1793 - Le permis d'inhumer de Marguerite Glémarec-Le Corre de Kerelan
Un acte transcrit par l'officier public dans le registre d'Ergué-Gabéric pour un décès dans des circonstances particulières et qui aurait pu ne pas être une mort naturelle.
Registre des sépultures de 1752 à 1793 conservé aux Archives Départementales du Finistère, disponible en microfilm sous la cote 3 E 66/4.
Autres lectures : « Jean Le Jour, maire (1800-1806) » ¤ « 1793-1794 - Le premier registre d'état civil des naissances de la commune » ¤ « 1791 - Rattachement à Ergué-Gabéric de Kerampensal, Cleuyou et Kerelan » ¤ |}
Présentation
Très souvent les actes de registres B.M.S. (Baptêmes, Mariages, Sépultures) se contentent de simplement noter les lieux, dates et relations de parenté, et sont donc pauvres en détails et évènements rapportés. Ce n'est pas le cas du présent acte de décès transcrit le 17 avril 1793 par Jean Le Jour de Boden, officier public d'Ergué-Gabéric.
Le dimanche 14 avril, Marguerite Glémarec [1], veuve d'Etienne Le Corre [2] et âgée de 47 ans, se rend au pardon [3] de Saint-Yvi, à 10 km de son domicile de Kerelan en Ergué-Gabéric.
Là, vers trois heures de l'après-midi, dans un état d'ébriété avancé, à savoir « yvre » et « assez proprement vêtue », elle doit être déposée dans un lit de « la maison de Charles Le Tirant aubergiste ». « Y étant depuis cette heure jusqu'au quinze à cinq heures et demie moment où l'on a reconnue quelle était défunte », on fait rechercher le juge de paix Jean Le Duigou qui malheureusement est « retenu au lit par une fièvre putride ».
Ce poste de juge de paix a été créé par la loi des 16 et 24 août 1790 pour assurer la justice et police de proximité dans chaque canton nouvellement constitué par les institutions révolutionnaires. Les communes d'Ergué-Gabéric et de Saint-Yvi sont toutes les deux rattachées au canton de Rosporden.
Du fait de la maladie du juge de paix officiel, c'est « l'officier publique » de Saint-Yvi en charge de la rédaction des actes d'état civil, qui prend la mission d'officier de police. Et donc dans l'acte, son intervention sur les lieux du décès est décrite sous forme d'un rapport : « avons reconnue par les vomissements faits dont le dit lit porte les marques que sa mort est occasionnée par une indigestion ... »
Et son investigation sur place, pour déterminer plus précisément la cause exacte de la mort, se poursuit ainsi : « avons reconnue par la position où nous l'avons trouvé étant couchée sur le ventre et ayant la tête beaucoup plus basse que les pieds, après avoir délasser ses hardes sur [...] on n'a pu lui délasser ses coeffes qu'avec peine, les dits lassets étant si fermes qu'ils ont pénétrés dans la peau, ce qui fait présumer que la respiration lui a totalement manquée, ce qui a suffis pour l'étouffée ».
La dernière phrase lapidaire conclut à une mort naturelle : « attestons par ailleurs que personne n'a porté atteinte à sa vie », et le permis d'inhumer est accordé aux enfants de la défunte. L'acte est inséré dans le registre de Saint-Yvi et recopié intégralement dans celui d'Ergué-Gabéric.
On ne peut s’empêcher de penser que les constatations judiciaires ont été quelque peu bâclées et que l'intervention d'un médecin légiste aurait été nécessaire, même si les circonstances durant la fête du pardon [3] exigeaient sans doute de la discrétion.
