1937-1946 - Interdiction de bals pour les tenanciers de salles de danses

De GrandTerrier

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Les promesses écrites des propriétaires de salles gabéricoises à ne pas proposer de bals publics, suite aux pressions de l'évêque Adolphe Duparc et de deux recteurs, Louis Pennec et Gustave Guéguen.

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Documents conservés aux Archives Diocésaines de Quimper (2P51/1) signalés par Pierrick Chuto [1] lors de l'écriture de son livre sur les "danses Kof ha Kof" (trad. littérale : ventre à ventre).

Autres articles : « CHUTO Pierrick - L'évêque et les danses Kof ha Kof » ¤ « Louis Pennec, recteur (1914-1938) » ¤ « Gustave Guéguen, recteur (1941-1956) » ¤ « 1941-1956 - Le journal-registre paroissial du recteur Gustave Guéguen » ¤ « Journal paroissial du recteur Gustave Guéguen, extraits 1941-47 » ¤ « Localisation et présentation des 14 commerces du bourg dans les années 1940 » ¤ 

Présentation

Dans les années 1930-49, les tenanciers de salles de danse, incités fortement par les autorités religieuses de l'époque, doivent signer une attestation écrite indiquant explicitement qu'ils n'organiseront pas de bals publics considérés comme lieux de dépardition.

Grâce au livre de Pierrick Chuto on connaît l'engagement viscéral de l'évêque [2] contre les bals : « Pour Mgr Duparc, évêque de Quimper et de Léon entre 1908 et 1946, les danses Kof ha Kof (ventre à ventre) sont diaboliques et inventées par Satan. »

Dans ce contexte, le recteur d'Ergué-Gabéric Louis Pennec rédige cet étonnant règlement manuscrit sanctionnant tous mariés qui feraient leur repas de noces dans un établissement organisant des bals publics en ne leur autorisant qu'une cérémonie religieuse de troisième ordre « sans cloches et sans solennité ». Et il demande, ainsi que son successeur Gustave Guéguen, aux tenanciers de s'engager par écrit à ne plus proposer ces fameux bals.

Les cinq tenanciers gabéricois dont on a conservé les promesses écrites sont Le Berre-Rannou (au bourg), Helaouët Michel (à la Croix-Blanche), Le Meur (St-Guénolé), Thomas (Bourg), Balès (Bourg) et Quéré (Lestonan).

Exemples de billets : « Nous prenons l'engagement d'interdire chez nous toutes danses de dimanche, toutes danses de nuit, et toutes danses de circonstances, excepté les danses de noce jusqu'à l'Angélus du soir » (Le Berre) ; « Je m'engage à ne plus donné bal le dimanche » (Le Meur).

Le recteur Gustave Guéguen écrit dans son journal son énervement devant l’insoumission de la salle Balès : « 11 avril 1944. Profite de l'absence de François Balès dans le maquis pour obtenir de ses sœurs leur soumission et lever l'interdit pesant sur leur salle. L'aînée a bien volontiers accédé au désir du Recteur, mais le frère consulté a refusé absolument de se soumettre. Donc du fait de cet entêtement inexplicable pas de changement possible de la part du clergé désireux de faire la paix. »

Les 2 recteurs Louis Pennec et Gustave Guéguen

Catherine Balès prend la plume le 12 juin de cette même année 1944 pour exprimer leur ralliement familial : « Connaissant les sentiments d'admiration respectueuse de mon frère à votre égard, à ma majorité, je m'empresse de déférer à vos désirs en vous assurant que dans ma maison on ne fera de bals et on ne donnera de séances cinématographiques que rarement et pour des circonstances bien déterminées. » Avec confirmation le 14 octobre 1945 après le décès du frère résistant : « Nous soussignés certifions que désormais, en dehors des bals de noces, nous ne donnerons dans le cours de l'année, que de rares bals dans notre salle. »

Le dernier établissement récalcitrant, la salle Quéré de Lestonan, capitule en février 1946 : « Je soussigné m'engage à restreindre le nombre des bals à donner dans ma salle ... de telle façon que ma maison ne puisse être considérée comme faisant opposition systématique au clergé d'Ergué-Gabéric. »

Transcriptions

Règlement punitif du recteur Gustave Guéguen :

Règlement

I. Les tenanciers qui ouvrent leurs salles de danse aux bals publics n'auront pas droit aux honneurs ordinaires à l'occasion des cérémonies religieuses pour leur famille.

II. Les familles qui feront leur repas de noce chez ces tenanciers auront leurs mariages à 8h du matin, sans cloches et sans solennité.

III. Ce règlement sera appliqué à moins que les tenanciers ne promettent, par écrit, de s'abstenir, à l'avenir, de toute danse les dimanches et jours de fête.

Le Berre et Rannou, non daté :

Nous prenons l'engagement d'interdire chez nous toutes danses de dimanche, toutes danses de nuit, et toutes danses de circonstances, excepté les danses de noce jusqu'à l'Angélus du soir.

