d'une couche de poussière. Il y a des toiles d'araignée dans environs des tableaux noirs. Les registres sont tenus, cependant les totaux mensuels de janvier et février ne sont pas faits au registre d'appel. La fréquentation est très médiocre, il n'y a guère que la moitié des inscrits présents chaque jour. Élèves passablement propres.
Inspection de 1911 :
Académie de Rennes. Circonscription et canton de Quimper. Commune d'Ergué-Gabéric, hameau de Lestonan. Traitement : 2000 francs. Charges de famille : 1 enfant.
Bulletin d'Inspection. Monsieur Godet, instituteur, chargé de la classe à l'école des garçons, visitée le 8 mars 1911.
Godet, Paul Émile, né le 18 octobre 1864, Neuilly le Dien (Somme), marié. Titres de capacité : Brevet élémentaire et Certificat d'aptitude pédagogique. Récompenses, cours d'adultes : Lettre de félicitations (août 1907).
Nombre d'élèves inscrits dans la classe, Garçons : 48. Présents : 38.
Appréciation générale : La classe est faible et M. Godet ne semble pas avoir assez à cœur de lui faire accomplir de sensibles progrès ; on voudrait à ce maître plus d'activité, plus d'amour propre professionnel. Son enseignement occupe les élèves, mais ne leur est pas de grand profit parce qu'il manque d'intérêt, de vie et de méthode.
Les enfants sont sales ; le maître devrait tenir la main à ce que leurs vêtements soient un peu plus propres, et lui-même pourrait veiller davantage sur sa tenue. Pourquoi tous les élèves ont-ils en classe, leurs bérets sur la tête ? habitude à supprimer immédiatement.
Lettre de PEG non datée en 1906 après la mort de son fils en février (B. p. 5-8) :
L'Instituteur de Lestonan en Ergué-Gabéric à Monsieur l'Inspecteur d'Académie, à Quimper.
J'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien m'excuser si je ne me suis pas encore rendu à votre bureau. Jeudi dernier j'étais malade et j'ai dû garder le lit toute la journée, je souffre en outre au pied droit, à la suite d'un accident qui a failli me coûter la vie.
Lettre de PEG du 8 octobre 1906 (B. p. 9-10) :
Monsieur Godet, instituteur à Lestonan, Ergué-Gabéric à Monsieur l'Inspecteur d'Académie à Quimper.
J'ai l'honneur de vous accuser réception de la lettre de blâme que vous m'avez fait expédier. Les faits graves qui me sont reprochés : fréquents écarts de conduite, par les propos burlesques qu'il tient quand il est ivre, par les actes grotesques auxquels il se livre sous l'emprise de la boisson, Mon Goder a perdu ...
Je nie les faits qui me sont reprochés, je demande donc une enquête contradictoire. Je préférerais, cependant, avoir une entrevue avec vous et Monsieur l'Inspecteur primaire. J'aurais choisi demain dimanche, mais vous pourriez être absent. Veuillez avoir la bonté de me fixer une heure quelconque pour Jeudi 13. Je vous fournirai par écrit et verbalement des renseignements intéressants.
Celui qui est à vos ordres. (signature), Instituteur. Ergué-Gabéric (Lestonan), le 8 octobre 1906.
Je ne suis sans doute pas dans mon droit, cependant je vous expédie cette lettre directement. J'ai hâte de connaître la solution qui sera donnée à cette affaire.
Dossier 1 T 521 - 2ème partie
Déposition des habitants, octobre 1906 (B. p. 4, 27-) :
[p.27-28] Ergué Gabéric le 4 octobre. Monsieur. Veillez mescuser si je vous écrit cette lettre, c'est que tout le monde ici me disent de le faire. Le maître d'école de Lestonnan est bu tous les jours et ne sait plus ce qu'il fait. Depuis 3 mois il n'a pas dessoulé. Les petits garçons vont la - pour s'amuser - ainsi mardi il ne tenait pas debout. Hier c'était la même chose, il ne fait plus école. Venez voire Monsieur jusqu'à près le 8 et vous saurez ce qu'il en est. Le 8 tous les garçons lui donnent 10 sous et il sera toujours au débit. Je vous dirais donc pour tous de venir et de demander à tout le monde si n'ont pas à se plaindre de lui. Je vous salut. Jan Pierre
[p.4] Ergué-Gabéric le 2 décembre 1906. Madame Le Moigne reconnait avoir écrit une lettre contre Monsieur Godet, mais avoir agi en un moment de colère et pressée par Mademoiselle Dourven et d'après... Madame Le Moigne.
