« 1794-1809 - Les Biens Nationaux et la Révolution à Ergué-Gabéric » : différence entre les versions
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[[Image:LiasseSmall.jpg|80px|left|link=]]__NOTOC__<i>Comment les biens du Clergé et de la Noblesse sont confisqués dès 1794, expertisés, vendus aux enchères, et donc versés in-fine dans le domaine privé, avec deux ou trois exceptions.</i> | [[Image:LiasseSmall.jpg|80px|left|link=]]__NOTOC__<i>Comment les biens du Clergé et de la Noblesse sont confisqués dès 1794, expertisés, vendus aux enchères, et donc versés in-fine dans le domaine privé, avec deux ou trois exceptions.</i> | ||
[[Image:Bonnet_Phrygien.png|110px|right|link=]]Autres lectures : {{Tpg|1794-1809 - Aliénation des biens du clergé mis à disposition de la Nation}}{{Tpg2|:Category:Biens Nationaux|Collection des documents d'archives}}{{Tpg|1789 à 1799 - Les dates clefs de la Révolution à Ergué-Gabéric}}{{Tpg|1792-1795 - Liste des citoyens absents et réputés émigrés}}{{Tpg|1802-1807 Le domaine gabéricois de l'Ordre national de la Légion d'honneur}} | [[Image:Bonnet_Phrygien.png|110px|right|link=]]Autres lectures : {{Tpg|1794-1809 - Aliénation des biens du clergé mis à disposition de la Nation}}{{Tpg2|:Category:Biens Nationaux|Collection des documents d'archives}}{{Tpg|1789 à 1799 - Les dates clefs de la Révolution à Ergué-Gabéric}}{{Tpg|1792-1795 - Liste des citoyens absents et réputés émigrés}}{{Tpg|1802-1807 - Le domaine gabéricois de l'Ordre national de la Légion d'honneur}}{{Tpg|François Salomon Bréhier, maire (1808-1812) et avoué franc-maçon}} | ||
==Présentation== | ==Présentation== | ||
{{ContentGrid|content={{Box| | {{ContentGrid|content={{Box| | ||
Les | Les biens de l'Église et des nobles contre-révolutionnaires saisis lors de la Révolution française forment les « <i>biens nationaux</i> » dont la revente à des propriétaires privés a pour but d'éponger la crise financière nationale. | ||
Pour toutes les communes de France, et pour Ergué-Gabéric en particulier, cette décision génère un fonds documentaire détaillé, composé de rapports d'expertise et d'adjudication qui permet | Pour toutes les communes de France, et pour Ergué-Gabéric en particulier, cette décision génère un fonds documentaire détaillé, composé de rapports d'expertise et d'adjudication qui permet de comprendre la nouvelle donne sociale et économique de cette fin de XVIIIe siècle. | ||
Environ une quarantaine de propriétés réparties sur tout le territoire communal sont visées par cette réaffectation foncière : cf. tous les documents dans l'espace [[:Category:Biens Nationaux|"Révolution-BN"]] avec leur localisation dans chacune des 10 trèves paroissiales <ref name="Trève">{{K-Trève}}</ref> de l'époque. | |||
Pour ce qui concerne le patrimoine religieux, l'église paroissiale échappe aux saisies, mais ce n'est pas le cas du presbytère, et toutes les chapelles furent concernées : Kerdévot la plus renommée, mais aussi St-Guénolé, St-André, et les chapelles en ruine comme St-Joachim, Sainte-Appoline et St-Gildas. | |||
Les | [[Image:LePressoir.jpg|center|470px|vignette|Le Pressoir ou les Biens nationaux du Clergé, estampe anonyme]] | ||
À l'exception de l'auto-attribution du presbytère et de l'acquisition de Sainte-Appoline par une négociante quimpéroise, les acquéreurs des autres chapelles sont agriculteurs ou aubergiste. En fait ces acteurs locaux n'agissent pas par spéculation, mais sont les prête-noms de la population qui désire préserver la dimension communautaire des lieux de culte. | |||
Les chapelles de Kerdévot et de St-Guénolé seront restituées à titre gracieux quelques années plus tard à la fabrique communale. Pour Kerdévot on dispose même d'une archive attestant d'une quête paroissiale préalable à la mise aux enchères. | |||
