La cité de Ker-Anna, émission 'Archi à l'Ouest' sur Tebeo
Une vidéo de 5 minutes 30 qui présente de façon didactique la spécificité de la vieille cité ouvrière de Ker-Anna, sous l'angle de son architecture innovante et via l'interview d'Henri Le Gars, né en 1923, occupant des lieux pendant 45 années et aujourd'hui âgé de 97 ans.
Un film diffusé en septembre 2020 sur la chaine Tebéo et disponible sur son site Internet.
Autres lectures : « L'histoire de la cité de Keranna par Henri Le Gars » ¤ « La généalogie de la cité de Keranna par Henri Le Gars » ¤ « Henri Le Gars, employé aux usines Bolloré en novembre 1939 » ¤ « 1910-1928 - Les plans gabéricois de l'architecte René Ménard pour l'industriel René Bolloré » ¤
Présentation
La construction de la cité de Ker-Anna a été organisée par l'industriel René Bolloré et son architecte nantais René Ménard [1] en 1918-1919 afin de loger les salariés de la papeterie voisine d'Odet, à savoir essentiellement les contremaitres et agents de maitrise.
Cette cité dite ouvrière est une des plus anciennes du département, et son modèle architectural était précurseur pour l'époque. Le journaliste Frédéric Lorenzon s'est penché en septembre dernier sur l'originalité de cette réalisation dans son émission « Archi à l'ouest » sur Tébéo.
Grâce à de très belles vues aériennes à hauteur de drone et par un temps ensoleillé de fin d'été, on y découvre 18 maisons, certaines logeant deux familles : « On est sur l'adaptation de la maison traditionnelle bretonne, sur un schéma qui se reproduit, puisque les maisons sont presque toutes identiques. On a évidemment le granite qui est la pierre locale, des encadrements en pierre de taille. On voit certaines entrées qui ont un arc en plein cintre, tout ça est typique des maisons telles qu'on peut les voir un peu partout dans la campagne. »
Olivier Hérault du Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement explique l'originalité du lieu : « Ce qui est intéressant est qu'elle crée vraiment un dialogue entre l'espace commun, partagé, et l'espace commun, individualisé, plus personnel. ».
Le vétéran des habitants de Ker-Anna, 45 ans dans la rangée nord et aujourd'hui âgé de 97 ans, interviewé par Tebéo, témoigne et illustre l'utilisation du terre-plein au centre du U formé par les maisons en tant qu'espace commun : « Avec les gosses de mon âge, à l'époque, on se retrouvait tous à jouer au ballon entre les tilleuls. On faisait un but, et on jouait là, alors que le terrain de foot du patronage était disponible en bas, c'était comme ça que ça se passait. ».
La progression de l'espace commun au privé se passe comme suit : tout d'abord un espace commun en pelouse, puits et tilleuls, puis un petit jardin privé, ensuite la maison d'habitation au loyer modéré ou gratuit, et par l'arrière une deuxième rangée de jardins plus personnels et plus utilitaires, et enfin les dépendances excentrées pour ranger ses outils et éventuellement garer sa voiture.
Le côté moderne de cet habitat est indéniable : « Pour moi ça correspond à une vraie problématique d'aujourd'hui, une sorte de dualité, à la fois on voudrait un extérieur et on n'a pas le temps ou on n'a pas envie de s'en occuper. Ici finalement l'espace à gérer est très faible, et pourtant on peut profiter d'un espace très grand. »
Le Film
Emission : Archi à l'ouest Genre : Magazine d'architecture Date : 24 septembre 2020 |
Présentateur : Frédéric Lorenzon Intervenant n° 1 : Floriane Magadoux Personne interviewée : Henri Le Gars |
Intervenant n° 2 : Olivier Hérault Durée de l'extrait : 05:31 Emission complète : 13:29 |
Transcriptions
Frédéric Lorenzon et Floriane Magadoux
- On prend la suite de cette émission à Ergué-Gabéric, on s'est éloigné de la mer. Floriane, vous avez choisi la cité de Ker-Anna, cité liée à la société Bolloré, puisqu'elle logeait ici ses salariés. Pourquoi avoir choisi cet exemple ?
- Parce que, justement, c'est la première cité ouvrière du finistère qui a été construite en 1919 pour les ouvriers de la papeterie de l'Odet qui était implantée juste à côté. On est ici dans un exemple de construction pour le coup pas du tout comme ce qu'on a vu aux Plomarc'h à Douarnenez où ce sont les habitants qui construisent leurs propres habitations. Mais dans un ensemble qui a été vraiment conçu dans une unité par un architecte qui s'appelle René Ménard. L'idée c'était de montrer aussi qu'on pouvait avoir en finistère des formes assez denses, sur 18 logements répartis sur une parcelle de petite taille, mais conçues de manière à préserver l'intimité des habitants, à offrir une qualité de vie ; on a des logements qui sont assez spacieux, qui sont lumineux, qui ont un jardin et qui ont aussi des espaces communs.
