Billet du 24.02.2024
Terres royales et calvaire disparu
Cette semaine on s'intéresse à une rue ou plutôt un lieu-dit où il y avait d'une part un calvaire, et d'autre part des terres royales : « la tenüe du Gac tenue prochement soubz le Roy notre sire ». Ceci pour compléter le dossier toponymique de l'espace "Villages" par un résumé de son histoire avant son urbanisation.
Le lieu-dit Kroaz-ar-Gag est situé à l'entrée du village de Quélennec, au croisement de la route de Pennaneac'h et des chemins de Stang-Odet et du Vrugic, là où autrefois il y avait un grand calvaire, dont aujourd'hui seuls les restes d'une piéta sont conservés. Cet endroit, aujourd'hui constitué d'une longue rue complètement urbanisée, n'était pas habité dans les temps jadis.
Mention du calvaire sur le cadastre Napoléonien :
Le lieu est mentionné dans le registre du papier terrier de 1682 : « la tenue autrefois appellée la tenue du Gac au village de Quellennec braz », laquelle est déclarée comme tenue « prochement soubz le Roy notre sire ».
En fait, en 1447, soit 230 ans plus tôt, un dénommé Guiomarch Le Gac déclarait détenir au Quélennec des terres dépendant de l'abbaye de Landévennec pour lesquelles il payait des droits seigneuriaux.
Toponymiquement Croas ar Gac / Kroaz ar Gag est « la croix du dénommé Le Gac, surnom de quelqu'un qui parle mal ». Kroas pour "croix, calvaire" et Ar Gac, patronyme basé sur le qualificatif gag "bredouilleur", et portés vraisemblablement par le sus-nommé Guiomarch et ses descendants.
La frise patrimoine du lieu-dit :
La piéta, datant du 16e siècle, encastrée aujourd'hui dans une niche de pierres surmontée d'une petite croix de granit, faisait partie autrefois d'un calvaire situé de l'autre côté du chemin de Stang-Odet. Marjan Mao qui habitait au bout du chemin se souvient y avoir vu au début du siècle les restes des premiers degrés du socle, ainsi qu'un magnifique if très proche. Le calvaire aurait été démoli au 19e siècle et les pierres utilisées pour la reconstruction du clocher de l'église paroissiale, abattu par la tempête du 9 février 1836.
Le calvaire ancien était à l'entrée d'un champ appartenant au siècle dernier à l'agriculteur de Quélennec, Pierre Le Bihan dit "Pêr La Gône". La piéta par contre est à l'entrée du champ de l'agriculteur de Pennaneac'h, René Beulz père.
Ce dernier fut contacté par Mme Charruel, belle-soeur de René Bolloré le patron des usines d'Odet. Il lui demanda de transporter la statue dans les jardins du château de Stang-Venn. René Beulz, d’abord réticent, finit par accepter.
Peu de temps après, survint une période de fort mauvais temps. Ceux qui avaient alors l’habitude de faire leurs dévotions en passant devant la piéta, demandèrent le rapatriement de la statue. René Bolloré fit remettre le pieux vestige en place au plus tôt. Il envoya ensuite deux de ses maçons, afin d’édifier une niche avec de solides barreaux pour protéger la vierge.
On raconte aussi, bien avant que les maisons voisines n'y soient construites (les familles Francès-Cognard sont les toutes premières en 1964-65), que le croisement de Kroaz-ar-Gag était un lieu de sortilèges. Certains y auraient vu « un château majestueux éclairé de toutes ses lumières » et « un gigantesque labyrinthe », d'autres des lutins, et en hiver il valait mieux fait un grand détour pour éviter les mauvaises rencontres.
En savoir plus : « Croas ar Gac, Kroaz ar Gag », espace Villages.
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