Les prix estimés et de vente sont exprimés en livres. En principe cette unité monétaire a été rebaptisée "franc" en 1795, mais jusqu'aux années 1810 on continue à parler en livres. Les prix d’adjudication à la dernière enchère sont soit exactement le prix de l'estimation faite par un expert agréé, soit légèrement supérieurs. Une exception pour Kerdévot : les 6000 livres faisant huit fois le prix initial de l'expert. | |||
Le presbytère est aussi un cas particulier, il est attribué sans enchères à l'un des experts-avoués qui co-signe le rapport d'estimation, lequel Salomon Bréhier loue le local à la commune pour y loger les prêtres de la paroisse, devient lui-même maire d'Ergué-Gabéric, et revend ensuite le lieu pour un montant non négligeable au recteur, lequel restitue contre remboursement l'habitation à la « <i>fabrique communale</i> ». | |||
Pour les propriétés et dépendances des nobles qui se sont rebellés contre la Révolution et se sont exilés à l'étranger, la vente en tant que bien national consiste en un transfert du foncier car les baux des domaniers et exploitants sont généralement maintenus par les nouveaux propriétaires. Les adjudicataires doivent se plier à une vente publique aux enchères, et les prix des dernières enchères sont très souvent 8 à 10 fois supérieurs aux valeurs initiales d'estimation. | |||
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Les biens nationaux les plus côtés sont dans l'ordre le manoir de Kervreyen (100 700 livres), celui de Kerfors (77 000), Mezanlez (67 100) et Le Cleuyou (50 600). | |||
Le manoir de Lezergué du seigneur de La Marche constitue un dossier spécial car il n'est pas versé dans les Biens Nationaux, tout au plus les biens et effets laissés sur place sont mis sous séquestre. Et pourtant le chef de famille François-Louis et son fils Joseph-Louis-René sont émigrés, le premier à Jersey, le second en Guadeloupe. | |||
[[Image:LezerguéAnneCoXVIIe.jpg|center|470px|vignette|Le château de Lezergué vers 1770, aquarelle Anne Cognard 2017]] | |||
Mais le dernier des fils reste sur Quimper et joue de son influence auprès des autorités pour la levée des séquestres et obtient même une amnistie au décès de son père. Ainsi la famille de La Marche conserve le château de Lezergué et les tenues de Kerdudal. Par contre les dépendances de Kerfors, Kernaou et Kervreyen sont privatisées en tant que bien nationaux indépendants. | |||
L'autre exception est le domaine de Kerjestin, à savoir le territoire sud-est de la commune, autrefois propriété des Rohan et saisi en 1592 par la Saincte-Union, les Rohan-Gié étant considérés comme huguenots "hérétiques". Toutes ces tenues nobles, à savoir le moulin du Faou, Kermoisan, Keranroue, Kerjestin, restent néanmoins aux VII-XVIIIe siècles sous la coupe des Rohan-Guémené « <i>tenues et possédées prochement, ligement <ref name="Lige">{{K-Lige}}</ref> et noblement du Roy nostre sire</i> ». | |||
Fin 1802, plutôt que d'être allotis en biens nationaux, les biens de Kerjestin sont intégralement versés au domaine de la Légion d'honneur, ce qui fait que les baux de fermage servent à financer cette institution. Lorsque le domaine de la Légion est dissout en 1807 ce sont les fermiers domaniers eux-mêmes, et non des spéculateurs fonciers, qui peuvent racheter les exploitations. | |||
Si l'on regarde le tableau récapitulatif des biens nationaux dressé ci-dessous, on se rend compte qu'il reste deux autres grands domaines nobles faisant l'objet d'allotissements et d'enchères réglementaires, et donc de spéculations : Pennarun près du bourg et Cleuyou de Quimper. Ces propriétés et leurs mouvances sont acquises en majeure partie par les notables ou bourgeois de la ville de Quimper. | |||