- Comment étaient construites ces maisons, il y avait un modèle ? On voit qu'il y a de la pierre, des ardoises.
- Oui tout-à fait. On est sur l'adaptation de la maison traditionnelle bretonne, sur un schéma qui se reproduit, puisque les maisons sont presque toutes identiques. On a évidemment le granite qui est la pierre locale, des encadrements en pierre de taille. On voit certaines entrées qui ont un arc en plein cintre, tout ça est typique des maisons telles qu'on peut les voir un peu partout dans la campagne. On voit qu'il y a eu l'idée de mettre des éléments plutôt de décor assez luxueux sur ces logements qui étaient destinés à des ouvriers.
- Floriane, on peut peut-être se poser la question comment on vivait dans cette cité et de comment on y vit encore aujourd'hui. On a rencontré Henri Le Gars, 97 ans, il est né ici en 1923 et il a vécu 45 ans à la cité Ker-Anna, on écoute son témoignage.
Henri Le Gars
J'ai toujours vécu là, pendant les 45 premières années de ma vie. Il y avait deux rangées, "le bas" au nord (plus proche de l'usine) et "le haut" au sud. Dans le bas c'était une cloison en bois , avec une porte, qui séparait la cuisine d'une salle. Et dans cette rangée le sol était tout cimenté.
Henri Le Gars (suite)
Par contre dans la rangée sud, il y avait du parquet dans la cuisine, et du ciment dans la cuisine. Ca dépendait des endroits, mon père était conducteur de la centrale électrique, il était logé gratuitement. D'autres payaient une somme modique, l'équivalent de 120 euros d'aujourd'hui.
On était tous, les gosses de mon âge à l'époque, on se retrouvait tous à jouer au ballon entre les tilleuls. On faisait un but, et on jouait là, alors que le terrain de foot du patronage était disponible en bas, c'était comme ça que ça se passait.
Frédéric Lorenzon et Olivier Hérault
- Voilà, retour à la cité Ker-Anna à Ergué-Gabéric en compagnie d'Olivier. Olivier, la disposition en U de cette cité, qu'est-ce qu'elle offre comme organisation de l'espace ?
- Ce qui est intéressant est qu'elle crée vraiment un dialogue entre l'espace commun, partagé, et l'espace individualisé, plus personnel. On se retrouve avec un espace délimité par le bâti, un espace convivial où la voiture est absente en fait, puisque les gens se retrouvent autour du puits, comme on a parlé tout-à-l'heure. Et puis ensuite une progression plus vers l'espace personnel, avec une première rangée de jardins, mais qui restent très ouverts sur l'espace partagé et qui servent un peu de sas entre l'intime et le collectif.
- Henri Le Gars disait qu'ils jouaient ici au foot, ils n'allaient même pas au stade qui était juste en face.
- C'est ça, cela permettait sans doute aux familles de surveiller les enfants qui jouaient à l'intérieur en toute sécurité. Et puis ensuite la progression c'est de rentrer dans la maison qui est le cœur du foyer, et puis à l'arrière une deuxième rangée de jardins qui là sont des jardins plus personnels et plus utiles. Et enfin la place de la voiture, et finalement les dépendances. Une sorte de graduation qui se répète, très intéressante et très efficace.
- C'est l'un des principes que vous retiendriez s'il fallait transposer de l'ancien au nouveau ?
- En tous cas, ce qui est vraiment intéressant sur le modèle, c'est de se retrouver avec un jardin privé qui est en fait de taille assez modeste, et pourtant le sentiment est d'avoir un jardin gigantesque, puisque quand on regarde par la fenêtre on a le droit à tout cet espace-là qui est partagé. Pour moi ça correspond à une vraie problématique d'aujourd'hui, une sorte de dualité à la fois on voudrait un extérieur et on n'a pas le temps ou on n'a pas envie de s'en occuper. Ici finalement l'espace à gérer est très faible, et pourtant on peut profiter d'un espace très grand.
Arrêts sur images
Annotations
- ↑ René Charles Ménard est un architecte né en 1876 à Nantes et décédé dans la même ville en 1958. Il succède à son père, également architecte, et décroche le diplôme de l’école des Beaux-arts de Paris. Il est retenu pour l'édification du Mémorial de Sainte-Anne-d'Auray à la mémoire des 240 000 Bretons morts pour la France, projet auquel il consacra 15 années de sa vie. L’autre grand chantier de la fin de sa vie fut la construction de l’église Sainte-Thérèse de Nantes, qu’il conçut en briques en collaboration avec Maurice Ferré. Ami du papetier René Bolloré il rénova pour ce dernier chapelle et manoir d'Odet, monument aux mort d'Ergué-Gabéric et créa une cité ouvrière.