Billet du 21.09.2024
La guerre de l'eau communale au bourg d'Ergué-Gabéric
Les années 1895-1905 à l'école publique des garçons au bourg d'Ergué-Gabéric, rue du Douric, grâce à des lettres préfectorales et délibérations municipales (ADF 2O788) d'une part, et les rapports d'inspections académiques (ADF 1T491) d'autre part.
Les 10 délibérations et lettres échangées par les administrations en 1901-1902 illustrent une situation tendue que dénonce l'instituteur directeur de l'école communale et l'inspection primaire académique : « La situation signalée par la lettre ci-jointe de M. Boënnec, instituteur public à Ergué-Gabéric est évidemment des plus fâcheuses et il importe d'y porter remède. »
Depuis sa deuxième année scolaire en 1896 et jusqu'en 1903, Charles Boënnec n'a de cesse de se plaindre des difficultés d'alimentation en eau, étant dépendant des humeurs du commerçant voisin : « M. Lennon s'est engagé à fournir l'eau nécessaire à l'école de garçons moyennant une somme de 10 f. par an. Cet engagement, pris verbalement, ne comportait aucune condition, et ce propriétaire devrait donner de l'eau, pour les bénéfices de l'école, aussi bien aux enfants qu'à l'instituteur.»
Le message est relayé par le préfet dans plusieurs courriers adressés au maire d'Ergué-Gabéric : « J'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien soumettre sans retard cette dernière question - la construction d'un puits - à votre conseil municipal et, en attendant une solution, obliger M. Lennon, à fournir de l'eau à l'école »
La réponse du conseil et du maire (Hervé Le Roux de Mélennec) est d'une part la plainte du commerçant - « il prétend que les enfants lui abîment sa pompe » - et d'autre part la situation financière de la commune qui ne peut pas en ce moment « s'imposer de nouveaux sacrifices ».
Mais l'analyse du dossier de l'instituteur titulaire donne un éclairage légèrement différent. Charles Boënnec, né le 10 juin 1861 au Faou fils de journalier et de « laitière », époux de Suzanne Limbour le 6 juin 1900 à Riec-sur-Belon, est nommé instituteur titulaire de la 1ère classe (CM2) de l'école publique des garçons du bourg d'Ergué-Gabéric le 4 octobre 1895. Il y restera 10 ans jusqu'en 1905.
On dispose de 8 rapports d'inspection pour cette période, lesquels sont assez détaillés et de plus incluent les notes de l'instituteur lui-même, et non celles uniquement de l'inspecteur. Les effectifs tout d'abord : l'école accueille 80 à 105 élèves suivant les années, répartis sur deux classes, dont la première tenue par Charles Boënnec. Certains de ces élèves sont pensionnaires, mais on ne connaît pas leur nombre. Et il faut ajouter les cours pour adultes, en 1896 il est fait état de 54 auditeurs.
Les élèves sont relativement assidus, mais l'inspecteur d'Académie note quelques difficultés d'adaptation :
- « On voudrait plus d'activité et de travail chez les enfants. Ils ne sont point assez exercés à parler et répondent trop souvent à voix basse par petits fragments de phrases. »
- « Il ne faut pas que les élèves continuent à attendre le coup de sifflet annonçant la rentrée pour aller "aux urinoirs". »
- « Il y a des vêtements en désordres ; les pieds nus dans les sabots ne sont pas d'une propreté exemplaire. »
On note aussi quelques initiative de l'instituteur, lequel est bien noté, malgré un côté laborieux et une fatigue les dernières années :
- « L'instituteur voit particulièrement les parents des élèves tous les deux mois à l'occasion du payement des fournitures scolaires. »
- « La fréquentation scolaire est généralement bonne. Pour le moment non, l'épidémie de l'influenza régnant dans la commune. Il fait usage de bonnes notes, de changements de place, des louanges, etc. pour augmenter ou maintenir la fréquentation. »
- « L'Instituteur a une petite bibliothèque privées. Il ne fait pas usage de la bibliothèque cantonale, sa bibliothèque privée lui suffit largement »
L'absence de puits est certainement l'affaire récurrente la plus marquante car elle est systématiquement rappelée et argumentée dans tous les rapports d'inspection jusqu'en 1903 :
- « Les élèves ne sont pas tous propres, l'école n'ayant pas de puits, ni d'eau à proximité. Un puits est indispensable à l'école pour assurer convenablement la propriété des élèves et des locaux scolaire. »
- « Ne pourrait-on pas enfin mettre la Municipalité en demeure de satisfaire à cette obligation ? », « J'ai entretenu M. le Maire de cette question. Il ne m'a pas paru bien décidé à faire quoi que ce soit. »
- « Jusqu'ici l'alimentation de l'école en eau potable était assurée par traité passé avec un propriétaire voisin qui, moyennant 10 f. par an, promettait de donner l'eau nécessaire. Il ne tenait pas toujours ses engagements »
Au-delà des explications des délibérations municipales sur le financement communal, les commentaires de l'instituteur dans les rapports d'inspection laissent à croire que le contexte de guerre entre l'école publique et l'école catholique au bourg échauffent les esprits :
- « La commune donne une allocation annuelle de 10 f. à un nommé Lennon, commerçant, dont le fils ancien élève de l'école, quoique à peine âgé de 16 ans, est déjà secrétaire de la mairie. »
- « Depuis l'installation d'une école congréganiste de filles, Mr Lennon ou mieux sa femme refuse pour les motifs les plus futiles de laisser puiser de l'eau, les élèves dont les sœurs fréquentent l'école laïque des filles, ou ceux dont les parents prennent des marchandises ailleurs que chez elle. »
En savoir plus : « 1901-1902 - Alimentation en eau de l'école communale de garçons du bourg » et « Charles Boënnec, instituteur public au bourg de 1895 à 1905 », espaces Archives et Biographies
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