Ces nouveaux propriétaires sont négociants (Le Guen pour Kerfors, Debon à Plas an Intron, Mermet à Kervreyen, Marie Madeleine Merpaut), médecin (Vinoc à Pennarun), imprimeur (Derrien à Pennarun), avoués (Le Roux à Kernaou, Bréhier), la plupart initiés au sein d'une loge maçonnique quimpéroise. | |||
Très peu s'établissent localement en y habitant. L'un d'entre eux, Salomon Bréhier, s'y installe en élisant domicile au manoir de Mezanlez racheté au précédent adjudicataire, et il sera même nommé maire de 1808 à 1812. À Pennarun les Derrien et Vinoc revendent leurs biens assez rapidement. Au Cleuyou la négociante Madeleine Merpaux, sans héritiers, transmet indirectement le manoir aux Mermet <ref>Après avoir été propriété des Mermet, le manoir du Cleuyou passera par alliance dans les mains des Le Guay sur 4 générations.</ref> présents déjà à Kervreyen. À Kernaou l'héritage sera transmis par les femmes, sur plusieurs générations, aux descendants des Le Roux. | |||
}}}} | }}}} | ||
==Tableau récapitulatif== | ==Tableau récapitulatif== | ||
{|width= | {|width=1000 | ||
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{| class="wikitable" style="margin:auto" | {| class="wikitable" style="margin:auto" | ||
Ligne 36 : | Ligne 57 : | ||
|Presbytère | |Presbytère | ||
|Clergé | |Clergé | ||
|Salomon Bréhier | |Salomon Bréhier, avoué de Quimper | ||
|1790 livres | |1790 livres | ||
|1790 livres | |1790 livres | ||
Ligne 43 : | Ligne 64 : | ||
|Chapelle de Kerdévot | |Chapelle de Kerdévot | ||
|Fabrique | |Fabrique | ||
|Jérôme Crédou | |Jérôme Crédou, agriculteur | ||
|800 livres | |800 livres | ||
|6000 livres | |6000 livres | ||
Ligne 50 : | Ligne 71 : | ||
|Chapelle de St-Guénolé | |Chapelle de St-Guénolé | ||
|Fabrique | |Fabrique | ||
|Alain Rannou | |Alain Rannou, agriculteur | ||
|400 livres | |400 livres | ||
|630 livres | |630 livres | ||
| | |Ibid | ||
|- | |- | ||
|Chapelle de St-André | |Chapelle de St-André | ||
|Fabrique | |Fabrique | ||
|Pierre-Jean Crédou | |Pierre-Jean Crédou, agriculteur | ||
|100 livres | |100 livres | ||
|395 livres | |395 livres | ||
Ligne 64 : | Ligne 85 : | ||
|Chapelle de St-Joachim | |Chapelle de St-Joachim | ||
|Fabrique | |Fabrique | ||
|Laurent Le Corre | |Laurent Le Corre, aubergiste au bourg | ||
|120 livres | |120 livres | ||
|125 livres | |125 livres | ||
Ligne 71 : | Ligne 92 : | ||
|Chapelle de Ste-Appoline | |Chapelle de Ste-Appoline | ||
|Fabrique | |Fabrique | ||
|Marie Madeleine Merpaut | |Marie Madeleine Merpaut, négociante à Quimper | ||
|80 livres | |80 livres | ||
|85 livres | |85 livres | ||
| | |Ibid | ||
|- | |- | ||
|Chapelle de St-Gildas | |Chapelle de St-Gildas | ||
|Fabrique | |Fabrique | ||
|Alain Rannou | |Alain Rannou, agriculteur | ||
|70 livres | |70 livres | ||
|75 livres | |75 livres | ||
| | |Ibid | ||
|- | |- | ||
|colspan=6|<b>II. Domaine de Lezergué</b> | |colspan=6|<b>II. Domaine de Lezergué</b> | ||
Ligne 87 : | Ligne 108 : | ||
|Manoir de Lezergué | |Manoir de Lezergué | ||
|François-Louis de La Marche | |François-Louis de La Marche | ||
| | |N/A | ||
| | |N/A | ||
| | |N/A | ||
| | |Manoir préservé, séquestre des biens et effets, amnistie en 1803 | ||
|- | |||
|Tenues de Kerdudal | |||
|François-Louis de La Marche | |||
|N/A | |||
|N/A | |||
|N/A | |||
|Expropriation en 1809 | |||
|- | |- | ||
|Manoir de Kerfors | |Manoir de Kerfors | ||
|François-Louis de La Marche | |François-Louis de La Marche | ||
|Guillaume Le Guen | |Guillaume Le Guen, négociant | ||
|7460 livres | |7460 livres | ||
|77000 livres | |77000 livres | ||
|Ruines et dépendances | |Ruines et dépendances | ||
|- | |||
|Manoir de Kernaou | |||
|François-Louis de La Marche | |||
|Jean-Marie Le Roux, avoué à Quimper | |||
|4100 livres | |||
|38000 livres | |||
| | |||
|- | |||
|Métairie de Kervreyen | |||
|François-Louis de La Marche | |||
|Vincent Simon Mermet, négociant | |||