[p.28] M. Kervran Jean, à l'usine. Deux garçons à Lestonan, 11 ans et 9 ans. A entendu ses enfants dire que M. Godet était ivre à l'heure de la classe et ne faisait pas son travail. Ils ajoutent que M. Godet pleure quand il a bu. Les enfants sont revenus plusieurs fois à la maison le soir surtout avant quatre heures, parce que leur maître était ivre et ne faisait pas classe. À Lestonan le 29 octobre 1906, Kervran.
[p.30] Veuve Binos, habitant près de l'école de Lestonan. 2 garçons à l'école. Déclare que depuis qu'elle connaît M. Godet, il a des accès de folie à la suite d'excès alcooliques. Elle a vu M. Godet souvent ivre. Un jour il est tombé dans le ruisseau et a été porté à la maison par les enfants. Elle raconte qu'un jour M. Godet est tombé dans la classe, qu'il est monté au grenier et a appelé les enfants en leur disant, par la fenêtre du grenier, qu'il tenait le diable par la queue. Une autrefois, il a couru la campagne toute la nuit, de crainte d'être tué par M. Dourven, frère de l'institutrice. Madme Binos ne sait signer, (autre signature).
[p. 31] M. Le Galès, ouvrier à l'usine à papier. A deux garçons à Lestonan, un autre à Quimper, rue du lycée. Ses enfants lui ont dit plusieurs fois que M. Godet était ivre pendant la classe et ne faisait rien faire. Il allait même à la buvette pendant la classe. M. Godet n'est pas un homme sobre il s'en faut. M. Galès l'a vu souvent en état d'ivresse. Il y a une quinzaine de jours les enfants sont revenus à la maison vers 2 h ½. M. Godet s'était absenté et n'était pas revenu. Lestonan, le 29 octobre 1906, (signature).
[p. 32] M. Le Gall, ouvrier à la papeterie. A vu plusieurs fois M. Godet en état d'ivresse. Le fils de M. Le Gall a été le 12, vendredi dernier, avec le fils de M. Godet chercher du cidre à Pennanéach pour l'instituteur pendant la classe du soir. M. Le Gall trouve que ses deux garçons âgés de 10 ½ et de 7 ans ne font pas beaucoup de progrès. M. Le Godet s'enivre surtout les premiers jours du mois. À Lestonan, le 29 octobre 1906, (signature).
[p. 33] M. Rannou, contre maître. Accuse M. Godet de s'enivrer surtout au début du mois. Il a constaté que le 2 octobre, les élèves ont quitté l'école à 2 heures de l'après-midi et ont donné pour raison que l'instituteur était ivre et dormait. Son petit garçon lui a dit plus d'une fois au cours de l'année que l'instituteur était ivre. Ce petit garçon n'a du reste guère fait de progrès depuis deux ans qu'il va l'école. À Lestonan le 29 octobre 1906, (signature).
Lettre de PEG du 18 mars 1907 (B. p. 2-3) :
L'Instituteur de Lestonan en Ergué-Gabéric à Monsieur l'Inspecteur d'Académie à Quimper.
J'ai l'honneur de vous informer qu'une manifestation doit avoir lieu, au sujet des Christ qui ont été enlevés des classes, au bourg, dimanche prochain vers 8 h ½ ou 3 heures. Une procession solennelle sera faite autour de l'église.