Transcription
Aujourd'hui dix septième du mois d'avril mil sept cent quatre vingt treize l'an second de la république française à neuf heures du matin s'est présenté devant moi Jean Lejour officier publique de la commune d'Ergué Gabéric district de Quimper département du finistère René Le Mahé lequel m'a présenté un extrait du registre des sépultures de la succursale de Saint Yvi district de Quimper département du finistère en date du seize avril présent mois et an où il est écrit ce qui suit :
Aujourd'hui seizième jour du mois d'avril mil sept cent quatre vingt treize l'an second de la république française à six heures du matin par devant moi François Le Carrer membre du conseil général de la commune de Saint Yvi département du finistère élu pour recevoir les actes destinés à constater la naissance, les mariages et décès des citoyens sont comparus en la maison commune Jérome Lahuec assesseur faisant les fonctions d'officier de police en l'absence du dit citoyen Jean Le Duigou juge de paix et officier de police du canton de Rosporden demeurant au lieu de Gorréquer en la commune du dit Saint Yvi, en la maison de Charles Le Tirant aubergiste à la nommée Margueritte Glémarec veuve Etienne Le Corre agé(e) de quarante sept ans aux environs domiciliée du dit lieu de Kerélan en cette municipalité d'Ergué Gabéric et s'étant transporté sur les lieux et y avoir rédigé le procès verbal dont la teneur suit l'an second de la république française mil sept cent quatre vingt treize le quinze avril après midy avons Jérome Lahuec en l'absence du citoyen juge de paix su canton de Rosporden (d)retenu au lit par une fièvre putride et en qualité d'assesseur sur l'impossibilité d'avoir le juge de paux, assisté de Charles Le Tirant et de Jean Chiquet notables adjoints de la commune de Saint Yvi sur la réquisition à moi faite, je me suis transporté de mon domicile jusqu'au bourg de Saint Yvi où étant arrivé j'ai en la compagnie des susdits notables, ayant aussi pour adjoint le secrétaire greffier de la dite justice de paix, entré en la maison du dit Le Tirant, et nous étant rendu dans [une ligne non reproduite]
ce qui nous a été déclaré être Margueritte Glémarec veuve Etienne Le Corre de Kerélan en cette paroisse et municipalité d'Ergué Gabéric que nous avons trouvé assez proprement vêtu(e) et que l'on nous a dit être venu(e) à Saint Yvi hier quatorze du courant à l'occasion du pardon, laquelle fut déposée dans le dit lit vers trois heures de l'après midy de la journée du quatorze yvre et que y étant depuis cette heure jusqu'au quinze à cinq heures et demie moment où l'on a reconnue quelle (était) défunte, avons reconnue par les vomissements faits dont le dit lit porte les marques que sa mort est occasionnée par une indigestion et qu'elle s'est trouvée étouffée par le peu d'air qu'elle recevoit dans le dit lit, avons reconnue par la position où nous l'avons trouvé étant couchée sur le ventre et ayant la tête beaucoup plus basse que les pieds, après avoir fait tirer ses coeffes, délasser ses hardes sur les [...] que le sang lui a porté, à la tête même on n'a pu lui délasser ses coeffes qu'avec peine, les dits lassets étant si fermes qu'ils ont pénétrés dans la p(e)au, ce qui fait présumer que la respiration lui a totalement manquée, ce qui a suffis pour l'étouffée, attestons par ailleurs que personne n'a porté atteinte à sa vie, en conséquence de tout quoi avons abandonné et laissé le dit cadavre en la possession de ses enfants qui s'en sont chargé pour le faire inhumé suivant l'usage du pais, dont acte à valoir et servir ainsi que de raison faits et rédigé sur les lieux pour servir de permis d'inhumée.
Sous notre seing, ceux de nos adjoints, et sous le contre seing du greffier les dits jour et an que devant, signé Charles Le Tirant, Jean Miquet, Jérome Lahuec assesseur faisant les fonction du juge de paix en l'absence du juge malade, [...] secrétaire greffier d'après la lecture de ce procès-verbal que René Lemahé et François Le Corre fils et beau-fils de la deffunte ont déclaré être conforme à la vérité, et que la dite Margueritte Glémarec veuve, leur mère et belle-mère est morte comme dessus dit hier quinze du courant à cinq heures et demi du matin en la maison du dit Charles Le Tirant. Transcrit sur le registre d'Ergué Gabéric les dits jours, mois et an, ci-dessus signé, aussi signé sur cette procès verbal René Lemahé, François Le Corre, Jérome Lahuec (signatures) en l'absence de l'officier publique. Signé Jean Lejour officier publique de la commune d'Ergué Gabéric.
Document
Annotations
- ↑ Margueritte Glémarec est née le 11/05/1746 à Saint-Yvi le 11/05/1746 ; elle se marie avec Etienne Le Corre de Kerelan le 20/02/1770, avec qui elle a 7 enfants nés entre 1773 et 1786.
- ↑ Etienne Le Corre est décédé le 29/10/1789 à Kerélan.
- ↑ 3,0 et 3,1 Pardon, s.m. : forme de pèlerinage principalement rencontrée en Bretagne. Un pardon est organisé à une date fixe récurrente, dans un lieu déterminé et est dédié à un saint précis. Le pardon comporte une messe et une procession en extérieur vers un lieu sacré suivant un parcours déterminé. Les reliques ou représentation du saint et les bannières font partie de la procession. Source : Wikipedia. [Terme] [Lexique]