1902 - Documents sur la fermeture de l'école Notre-Dame de Kerdévot

De GrandTerrier

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Les opérations d'interdiction et de fermeture de l'école ND de Kerdévot ouverte en 1898 au bourg d'Ergué-Gabéric et dirigée par trois religieuses de la Congrégation du St-Esprit.

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Documents conservés aux Archives Départementales du Finistère, sous la côte ADF 1 V 1220, et comportant 11 documents.

Autres articles : « Réactions suite à l'expulsion des soeurs blanches, Journaux 1902 » ¤ « 1911 - Pétition des électeurs pour le maintien d'une religieuse du St-Esprit » ¤ « Témoignage de JM Déguignet sur la fermeture de l'école ND de Kerdévot » ¤ « 1912 - Fiche préfectorale de renseignements sur une commune réactionnaire » ¤ « Ecole Notre-Dame de Kerdévot, OF-LQ 1987 » ¤ « Jean Hascoët, recteur (1897-1908) » ¤ « Jeanne Marie Le Gall, soeur Félicienne, supérieure à l'école privée, de 1898 à 1934 » ¤ « Hervé Le Roux, maire (1882-1906) » ¤ « 1912-1919 - L'école primaire privée des filles du bourg en période de guerre » ¤ 

Présentation

La chronologie des évènements de l'année 1902 (et début 1903) :

  • En janvier 1902 Hervé Le Roux, maire d'Ergué-Gabéric, est interrogé par le préfet Henri Collignon [1] sur l'école libre des filles du St-Esprit au bourg depuis 1898.
  • Début août 1902 un décret national et un arrêté préfectoral de fermeture et dissolution de l'établissement sont publiés.
  • Le 6 août un commissaire et des gendarmes se déplacent au bourg d'Ergué-Gabéric, les sœurs blanches sont délogées et les scellés sont apposés sur les portes et fenêtres de l'école.
  • Le 16 octobre les scellés sont levés. Trois nouvelles religieuses sécularisées remplacent les trois sœurs blanches du St-Esprit.
  • En février 1903 un compte-rendu d'enquête analyse le fonctionnement de l'école libre et de l'activisme religieux.
  • En novembre 1903, un rapport fait le point sur les activités des anciennes sœurs blanches toujours à Ergué-Gabéric.

Lorsque l'école dut être fermée, le commissaire en charge de l'opération minutieusement préparée indique que le climat était plutôt tendu  : « Nombreux manifestants dans l'intérieur de l'Établissement à la tête desquels se trouvaient le recteur Hascoët qui s'est dit propriétaire de l'immeuble et ses deux vicaires. M. Hascoët, organisateur de la résistance a refusé de signer l'engagement qui lui a été présenté. Scellés apposés. Quelques pierres ont été jetées sur les gendarmes par des enfants. ».

Après les trois mois d'été et la réouverture officielle avec une nouvelle équipe de religieuses, les sœurs blanches sont toujours là : « Deux des anciennes religieuses sont restées au bourg où elles habitent chez le bedeau Le Moigne ; ce sont elles qui, en fait, dirigent l'école libre et elles accompagnent les enfants à la promenade. L'ancienne supérieure est à la papeterie Boloré. Elle se livre à l'exercice illégal de la médecine et vend des remèdes. ».

Deux des sœurs blanches finiront par quitter la commune : l'ancienne supérieure âgée de 70 ans en 1902 et la religieuse garde-malade de Mme Bolloré. Seule sœur Félicienne restera en poste jusqu'en 1934, et sa situation sera régularisée en 1911 grâce à une pétition des habitants : « 1911 - Pétition des électeurs pour le maintien d'une religieuse du St-Esprit ».

Sœur Félicienne

Transcription


République française. Préfecture du Finistère. Le Préfet du Finistère, Chevalier de la Légion d'honneur.