Un de mes élèves est venu me trouver, hier soir, pour demander s'il devait accepter de porter la croix de l'école. (Il a été désigné en chaire). J'ai cru devoir lui répondre que je n'y voyais pas d'inconvénient, mais que j'allais en référer à mes supérieurs. S'il devait en être autrement, j'ose espérer, Monsieur l'Inspecteur d'Académie, que vous voudriez bien me prévenir.
(signature), Instituteur. À Lestonan, Ergué-Gabéric, le 18 mars 1907.
Lettre de PEG du 15 novembre 1906 (B. p. 17-26, 10 pages) :
L'Instituteur de Lestonan en Ergué-Gabéric à Monsieur l'Inspecteur primaire à Quimper.
J'ai l'honneur de vous adresser mon rapport concernant la lettre anonyme, tel que je l'ai écrit dans la soirée du 7 octobre. Je devais le mettre au net et vous l'expédier le Jeudi 8, quand à minuit, Madame Godet est tombée malade. Je ne pus dormir de toute la nuit. Ce ft ensuite mon tour.
Lettre de l'Inspecteur primaire du 20 novembre 1906 (B. p. 14-16) :
Académie de Rennes. Inspection primaire de Quimper. Objet : M. Godet, Instituteur public à Lestonan, Ergué-Gabéric. Plainte.
Quimper le 20 novembre 1906. L'inspecteur primaire de Quimper à Monsieur l'Inspecteur d'Académie du Finistère.
J'ai l'honneur de vous retourner la plainte portée contre M. Godet, instituteur public à Lestonan, en Ergué-Gabéric. J'y joins les dépositions de quelques parents d'élèves et les explications écrites de M. Godet.
Lettre de Mme Godet du 8 décembre 1906 (B. p. 11-13) :
Lestonan, Ergué-Gabéric, le 8 décembre 1906. Monsieur l'Inspecteur d'académie.
Ayant eu connaissance de la lettre que mon mari a reçu hier, je viens vous prier de ne pas mettre votre menace à exécution en lui donnant son changement, ce n'est pas que nous tenions à rester indéfiniment ici, mais pour quelques années encore nous voudrions rester à cause du malheur irréparable qui nous a frappés en Février dernier, nous avons perdu un fils de 17 ans qui était bon et travailleur, et qui pour obtenir son brevet à 16 ans a gagné la mort, il n'est enterré ici que provisoirement, mes parents possédant du terrain à Brest notre intention est de faire transférer ses reliques dans cette ville dans 5 ans. Aussi c'est pour cette raison que je viens vous implorer de nous laisser ici.
Du reste, M. l'Inspecteur d'académie il sera bien facile de vous prouver qu'il y a beaucoup de méchanceté dans ce qui a été dit ...
Lettre de PEG du 20 avril 1912 (A. p. 18-19) :
L'Instituteur de Lestonan en Ergué-Gabéric à Monsieur l'Inspecteur primaire à Quimper.
Monsieur l'Inspecteur,
J'ai le regret de vous informer que mes élèves quittent de plus en plus ma classe pour aller à l'école au bourg ; de plus, ceux qui restent inscrits s'absentent souvent. Sitôt qu'un élève commence à lire, il part. C'est ainsi qu'il vient d'en partir 8 dont 6 premiers de la classe.
Les premiers motifs étaient un peu de mécontentement peut-être, mais surtout le catéchisme : Une bonne sœur fait catéchisme tous les jours, de 11h à midi, aux garçons qui fréquentent l'école du bourg. Aujourd'hui, je crois avoir découvert un motif plus grave.
Je tiens à déclarer d'abord que je mets tout à fait en dehors mon collègue du bourg, avec qui, d'ailleurs, je suis en excellents rapports. Mais j'ai acquis la quasi certitude que ce sont ses élèves qui entraînent les miens, par des moqueries, des mensonges. Ce sont les enfants dont je suis le plus satisfait qui quittent généralement les premiers.