Signatures : Le Berre et Rannou.

Helaouët, 8 mars 1937, Croix-Blanche :

8 mars 1937.

Je soussigné Monsieur Helaouët Michel restaurateur à Eau Blanche Ergué-Armel que je n'ai jamais fait de bal le dimanche, ni autres distractions dans ma salle depuis 4 ans, date qu'elle a été faite et je n'ai jamais eu cette intention, sait (sic) pourquoi que je délivre au porteur du billet ma franchise et ma bonne foi.

Veuillez agréez Monsieur sincères salutations (signature Hèlaouët).

Le Meur, 2 octobre 1938, Saint-Guénolé :

Je m'engage à ne plus donné bal le dimanche.

Fait à St-Guénolé le 2 octobre 1938. (signature Le Meur François).

Thomas, 24 mai 1944, Bourg :

Ergué-Gabéric le 24 Mai 1944.

Je soussigné M. Thomas déclare ne pas faire bal pendant la durée de la guerre.

(signature M. Thomas)

Catherine Balès, 12 juin 1944, Bourg :

Monsieur le recteur,

Connaissant les sentiments d'admiration respectueuse de mon frère à votre égard, à ma majorité, je m'empresse de déférer à vos désirs en vous assurant que dans ma maison on ne fera de bals et on ne donnera de séances cinématographiques que rarement et pour des circonstances bien déterminées.

Agréez Monsieur le recteur, avec ma soumission, l'assurance de mes sentiments respectueux.

Ergué-Gabéric le 12 juin 1944. (signature C. Balès).

Catherine Balès, 13 octobre 1945, Bourg :

Nous soussignés certifions que désormais, en dehors des bals de noces, nous ne donnerons dans le cours de l'année, que de rares bals dans notre salle.

Ergué-Gabéric le 13 Octobre 1945. (signatures de G. Guéguen, recteur ; C. Balès et J. Péton).

Quéré, 12 Février 1946, Lestonan :

Je soussigné m'engage à restreindre le nombre des bals à donner dans ma salle de Lestonan et à ne pas les multiplier au delà de 4 ou 5 par an. De telle façon que ma maison ne puisse être considérée comme faisant opposition systématique au clergé d'Ergué-Gabéric.

Fait à Ergué-Gabéric le 12 Février 1946. Pour la famille Quéré, (signatures J. Quéré et G. Guéguen).

Documents sources

Annotations

  1. Pierrick Chuto, passionné d'histoire régionale, auteur de nombreux articles (Le Lien du CGF, La Gazette d'Histoire-Genealogie.com ... ) et de livres sur les pays de Quimper et du Pays bigouden. Tous ces livres sont disponibles sur http://www.chuto.fr (paiement CB possible) ou en librairie. [Ses publications]

    Livre paru en 2010 : « Le maître de Guengat, "Mestr Gwengad" » (Auguste Chuto né en 1808, propriétaire-cultivateur, meunier et maire). « La terre aux sabots, "Douar ar boutoù-koad" » (Louis-Marie Thomas cultivateur à Plonéis en Basse-Bretagne de 1788 à 1840) est publié en mars 2012. « Les exposés de Creac'h-Euzen - Les enfants trouvés de l'hospice de Quimper au 19e siècle » (le tour de l’hospice civil et les 3816 enfants exposés entre 1803 et 1861, réédité et enrichi en 2019) est sorti en octobre 2013 et réédité fin 2019. « IIIe République et Taolennoù, tome I, 1ère époque 1880-1905 » (l'histoire d'Auguste Chuto prédicateur de Penhars) en février 2016. Le tome 2 de la confrontation des Cléricaux et des laïcs en Cornouaille, « Auguste, un blanc contre les diables rouges (1906-1925) » sort en 2018, et en 2019 c'est le pays bigouden qui est à l'honneur : « Du REUZ en Bigoudénie, Blancs de Plobannalec et Rouges de Lesconil (1892-1938) ». En 2021 : « Bien-aimée Marie-Anne » (belles lettres d'amour de son arrière-grand-père à sa promise). En 2023 : « L'évêque et les danses Kof ha Kof » (l’évêque de Quimper et de Léon de 1908 à 1946 en lutte contre les danses "ventre à ventre").
  2. Adolphe Duparc (1857-1946) fut l'évêque de Quimper et Léon de 1908 à sa mort. Il eut le souci de la formation du clergé de son diocèse en rachetant en 1913 le petit séminaire de Pont-Croix. Il développa l'enseignement catholique par la création de 110 écoles primaires. Il fut aussi l'homme de plusieurs combats : contre la séparation de l’Église et de l’État et laïcisation des écoles, lutte contre l'alcoolisme, patriotisme français, pétainisme, défense de la langue bretonne, excommunication des séparatistes bretons du PNB, ...



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Thème de l'article : Mémoires de nos anciens gabéricois. Création : octobre 2023    Màj : 18.10.2023