1784 - Le mariage d'une Geslin de Pennarun sous l'autorité du chevalier Tinténiac

De GrandTerrier

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À la veille de la Révolution des bans de mariages pour une héritière Geslin de Pennarun sous le patronage d'un chevalier de Tinténiac propriétaire du manoir du Cleuyou, deux familles qui seront très impliquées dans la rébellion des chouans de Sud-Bretagne.

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Registres des Archives Départementales du Finistère sous la cote 3 E 66/3, et extraits biographiques des rebelles chouans.

Autres lectures : « 1776-1792 - Les derniers registres BMS paroissiaux » ¤ « Pierre-Alain Denis, recteur (1785-1787) » ¤ « Marie-Hyacinthe de Geslin, chouan, seigneur de Pennarun et de Quimperlé » ¤ « Les Geslin, seigneurs de Pennarun aux 17 et 18e siècles » ¤ « Noblesse de Tinténiac propriétaire du manoir du Cleuyou avant la Révolution » ¤ « BAFFAIT Bernard - Le Chevalier Kerstrat, Chouans noirs » ¤ « BAFFAIT Bernard - Le Chevalier Kerstrat, Chouan des Lumières » ¤ « PEYRON Paul - La chouannerie dans le Finistère » ¤ « BERNARD Daniel - Recherches sur la chouannerie dans le Finistère » ¤ 

Présentation

Jean-Baptiste de Geslin occupe le manoir de Pennarun près du bourg d'Ergué-Gabéric à la fin du XVIIe siècle, et à la veille de la Révolution son petit-fils Jean-Marie est amené à marier sa deuxième fille Rose Anne Marie à un marquis de Ploeuc :

-> Christophe de Geslin de Kersalvator (1671-)
 x 1666 Marie Marguerite de Glemarec (-1678)
 └> Jean Baptiste de Geslin (Seigneur de Pennarun en 1641)
   x 1700 Jeanne Mauricette Harquin (-1714)
    ├
    └> Charles Jean Alexandre Gélin (1708-)
    ├   x Marie Corentine du Trémic de Keraneizan
    ├   ├
    ├   ├> Jean Marie (1737-1786), lieut. de vaisseau
    ├   ├   x Malouine/Maclovie Josephe Breil de Nevet
    ├   ├   ├> Marie-Gilonne (1764)
    ├   ├   ├> Rose-Anne-Marie (1766) x 1784 JLAF de Ploeuc
    ├   ├   ├> Marie-Louise (1767)
    ├   ├   ├> Marie-Hyacinthe (1768-1832), chouan
    ├   ├   ├     x Thérèse Breart de Boisanger (1759-1830) 
    ├   ├   ├> Céleste-Maclovie (1769)
    ├   ├   └> Rosalie-Jacquette (1771)
    ├   ├  
    ├   └> Urbain Marie de Geslin (1743-)
    ├
    └> Gilles Fr. (s. de Pennarun, gd commissaire, 1713-)
        x 1768 Magdeleine H. de Bohal, vve de Poulpiquet

Dans la publication des bans, le recteur Pierre-Alain Denis mentionne la parenté de cette demoiselle et précise qu'elle est « domiciliée de fait en la ville de Paris, et domiciliée de droit sur la paroisse d'Ergué Gabéric du diocèse de Quimper », et en lui octroyant un prénom erroné : « Anne Jacquette » (corrigé par un jugement du tribunal civil de Quimper annexé au registre de 1786).

L'originalité du mariage tient surtout par le patronage d'un autre noble propriétaire du manoir du Cleuyou, lié à la famille de la mariée, « sous l'authorité de haut et puissant François Hyacinthe Sire de Tinténiac, chevalier, marquis du dit nom, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint Louis, domicilié de fait sur la paroisse de St Méderic en la ville de Paris ».

Les deux familles, Geslin et Tinténiac, partagent une même aversion vis-à-vis des nouvelles instances révolutionnaires, leurs chefs de noms devant émigrer à l'étranger : du côté des Geslin Jean-Marie décédant en 1786 échappe au bannissement, François-Hyacinthe de Tinténiac par contre émigre à Londres avec son fils Vincent et sa fille Anne-Josephe, et son épouse finit aussi par s'exiler en Hollande d'abord, puis en Angleterre [1].

Le rapprochement des deux familles passe aussi par le combat anti-Révolutionnaire que ses membres ont mené en s'engageant dans les opérations militaires des chouans en Sud-Bretagne. Le frère de la mariée de 1784, à savoir Marie-Hyacinthe de Geslin est décrit comme « un des plus cruels parmi les chouans qu'il commandoit. Il a dirigé une grande partie des assassinats qui ont eu lieu dans le Finistère » [2].