La situation est décourageante. Je ne sollicite pas un changement immédiat. Trois mois nous séparent des grandes vacances. Si, cependant, vous le jugez nécessaire, après avoir pris connaissance d'un rapport que je vais vous adresser sans tarder, j'accepterais un autre poste surtout s'il devait me rapprocher d'un centre industriel où je pourrais mettre mon fils en apprentissage.
L'instituteur, (signature)
A Ergué-Gabéric (Lestonan), le 20 avril 1912
Visite municipale du 10 juin 1912 (A. p. 21-24) :
La commission composée de nous soussignés s'est rendue à l'école de Lestonan le 12 Juin 1912 à 9h ½ du matin. La classe n'étant pas finie, Monsieur le Délégué cantonal a pénétré seul dans la classe et a constaté la présence de huit enfants d'environ 6 à 8 ans. Le cahier de Monsieur l'Instituteur portait 22 inscrits. A la sortie de la classe à 10 heures nous avons demandé à Monsieur l'instituteur comment il se faisait qu'il eut si peu d'élèves et lui avons demandé également combien de certificats d'étude il avait fait obtenir dans ces dernières années. Nous n'avons pu obtenir de lui aucune explication sensée.
Nous avons pu par ailleurs, savoir que Monsieur Godet se livrait publiquement à des excès de boisson fréquents et que les familles avaient retiré leurs enfants de l'école de Lestonan parce que leurs enfants n'apprenaient plus rien.
En conséquence nous avons signé. Le délégué cantonal, Le Roux Jean Louis. Le Maire, Louis Le Roux. Le conseiller délégué, Yves Charuel. Lestonan 12 Juin 1912.
Mairie d'Ergué-Gabéric. Extrait du registre des délibérations du conseil municipal. Séance ordinaire du 10 juin 1912.
Sur la demande expresse de Monsieur Charuel, il est posé au conseil la demande suivante.
Le Conseil considérant que, malgré sa demande du 13 février 1908, M. Godet n'a pas cessé de non satisfaire aux exigences d'un éducateur, demande à ce qu'une commission composée du délégué cantonal, du maire et d'un conseiller municipal soit nommée pour se rendre à l'école de Lestonan constater le nombre des élèves actuels, leurs âges et se livrer à une enquête dans le quartier pour savoir ceux des familles qui ont à se plaindre envers l'instituteur.
Qu'un rapport soit fait par la Commission et joint à la présente délibération, afin de demander s'il y a lieu de déplacement de M. Godet (l'instituteur). Le conseil à l’unanimité donne un avis favorable à la demande de M. Charuel. La commission est composée de M. Louis Le Roux, maire, Le Roux Jean-Louis, délégué cantonal, et de Charuel Yves conseiller municipal, pour faire une enquête à ce sujet.
Pour copie conforme. Ergué-Gabéric, 10 juin 1912. Le Maire, Louis Le Roux.
Visite d'inspection du 26 juin 1912 (A. p. 13-15) :
Académie de Rennes. Département du Finistère. Inspection primaire de Quimper. Objet : Godet (Lestonan), déplacement pour nécessités de service.
Quimper le 2 juillet 1912. L'Inspecteur primaire de Quimper à Monsieur l'Inspecteur de l'Académie de Rennes en résidence à Quimper.
Note au préfet : Dans sa séance du 10 Juin 1912 le conseil municipal d'Ergué-Gabéric s'est préoccupé d'une situation scolaire à l'école de Lestonan. Une commission nommée par le conseil municipal a constaté la présence de 8 enfants seulement dans l'école. Les membres de cette commission déclarent en outre que M. Godet instituteur se livre publiquement à des excès de boisson. Conformément à une instruction, M. L'Inspecteur s'est rendu à Lestonan pour y procéder à une enquête, à la suite de laquelle il m'adresse le rapport suivant.
« J'ai l'honneur de vous faire savoir que j'ai visité le 26 juin dernier l'école de Lestonan (en Ergué-Gabéric). J'y ai trouvé 9 élèves présents, âgés l'un de 12 ans, un autre de 10 ans, un autre de 8 ans, les derniers de 5 à 7 ans. C'est dire que cette école qui, étant donné l'importance du hameau de Lestonan, pourrait recevoir - et qui a autrefois reçu - une centaine d'enfants, est à peu près vide d'élèves.
