RANNOU Betty - Le Bourg, chef-lieu à Lestonan
Titre : | Le Bourg, chef-lieu de la commune à Lestonan | ||
Auteur : | RANNOU Betty | Type : | Article |
Edition : | Municipalité d'Ergué-Gabéric | Publication : | Bulletin municipal de juillet 1980 |
Impression : | Ergué-Gabéric | Année : | 1980 |
Pages : | 1 | Référence : | - |
Cf. transcription de l'article ci-après.
Autres lectures : « 1840 - Un tract d'opposition au déplacement du Bourg Chef-lieu » ¤ « 1840-1842 - Délibérations municipales sur le projet de déplacement du bourg » ¤ « 1842 - Lettres et pétition pour et contre la translation du Bourg » ¤ « 2013 - Le décret de fractionnement de la commune d'Ergué-Gabéric » ¤
Transcription
"Le Bourg, chef-lieu de la commune. Et s'il avait été à Lestonan ?" ... La face de la commune en aurait été changée ... C'est pourtant bien ce qui a failli arriver. Vers 1838, un projet pour le moins gigantesque est né dans l'esprit d'une majorité de conseillers municipaux et d'une partie de la population : transférer le Bourg à Lestonan (à l'emplacement de Pen-Carn) c'est-à-dire déplacer la mairie, l'église, le presbytère et le cimetière.
Mais pourquoi ? demandera-t-on. Et pourquoi aussi, l'église paroissiale n'ayant pas bougé d'un centimètre, le projet ne s'est-t-il pas réalisé ?
Il faut, pour tenter de cerner le problème, étudier les motivations présentées au Conseil Municipal et les objections rapportées par un comité de défense mené d'ailleurs par l'adjoint au maire et dans lequel l'on dénombre trois conseillers municipaux, les autres membres étant propriétaires, éleveurs, cultivateurs et "simples électeurs".
Dans le projet de délibération présenté à la séance du 10 mai 1840 après laquelle s'ouvrira une enquête de "Commodo vel Incommodo" (notre actuelle enquête d'utilité publique), de tous les arguments avancés, l'on retient celui qui paraît le plus logique : installer le bourg au centre réel, géographiquement parlant, de la commune de façon à ce que "les habitants d'une même commune puissent, autant que possible, prendre une part égale aux bienfaits de l'instruction et aux secours de la religion, soit qu'ils aillent chercher ces secours à l'église paroissiale, soit surtout que des cas de graves maladies exigent qu'on les porte à domicile".
Voici donc pour les arguments favorables. S'ils apparaissent clairs et nets, ils ne sont, on le verra par la suite, étayés par aucun programme précis de voies d'accès et surtout pas de financement.
L'opposition, elle, n'a eu aucun mal à présenter un dossier complet ... qui a porté ses fruits. Il faudrait un ouvrage entier pour en relater tous les éléments dont les principaux peuvent néanmoins être notés brièvement.
- Le terrain choisi est extrêmement argileux (d'argile à poterie, précise-t-on même, inondé l'hiver, craquelé et fissuré l'été). Aucune fontaine productive l'été sur place.
- Des voies de communications inexistantes, ce qui isolerait inévitablement le reste de la commune (à moins de prendre l'axe Elliant-Quimper pour revenir sur Lestonan !).
- L'endroit "exposé à tous les coups de vent et aux ouragans si répétés et si violents sur notre littoral". A-t-on oublié, dira Hervé Lozach, adjoint, "que le clocher du bourg actuel quoique solidement édifié a été renversé par le coup de vent d'août 1838 et ce qu'il en a coûté pour sa reconstruction ?"
Quant au projet de construction d'une "maison d'école" ... Ici transparaît une ironie désabusée. "Nous nous associons de grand coeur au voeu plein de sagesse qu'exprime ici la majorité du Conseil relativement à l'instruction (...) peut-être pouvons-nous exprimer quelques regrets de voir notre commune encore si arriérée sous ce rapport et d'apprendre que, depuis la promulgation de la loi sur l'instruction primaire, c'est-à-dire depuis sept ans, elle n'a réalisé qu'une somme de 1,800 F pour se procurer des avantages inappréciables dont jouissent déjà un grand nombre de communes dont la situation financière n'était cependant pas plus prospère que la sienne".
Pour ce qui est du financement, n'en parlons pas ... "Si l'on demande où sont les fonds, les économies, les ressources et que pour toute réponse, on présente un coffre-fort municipal, mais vide et sans un seul centime pour la réalisation de tant et de si beaux projets, alors, nous le répétons, survient le désenchantement".
On prétend que la majorité des habitants de la commune désire l'exécution de ce projet. "Et bien, Monsieur le Préfet, que l'on interroge consciencieusement un à un, ceux qui sans chefs d'exploitation, et qui paient l'impôt, c'est-à-dire les vrais cultivateurs et contribuables qui sont portés pour charrettes et attelages au rôle de prestation en nature, et l'on verra où se trouve loyalement le voeu de la majorité, qui certainement ne peut ni ne doit être exprimé sincèrement par les habitants de ces nombreuses cabannes ou pentys qui ne paient aucun impôt, n'ont aucune attache au sol, et à qui l'on fait dire tout ce que l'on veut".
Les échanges épistolaires entre commune, comité de défense, préfecture et évêché constituent à eux seuls une documentation passionnante qui permet, même s'il est impossible de tout reproduire ici, de s'interroger sur l'audacieuse imagination de nos ascendants même si le bourg est toujours ... au bourg !