|8135 livres | |||
|100400 livres | |||
| | |||
|- | |||
|Métairie de Chevardiry | |||
|François-Louis de La Marche | |||
|Sébastien Billette de Quimper | |||
|? livres | |||
|9200 livres. | |||
| | |||
|- | |||
|Manoir de Mezanlez | |||
|Pauline et Angélique Derval | |||
|Pierre Senart et Marc Glinec | |||
|7850 + 10000 + 1800 livres | |||
|67100 + 72200 + 8100 livres. | |||
|Revendu ensuite à l'avoué-maire Salomon Bréhier | |||
|- | |||
|Métairie de Lostanguilliec | |||
|Pauline et Angélique Derval | |||
|René Maguer et Catherine Le Corre | |||
|1041 livres | |||
|15100 livres. | |||
| | |||
|- | |- | ||
|colspan=6|<b>III. Domaine de Pennarun</b> | |colspan=6|<b>III. Domaine de Pennarun</b> | ||
Ligne 103 : | Ligne 166 : | ||
|Manoir de Pennarun | |Manoir de Pennarun | ||
|Marie-Hyacinthe Gélin et mère | |Marie-Hyacinthe Gélin et mère | ||
|Yves Jean Louis Derrien | |Yves Jean Louis Derrien, imprimeur à Quimper | ||
|6090 livres | |6090 livres | ||
|42000 livres | |42000 livres | ||
| | | | ||
|- | |- | ||
|Métairie de Pennarun | |Métairie de Pennarun | ||
|Marie-Hyacinthe Gélin et mère | |Marie-Hyacinthe Gélin et mère | ||
|Corentin Vinoc, médecin à Quimper. | |||
|6570 livres | |6570 livres | ||
|41000 livres | |41000 livres | ||
| | | | ||
|- | |- | ||
|Moulin de Pennarun | |Moulin de Pennarun | ||
|Marie-Hyacinthe Gélin et mère | |Marie-Hyacinthe Gélin et mère | ||
|Corentin Vinoc | |Corentin Vinoc, médecin à Quimper. | ||
|1553 livres | |1553 livres | ||
|1775 livres | |1775 livres | ||
| | | | ||
|- | |- | ||
|colspan=6|<b>IV. Domaine de Kerjestin</b> | |Métairie de Plas an Intron | ||
|Marie-Hyacinthe Gélin et mère | |||
|Jacques Debon, négociant-maire de Quimper | |||
|2475 livres | |||
|1300 livres | |||
| | |||
|- | |||
|colspan=6|<b>IV. Domaine du Cleuyou</b> | |||
|- | |||
|Manoir du Cleuyou | |||
|François-Hyacinthe Tinteniac | |||
|Marie Madeleine Merpaut, négociante à Quimper | |||
|6560 livres | |||
|50600 livres | |||
| | |||
|- | |||
|Moulin du Cleuyou | |||
|François-Hyacinthe Tinteniac | |||
|Marie Madeleine Merpaut, négociante à Quimper | |||
|5546 livres | |||
|5546 livres | |||
| | |||
|- | |||
|Métairie du Chartier | |||
|François-Hyacinthe Tinteniac | |||
|Simon Bouilly | |||
|2040 livres | |||
|20700 livres | |||
| | |||
|- | |||
|Métairie du Kerampensal | |||
|François-Hyacinthe Tinteniac | |||
|Marie Madeleine Merpaut et Marguerite Jeanne La Fage | |||
|5760 livres | |||
|50000 livres | |||
|Merpaut négociante et La Fage fille du procureur | |||
|- | |||
|colspan=6|<b>V. Domaine de Kerjestin</b> | |||
|- | |||
|Moulin du Faou | |||
|Domaine royal des Rohan | |||
|Légion d'honneur, puis Hugot Derville | |||
|936 / 1473 livres | |||
|936 livres | |||
| | |||
|- | |||
|Convenant de Kerjestin | |||
|Domaine royal des Rohan | |||
|Légion d'honneur, puis Jean Gourmelen | |||
|1625 + 1720 livres | |||
|1725 + 1775 livres | |||
| | |||
|- | |||
|Convenant de Kermoisan | |||
|Domaine royal des Rohan | |||
|Légion d'honneur, puis Denis Gourmelen | |||
|3000 livres | |||
|3025 livres | |||
| | |||
|- | |||
|Tenues de Keranroué | |||
|Domaine royal des Rohan | |||
|Légion d'honneur, puis Denis Kerfer, Marie Gourmelen et Michel Le Berre | |||
|1600 + livres | |||
|1625 livres | |||
| | |||
|} | |} | ||
|} | |} | ||
==Annotations== | |||
<references/> | |||
{{StatutArticle | {{StatutArticle | ||
Ligne 131 : | Ligne 262 : | ||
| datecréation=Juin 2009 | | datecréation=Juin 2009 | ||
| avancement=2 | | avancement=2 | ||
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Version actuelle datée du 13 janvier 2024 à 09:57
Comment les biens du Clergé et de la Noblesse sont confisqués dès 1794, expertisés, vendus aux enchères, et donc versés in-fine dans le domaine privé, avec deux ou trois exceptions.