Vu la loi du 1er juillet 1901 ;
Vu le décret du 1er août 1902 qui prononce la fermeture de l'établissement congréganiste ouvert à Ergué-Gabéric par les Filles du Saint-Esprit de Saint-Brieuc ;
Vu l'arrêté préfectoral du 6 août 1902, pris en exécution des instructions ministérielles du 1er août 1902 et ordonnant l'apposition des scellés sur les portes et fenêtres du dit établissement;
Vu en date du 6 août 1902 le procès-verbal dressé par M. Allin Tomasi, Commissaire spécial de police à Quimper, constatant l'exécution de l'arrêté sus-visé ;

Vu en date du 13 octobre 1902 la déclaration par laquelle Melle Litré, Célanie, directrice de l'école privée établi dans un immeuble sis à Ergué-Gabéric, au bourg, s'engage à ne laisser s'installer dans ledit immeuble et ses dépendances aucun membre de la congrégation qui l'occupait précédemment ou de toute autre sans qu'il lui soit justifié d'un décret du Président de la République autorisant la création dans ledit immeuble d'un établissement congréganiste, sous toutes réserves d'une décision juridictionnelle ayant force de chose jugée.
Vu en date du 10 août 1902 un engagement conforme à celui ci-dessus visé, souscrit par M. Hascoët, locataire de A. de Couesnonegl propriétaire de l'immeuble sis à Ergué-Gabéric.
Considérant que les scellés avaient été apposées le six août 1902 sur l'immeuble dont il s'agit sur le refus du propriétaire de prendre l'engagement de n'y installer aucun membre de ma congrégation qui l'occupait précédemment ou de toute autre, sans qu'il lui soit justifié d'un décret du Président de la République autorisant la création dans ledit immeuble d'un établissement congréganiste ;
Considérant que cet engagement est fourni, ainsi qu'un engagement conforme de M. Litré, Célanie, directrice de l'école privée établie dans le dit immeuble ;

Arrête :
Articler 1er. - Est autorisée la levée des scellés apposés le six août 1902 sur l'immeuble précédemment occupé à Ergué-Gabéric, au bourg, par les Filles du Saint-Esprit de Saint-Brieuc.
Article 2. - M. Allin Tomasi, Commissaire spécial de police à Quimper, est chargé de l'exécution du présent arrêté dont il recevra une ampliation.
Quimper, le 14 octobre 1902. Pour le Préfet, le secrétaire général, Meniard.

Ministère de l'Intérieur. Commissariat spécial de Quimper. Levée de scellés. Ergué-Gabéric.

République Française.

L'an mil neuf cent deux, le seize octobre, Nous, Louis Allin-Tomas, commissaire spécial de la Police des chemins de fer à Quimper, officier de police judiciaire en administration, auxiliaire du procureur de la République.

Vu les instructions en date du 14 octobre de M. le Préfet du Finistère, prescrivant de procéder à la levée des scellés apposés le six août 1902 sur l'immeuble sis à Ergué-Gabéric et précédemment occupé par les Filles du St-Esprit de St-Brieuc.

Nous sommes transporté à Ergué-Gabéric où étant ce jour,

Avons, après notification au propriétaire de l'immeuble, parlant à la personne de M. l'abbé Hascoët, desservant, d'un arrêté de M. le Préfet du Finistère autorisant la levée des scellés sous les conditions énoncées dans le dit arrêté, procédé en la présence du dit abbé Hascoët à la levée des scellés apposés sur les différents locaux de l'immeuble.

Et le même jour, avons clos le présent procès-verbal pour être transmis à M. le Préfet du Finistère à toutes fins utiles.

Le commissaire spécial, Allin-Tomas.

Rapport après laïcisation (février 1903) :

Ministère de l'Intérieur. Direction de la sureté générale. Commissariat spécial des chemins de fer. Cabinet. Ergué-Gabéric. Situation après laïcisation.

République française. Quimper, le 24 février 1903. Rapport.

Il existe à Ergué-Gabéric une école libre dirigée par 3 sécularisées.

Deux des anciennes religieuses sont restées au bourg où elles habitent chez le bedeau Le Moigne ; ce sont elles qui, en fait, dirigent l'école libre et elles accompagnent les enfants à la promenade.

L'ancienne supérieure est à la papeterie Boloré. Elle se livre à l'exercice illégal de la médecine et rend des remèdes.

