Billet du 29.03.2025
Civisme d'un pensionnaire ecclésiastique en 1798
Cette semaine un document en série L "Administrations et tribunaux de la période révolutionnaire" des Archives départementales du Finistère : les certificats de bonne conduite du curé constitutionnel Rolland Coatmen.
La première attestation du document 18 L 80 est signée par le maire d'Ergué-Gabéric François Laurans. La seconde est signée et contresignée par les administrateurs du canton de Locronan.Le certificat gabéricois, daté du 14 messidor de l'an 6 (2 juillet 1798), inclut une attestation de résidence à Ergué-Gabéric entre 1792 et 1795 et de probité civique : « Nous signant officiers municipaux de la commune d'Ergué-Gabéric canton rural de Quimper département de finistère certifions que le citoyen Rolland Coatmen pensionnaire ecclésiastique a résidé dans notre commune depuis l'an 1792 jusqu'à l'an 3 de la République, qu'il a donné pendant la résidence toutes les preuves possibles de civisme ».
Le deuxième certificat est daté des 28 messidor et 2 thermidor de l'an 6 (16 et 20 juillet 1798) atteste « qu'il n'a point et n'est point émigré, qu'il n'a pas et qu'il n'est pas détenu pour cause de suspicion ou contre-révolution ». Et pour prouver son engagement citoyen : « il nous a représenté ses quittances d'imposition depuis 1792 jusqu'à ce jour, même celle des contributions de l'an six. ».
Il faut dire que le curé Coatmen est « assermenté » : en 1791-92 il signe successivement les deux serments exigés par la Constitution civile du Clergé, le premier obligatoire décrété par l'Assemblée nationale constituante en novembre 1790, et le second dit de « liberté-égalité » du 14 août 1792 : « Je jure d'être fidèle à la nation et de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir en les défendant. ».
En 1794, il doit faire viser son certificat de civisme auprès du comité révolutionnaire de surveillance de Quimper, car les autorités révolutionnaires sont très vigilantes dans la surveillance des prêtres réfractaires.
Entre le 30 floréal de l'an 2 (19 mai 1794) et le 17 messidor de l'an 3 (05.07.1795), Rolland Coatmen accepte la mission d'officier public d'Ergué-Gabéric et rédige les premiers actes d'état civil du nouveau calendrier républicain.
Et l'accueil au presbytère d'Ergué-Gabéric des fugitifs girondins (chassés du pouvoir par les Montagnards) est un de ces faits marquants du mois d’août 1793 (thermidor de l'an I) : « On nous introduisit ensuite, à petit bruit, chez un curé constitutionnel, à qui on nous donna pour des soldats qui venaient de faire chasse à des réfractaires. Le bonhomme nous chauffa, nous sécha, nous traita, nous coucha, nous cacha jusqu'à la fin du jour. » (mémoires de Jean-Baptiste Louvet).
Les 10 députés proscrits en cavale (dont le provencal Barbaroux) seront ensuite hébergés chez Antoine De la Hubaudière, avec l'aide du député Augustin de Goazre de Kervélégan. Ils partiront tous de Quimper, la plupart par bateau vers Bordeaux et St-Emilion. La moitié d'entre eux seront soit assassinés, soit guillotinés. La vie publique pour les révolutionnaires - et pour les prêtres constitutionnels par extension - n'était décidément pas simple à cette époque !

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