En ce qui concerne les Tinténiac, c'est surtout le fils également qui s'illustre dans les rangs de l'armée de Georges Cadoudal. Vincent de Tinténiac qu'on surnomme le « loup blanc » est tué par un grenadier et enterré le 18 juillet 1795 à l'issue de la bataille de Coëtlogon.

Breton en sentinelle devant une église (Charles Loyeux)

Mais l'on oublierait trop vite le marié de 1784 et sa famille de Ploeuc domiciliée en Landudec. À la mort de son père, en 1779, l'aîné, Jean-Louis-Armand-Fortuné, devient marquis de Ploeuc. Hélas, faible d'esprit et de caractère, il ne sera jamais à la hauteur de sa situation et de son rang.

Sa femme gabéricoise, Rose de Geslin, se sépare rapidement de son époux et mène une vie indépendante. Lorsqu'elle engage une procédure pour récupérer son vrai prénom sur les bans de mariage et l'acte d'ondoiement [3] de sa fille, son mari qualifié d'interdit est remplacé par son beau-frère Alexandre Jean Sébastien de Ploeuc.

Contrairement aux Geslin et aux Tinténiac, Jean-Louis-Armand-Fortuné de Ploeuc se s'opposera pas à la Révolution. Inapte aux études, joueur de bombarde, porté sur le bouteille et le cotillon, il préférera le commerce des petites gens de Landudec à celui de son milieu.

Transcriptions

Bans du 10 octobre 1784

Le dix octobre mil sept cent quatre vingt quatre, Monseigneur l'évêque de Quimper ayant permis aux parties de se faire bannir avant leurs fiançailles et les ayant dispensés de deux bannies, a été faite pronalement sans opposition la première publications de bans de future mariage entre haut et puissant messire Jean Louis Armant Fortuné de Ploeuc, chevalier, marquis du dit nom, seigneur de Kerharo, fils de feu haut et puissant Nicolas Louis sire de Ploeuc, et de haute et puissante Dame Jeanne Guillemette du Boisguehennec, dame de Ploeuc marquise de Ploeuc, émancipé de justice d'autorité du siège présidial [4] de Quimper, sous l'authorité de haut et puissant François Hyacinthe Sire de Tinteniac, chevalier, marquis du dit nom, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint Louis, domicilié de fait sur la paroisse de St Méderic en la ville de Paris et domicilié de droit sur les paroisses de Saint Mathieu, de Landudec et de Banalec du diocèse de Quimper ; et haute et puissante demoiselle Anne Jacquette de Geslin, fille de haut et puissant Seigneur Messire Jean Marie de Geslin, chevalier, seigneur de Pennarun et de haute et puissante dame Malouine du Breuil de Névet dame Geslin, domiciliée de fait sur la paroisse de ___ en la ville de Paris, et domiciliée de droit sur la paroisse d'Ergué Gabéric du diocèse de Quimper.

Deux mots en raturé nuls approuvés.

P.A. Denis, recteur d'Ergué-Gabéric

Ondoiement du 18 janvier 1786

Le dix huit janvier mil sept cent quatre vingt six a été par moi soussigné, ondoyée par permission de Monseigneur l'évêque de Quimper en date du dix sept des sits mois et an que dessus une fille née du légitime mariage de haut et puissant messire Jean Louis Armand Fortuné de Ploeuc, chevalier, marquis du dit nom et seigneur de Kerharo et de puissante dame Anne Jacquette de Geslin son épouse demeurant au château de Pennenreun en cette paroisse, en présence de haut et puissant seigneur messire Jean-Marie de Geslin, chevalier, seigneur de Pennenreun, et de haute et puissante dame Malouine du Breuil de Nevet, dame de Geslin, et des des demoiselles Gilette, Louise, Céleste, et Rosalie de Geslin, qui signent le père étant absent n'a pu signer.

signatures : ... de geslin ; De geslin ; gilette de geslin ; céleste de geslin ; Louise de geslin ; rosalie de gesliin ; P.A. Denis recteur d'Ergué Gaberic

Ajout au registre BM de 1786

Extrait des registres d'audience du tribunal civil d'arrondissement de Quimper département du finistère.

Du lundy vingt trois pluviôse an douze (13 février 1804) de la République française audience ... en première instance du tribunal civil d'arrondissement de Quimper où étaient les citoyens Guillou président, Le Dall, Vercors et Danelou juges.