Lettre de PEG du 12 juillet 1912 (A. p. 8-11) :
L'Instituteur de Lestonan, en Ergué-Gabéric, à Monsieur l'Inspecteur d'Académie à Quimper.
J'ai l'honneur de venir renouveler, en la complétant, ma demande de changement.
Je désirerais un poste qui me permette de mettre mon fils en apprentissage comme mécanicien, et de veiller sur lui.
Comme je vous l'ai dit hier, j'ai perdu mon fils aîné à 17 ans. Six mois avant, il avait obtenu son Brevet Élémentaire. Il venait de passer avec un succès relatif, l'examen pour l'école normale, je devais le représenter l'année suivante quand la maladie et la mort l'ont frappé. Tous les soins voulus lui ont été accordés ; il était trop tard. J'aurais dû prévenir le mal ; il est mort de phtisie galopante par suite d'un rhume négligé. Le désir et le plaisir de le voir arriver, m'ont fait oublier le devoir le plus élémentaire : veiller sur sa santé. C'est peut-être avec raison, qu'on a pu me dire : « Vous avez tué votre fils ; vous auriez dû modérer son ardeur, au lieu de l'exciter. »
Cette faute, je voudrais l'éviter avec mon autre fils. C'est pourquoi je viens vous prier de vouloir bien me confier un poste d'instituteur adjoint ou d'instituteur charge de classe, à ou dans les environs de Brest, Landerneau, Châteaulin et, à la rigueur, Morlaix.
Dans l'intérêt de mon fils, j'accepterais un poste d'adjoint qui serait une compensation au poste que j'occupe actuellement, mais je dois avouer que je préférerais un poste d'instituteur chargé de classe. Pourrais-je et serais-je me plier après les 14 ans passés à Lestonan ? Ne risquerais-je pas de me trouver sous les ordres d'un collègue ami ou beaucoup plus jeune que moi ? Je vais avoir 48 ans et 29 ans de services au mois d'octobre. Un instituteur-adjoint ayant mon âge, devrait être considéré comme un collaborateur, mais on est si souvent jaloux de ses prérogatives ! Je saurais, au besoin, faire mon devoir, mais encore une fois, je préférerais un poste où je serais chargé de classe, particulièrement dans les environs de Brest ou Landerneau. C'est que la famille de ma femme habite Brest. Là, je trouverais plus facilement à placer mon fils comme apprenti mécanicien ; il serait presque chez lui et pourrait venir passer tous ses dimanches à la maison, en un mot, je pourrais veiller sur lui.
Je joins à me lettre, un résumé de mes états de services. L'Instituteur, (signature).
Ergué-Gabéric, Lestonan, le 12 Juillet 1912.
Annotations
- ↑ Les démêlés de Paul-Emile Godet avec l'Inspection Académique, au travers des rapports et des enquêtes, fait l'objet d'un chapitre de 10 pages (p. 50-55) dans le livre « Les écoles publiques de Lestonan, 1880-1930 ». L'analyse de François Ac'h et Roger Rault détaille notamment les prises de position de l'administration face à la rumeur publique.
- ↑ Le Finistère : journal politique républicain fondé en 1872 par Louis Hémon, bi-hebdomadaire, puis hebdomadaire avec quelques articles en breton. Louis Hémon est un homme politique français né le 21 février 1844 à Quimper (Finistère) et décédé le 4 mars 1914 à Paris. Fils d'un professeur du collège de Quimper, il devient avocat et se lance dans la politique. Battu aux élections de 1871, il est élu député républicain du Finistère, dans l'arrondissement de Quimper, en 1876. Il est constamment réélu, sauf en 1885, où le scrutin de liste lui est fatal, la liste républicaine n'ayant eu aucun élu dans le Finistère. En 1912, il est élu sénateur et meurt en fonctions en 1914.