Autres lectures : « 1794-1809 - Aliénation des biens du clergé mis à disposition de la Nation » ¤ « Collection des documents d'archives » ¤ « 1789 à 1799 - Les dates clefs de la Révolution à Ergué-Gabéric » ¤ « 1792-1795 - Liste des citoyens absents et réputés émigrés » ¤ « 1802-1807 - Le domaine gabéricois de l'Ordre national de la Légion d'honneur » ¤ « François Salomon Bréhier, maire (1808-1812) et avoué franc-maçon » ¤
Présentation
Les biens de l'Église et des nobles contre-révolutionnaires saisis lors de la Révolution française forment les « biens nationaux » dont la revente à des propriétaires privés a pour but d'éponger la crise financière nationale.
Pour toutes les communes de France, et pour Ergué-Gabéric en particulier, cette décision génère un fonds documentaire détaillé, composé de rapports d'expertise et d'adjudication qui permet de comprendre la nouvelle donne sociale et économique de cette fin de XVIIIe siècle.
Environ une quarantaine de propriétés réparties sur tout le territoire communal sont visées par cette réaffectation foncière : cf. tous les documents dans l'espace "Révolution-BN" avec leur localisation dans chacune des 10 trèves paroissiales [1] de l'époque.
Pour ce qui concerne le patrimoine religieux, l'église paroissiale échappe aux saisies, mais ce n'est pas le cas du presbytère, et toutes les chapelles furent concernées : Kerdévot la plus renommée, mais aussi St-Guénolé, St-André, et les chapelles en ruine comme St-Joachim, Sainte-Appoline et St-Gildas.
À l'exception de l'auto-attribution du presbytère et de l'acquisition de Sainte-Appoline par une négociante quimpéroise, les acquéreurs des autres chapelles sont agriculteurs ou aubergiste. En fait ces acteurs locaux n'agissent pas par spéculation, mais sont les prête-noms de la population qui désire préserver la dimension communautaire des lieux de culte.
Les chapelles de Kerdévot et de St-Guénolé seront restituées à titre gracieux quelques années plus tard à la fabrique communale. Pour Kerdévot on dispose même d'une archive attestant d'une quête paroissiale préalable à la mise aux enchères.
Les prix estimés et de vente sont exprimés en livres. En principe cette unité monétaire a été rebaptisée "franc" en 1795, mais jusqu'aux années 1810 on continue à parler en livres. Les prix d’adjudication à la dernière enchère sont soit exactement le prix de l'estimation faite par un expert agréé, soit légèrement supérieurs. Une exception pour Kerdévot : les 6000 livres faisant huit fois le prix initial de l'expert.
Le presbytère est aussi un cas particulier, il est attribué sans enchères à l'un des experts-avoués qui co-signe le rapport d'estimation, lequel Salomon Bréhier loue le local à la commune pour y loger les prêtres de la paroisse, devient lui-même maire d'Ergué-Gabéric, et revend ensuite le lieu pour un montant non négligeable au recteur, lequel restitue contre remboursement l'habitation à la « fabrique communale ».