Présent Le citoyen Bobet commissaire du gouvernement.

Le citoyen Pierre Jean Marie Le Corre avoué du citoyen Alexandre Jean Sébastien Ploeuc, tuteur de Jean Louis Armand Fortuné Ploeuc son frère ainé, interdit, et de la fille unique de son mariage avec dame Rose Anne Marie Geslin, suivant procès verbal de la justice de paix du canton de Quimper, des cinq et douze Nivose dernier, à lui jointe la dite dame Rose Anne Marie Geslin, épouse, du dit Pleuc aîné, authorisée de justice à la suite de ses droits, a dit qu'il est du plus grand intérêt pour la demoiselle anonime de Ploeuc et sa famille, que les actes civils constatant les ... portant aussi leurs vrais prénoms, que les difficultés que pourroient occasionner au jour des encore de cette nature et les inconvénients qui en peuvent ... grande conséquence pour le dit Alexandre Jean Sébastien de Ploeuc, en sa dite qualité et la dite Rose Anne Marie de Geslin, ne s'empressant par la présente, même de les empêcher que la demoiselle anonime de Ploeuc, née par la cy-devant paroisse d'Ergué-Gabéric y a été ondoyée le dix huit janvier mil sept cent quatre vingt six comme fille de Jean Armand Fortuné Ploeuc et de dame Anne Jacquette Geslin son épouse que cependant l'acte de naissance de cette dernière par la cy-devant paroisse de Plobanallec en date du cinq février mil sept cent soixante six porte que son véritable prénom sont Rose Anne Marie de Geslin, et l'acte de notoriété du dix de février, au raport du Le Bocage, notaire à Quimper y enregistré le ... que la dite Rose Anne Marie est la demoiselle Geslin qui a toujours ... jouit encore de l'état et qualité de dame de Ploeuc et ... Anne Jacquette de Geslin, qu'il est conséquemment ... de la demoiselle ...

Anonime de Pleuc, et de sa mère, de faire rectifier cette erreur sur les registres de l'état civil et pour y ... Le Corre ont présenté ce que le tribunal le vingt un du ... qui a été répondu par le président, par une ordonnance portant ... sa requete à l'audience, au dessus de quoi le dit Le Corre a ... conformément à la dite requete à ce qu'il ... au tribunal ; vû l'acte d'ondoyement du dix huit janvier mil sept cent quatre vingt six d'anonime de Ploeuc, égard à l'exposé cy-dessus, et à ce qui ressort de l'acte de naissance de la dame Rose Anne Marie de Geslin en date du cinq février mil sept cent soixante six, ansy qu'à l'acte de notoriété du dix ce mois ... l'erreur commise de l'acte d'ondoiement susdaté, ordonne que les prénoms de Rose Anne Marie seront substitués à ceux d'Anne Jacquette de Geslin portés au dit acte d'ondoiement, auquel effet de jugement qui interviendra sera transcrit en marge des registres de l'état civil d'Ergué-Gabéric canton de Quimper, pour l'année mil sept cent quatre vingt six et sera le dit jugement désormais porté ... du dit acte d'ondoiement.

Originaux

Annotations

  1. Cf. « Bannalec à travers les âges » de Marcel Kervran et « Quimerc'h et les Tinteniac pendant la Révolution » de Jean Jacques Gouriou. [GouriouQuimerchTinténiac.pdf]
  2. Note de Daniel, capitaine de gendarmerie, citée par Daniel Bernard dans ses « Recherches sur la chouannerie dans le Finistère »
  3. Ondoiement, s.m. : baptême simplifié, pratiqué par des laïcs ou des ecclésiastiques, en cas de risque imminent de décès (mention d'enfant ondoyé dans les anciens registres paroissiaux), ou par précaution quand le baptême ne pouvait pas être célébré ou devait être reporté pour une circonstance quelconque (Wikipedia). [Terme] [Lexique]
  4. Présidial, s.m. : tribunal de justice de l'Ancien Régime créé au XVIe siècle ; c'est en 1552 que le roi Henri II de France, désireux de renforcer son système judiciaire et de vendre de nouveaux offices, institue les présidiaux ; le présidial de Quimper-Corentin a été créé à cette date dans le ressort du parlement de Bretagne (Wikipedia). [Terme] [Lexique]



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Thème de l'article : Etude et transcriptions d'actes anciens Création : Août 2011    Màj : 25.03.2024