Les religieuses, les sécularisées et le recteur font une campagne acharnée contre l'école communale qui ne compte que 70 élèves alors que l'école libre en a 100 au minimum.

Un des vicaires fait le catéchisme tous les dimanches à la papeterie !

Le commissaire spécial. Beauquin.

Enquête sur anciennes religieuses (novembre 1903) :

Ville de Quimper. Commissariat de police. Ergué-Gabéric. Procès-verbal.

Enquête ayant pour but de rechercher l'identité des religieuses de la communauté des Filles du St-Esprit restées à Ergué-Gabéric, ainsi que leur attitude et leur domicile actuel.

L'an mil neuf cent trois et le dix-huit novembre, nous Terrine, Albert Commissaire de Police de la Ville de Quimper, Officier de Police judiciaire et auxiliaire de Monsieur le Procureur de la République.

Agissant en vertu des instructions contenues dans la lettre de service de Monsieur le Préfet du Finistère, dat&e du 24 octobre, nous enjoignant d'ouvrir une enquête sur la présence dans la commune d'Ergué-Gabéric des religieuses des Filles du St Esprit, dont la communauté a été récemment dissoute, ainsi que de leur attitude et leur domicile actuel.

Nous sommes rendu ce jour dans la dite commune et dans l'immeuble que l'on nous a indiqué comme étant la demeure des religieuses restées après la dissolution de la communauté.

Dans une pièce du rez-de-chaussée nous avons été reçu par l'une d'elles, la seule présente qui nous a fournit son état civil et celui de ses compagnes.

Le Gall, Jeanne Marie, âgée de 50 ans, en religion sœur Marie Félicienne, née à Logonna-Daoulas le 22 avril 1853, fille de Charles et de Marie Le Vasseur.

Evain, Suzanne, âgée de 70 ans, en religion sœur Raymond-Marie, ancienne supérieure de la communauté dissoute, née en juin 1833, à Bringalo (Côtes du Nord).

Geffroy, Marie, en religion sœur Yves du Bon Secours, née à Pludual (Côtes du Nord) en mars 1859.

Des renseignements qui nous ont été fournis il résulte que l'attitude de ces trois religieuses est absolument réservé et que chacune d'elles a des occupations personnelles, dans le but de créer des ressources.

C'est ainsi que la née Le Gall Jeanne Marie (soeur Félicienne) s'occupe des travaux de couture ; que la née Evain Suzanne (soeur Raymond), en raison de son grand âge, visite quelques malades et tire ses ressources d'un jardin et du produit d'une vache qui est sa propriété, que la née Geffroy Marie (sœur Yves de Bon Secours) est garde-malade de Mme Bolloré (mère) âgée de 79 ans, qui habite chez son fils au Moulin à papier situé à trois ou quatre kilomètres du bourg.

L'immeuble habité par les religieuses est la propriété du sieur Le Moigne Guillaume, âgé de 36 ans, bedeau de la paroisse.

Le tout quoi nous dressons le présent procès-verbal. Commissaire spécial de police, signature.

Originaux

Annotations

  1. Henri Collignon était au Ministère de l'Intérieur et des cultes quand, en 1899, il fut nommé Préfet du Finistère du 1er novembre 1899 jusqu'en juillet 1906. Il dut quitter cette fonction en juin 1906, sous l'effet d'une sanction portée par Clémenceau à la suite des troubles sociaux survenus à Brest. A 58 ans, en 1914, il s'est porté volontaire pour la guerre et est tué au front en mars 1915. C'est lui qui a engagé les travaux de construction de la nouvelle Préfecture, boulevard Dupleix. Quand il était à Quimper la vie publique était alors sous l'emprise d'un cléricalisme étroit et remuant. Resté proche du peuple, recherchant la société des paysans et des pêcheurs, Henri Collignon en vaillant républicain, il a œuvré auprès du clergé breton pour essayer de les convaincre d'accepter les changements. Nonobstant tous les obstacles, toutes les difficultés, il finit par s'imposer et devint populaire.



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Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric. Création : Mars 2011    Màj : 1.06.2024