Pour les propriétés et dépendances des nobles qui se sont rebellés contre la Révolution et se sont exilés à l'étranger, la vente en tant que bien national consiste en un transfert du foncier car les baux des domaniers et exploitants sont généralement maintenus par les nouveaux propriétaires. Les adjudicataires doivent se plier à une vente publique aux enchères, et les prix des dernières enchères sont très souvent 8 à 10 fois supérieurs aux valeurs initiales d'estimation.
Les biens nationaux les plus côtés sont dans l'ordre le manoir de Kervreyen (100 700 livres), celui de Kerfors (77 000), Mezanlez (67 100) et Le Cleuyou (50 600).
Le manoir de Lezergué du seigneur de La Marche constitue un dossier spécial car il n'est pas versé dans les Biens Nationaux, tout au plus les biens et effets laissés sur place sont mis sous séquestre. Et pourtant le chef de famille François-Louis et son fils Joseph-Louis-René sont émigrés, le premier à Jersey, le second en Guadeloupe.
Mais le dernier des fils reste sur Quimper et joue de son influence auprès des autorités pour la levée des séquestres et obtient même une amnistie au décès de son père. Ainsi la famille de La Marche conserve le château de Lezergué et les tenues de Kerdudal. Par contre les dépendances de Kerfors, Kernaou et Kervreyen sont privatisées en tant que bien nationaux indépendants.
L'autre exception est le domaine de Kerjestin, à savoir le territoire sud-est de la commune, autrefois propriété des Rohan et saisi en 1592 par la Saincte-Union, les Rohan-Gié étant considérés comme huguenots "hérétiques". Toutes ces tenues nobles, à savoir le moulin du Faou, Kermoisan, Keranroue, Kerjestin, restent néanmoins aux VII-XVIIIe siècles sous la coupe des Rohan-Guémené « tenues et possédées prochement, ligement [2] et noblement du Roy nostre sire ».
Fin 1802, plutôt que d'être allotis en biens nationaux, les biens de Kerjestin sont intégralement versés au domaine de la Légion d'honneur, ce qui fait que les baux de fermage servent à financer cette institution. Lorsque le domaine de la Légion est dissout en 1807 ce sont les fermiers domaniers eux-mêmes, et non des spéculateurs fonciers, qui peuvent racheter les exploitations.
Si l'on regarde le tableau récapitulatif des biens nationaux dressé ci-dessous, on se rend compte qu'il reste deux autres grands domaines nobles faisant l'objet d'allotissements et d'enchères réglementaires, et donc de spéculations : Pennarun près du bourg et Cleuyou de Quimper. Ces propriétés et leurs mouvances sont acquises en majeure partie par les notables ou bourgeois de la ville de Quimper.
Ces nouveaux propriétaires sont négociants (Le Guen pour Kerfors, Debon à Plas an Intron, Mermet à Kervreyen, Marie Madeleine Merpaut), médecin (Vinoc à Pennarun), imprimeur (Derrien à Pennarun), avoués (Le Roux à Kernaou, Bréhier), la plupart initiés au sein d'une loge maçonnique quimpéroise.
Très peu s'établissent localement en y habitant. L'un d'entre eux, Salomon Bréhier, s'y installe en élisant domicile au manoir de Mezanlez racheté au précédent adjudicataire, et il sera même nommé maire de 1808 à 1812. À Pennarun les Derrien et Vinoc revendent leurs biens assez rapidement. Au Cleuyou la négociante Madeleine Merpaux, sans héritiers, transmet indirectement le manoir aux Mermet [3] présents déjà à Kervreyen. À Kernaou l'héritage sera transmis par les femmes, sur plusieurs générations, aux descendants des Le Roux.
Tableau récapitulatif
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Annotations
- ↑ Trève, s.f. : du breton Trev résultant d'un emprunt par le vieux breton Treb "lieu habité et cultivé" au latin Tribus "tribu". Ce terme va prendre au 11e siècle le sens de "quartier, circonscription". L'acception de "trève, "église succursale" est plus récente. Source : Albert Deshayes, dict. des noms de lieux bretons. [Terme] [Lexique]
- ↑ Lige, s.m : redevance due pour une terre possédée sous la charge de l'hommage lige (hommage précisant les obligations du vassal); et aussi ce qui appartenait sans réserve en toute propriété. Source : Trésors Langue française. [Terme] [Lexique]
- ↑ Après avoir été propriété des Mermet, le manoir du Cleuyou passera par alliance dans les mains des Le Guay sur 4 générations.