1693 - Aveu fourni par Louis René de La Marche pour Quélennec Isella
Déclaration d'une chefrente sur les terres de Quélennec Isella due par Louis René de La Marche, seigneur de Kerfors au seigneur abbé de Landévennec.
Document conversé aux Archives Départementales du Finistère sous la cote 2 H 14.
Autres lectures : « Les de La Marche, nobles de Kerfort et de Lezergué, 17e-18e siècles » ¤ « 1634-1639 - Acte prônal, lettres patentes du Roi, registres du Parlement et prééminences » ¤ « 1647-1670 - Aveux à l'abbé de Landévennec pour les terres de Quélennec et de St-Guénolé » ¤ « 1736-1740 - Défense des droits de fief, de justices et de prééminences pour Lezergué » ¤ « 1682 - Déclaration et sentence royale pour l'ancienne tenue de la croix du Gac » ¤ « 1680-1682 - Papier terrier et déboutement de réformation du domaine de Kerfors » ¤ « Rétrospective historique de la chapelle de Saint-Guénolé » ¤
Présentation
Sur la carte d'état-major ci-dessous on voit bien la répartition du village de Quélennec en trois hameaux (petites pastilles rouges) :
- Quélennec Bihan : "le petit lieu planté de houx", appelé aussi Penker Bronnec, près de la route de Griffones.
- Quélennec Bras : "la grande houssaie", vers Bec-ar-Menez , dénommé aussi Quélennec Uhella en regroupement avec le précédent, car tous deux situés "en hauteur".
- Quélennec Izella : "la houssaie du bas", à mi-pente vers Pont-Allen, et à proximité de la chapelle St-Guénolé au point de niveau 116.
L'acte de 1693, signé par le seigneur de Kerfors et deux notaires royaux, porte sur 11 parcelles de terres situées à Quélennec Isella pour une surface de 13 journaux, soit environ 6,5 hectares.
Il s'agit d'une double déclaration d'un seigneur local à un noble de rang supérieur et d'un roturier au noble intermédiaire :
- La première est un aveu [1] de Louis René de La Marche, seigneur de Kerfors, à Jacques Tanguy, seigneur abbé de Landévennec et de Guillevain (en Edern) pour une chefrente [2] annuelle de 14 sols et autres droits seigneuriaux.
- La seconde est la rente due par un dénommé Rolland au seigneur de La Marche au titre du domaine congéable [3] pour quatre chapons et une somme de 30 livres par an.
Les droits seigneuriaux sont répartis sur les trois acteurs : le noble inférieur doit « Foi et hommage [4], lods et ventes [5], rachat [6], suite de cour et chefrente [2] » et il reçoit de son roturier exploitant « corvée, droit de champart [7] et domaine congéable [3] ».
La rente de ce régime particulier très répandu en Cornouaille (les domaniers ont le seul droit de récupérer le prix des améliorations à leurs fermes en cas de congédiement unilatéral) est ici qualifiée abusivement de « taillée » [8], alors que la Bretagne est exemptée de la vraie « taille » (impôt direct du au roi par les roturiers dans les autres provinces).
On notera la grosse différence des rentes annuelles : 30 livres de roturier à noble versus 14 sols de noble à noble, soit un rapport de 1 à 43, 20 sols faisant une livre. Certes une partie du surcoût roturier est dû au fait qu'il inclut aussi « les herittages qui sont sittués au fieff du Roy » (en plus des terres de l'abbaye, et détenues aussi par de La Marche), mais néanmoins l'intérêt financier est manifeste pour l'intermédiaire foncier.
Le signataire de l'acte est Louis-René de La Marche, en raison de la succession de son frère ainé Jan de La Marche dont nous apprenons qu'il serait décédé vers 1683-84 il y a « environ neuff à dix ans ».Quand il parle de ses prédé-cesseurs, il peut s'agir des Autret seigneurs de Lezergué, le manoir voisin de Kerfors. Guy Autret lui-même a défendu avec insistance cette fondation et les prééminences induites dans un acte prônal de 1634 et des lettres patentes royales de 1638. Et les précesseurs des Autret au 16e siècle étaient des Coatanezre.
Et quand les seigneurs de Kerfors et de Lezergué disent que la chapelle de St-Guénolé a été bâtie, vraisemblablement au 16e siècle, « en son fond », c'est en raison de leurs prises d'intérêt sur une partie des terres de Quélennec qui ont appartenu de tout temps aux seigneurs de Landévennec et de Guillevain (Edern). La partie en question est celle du bas de Quélennec Izella, et celles de grand Quélennec Bras étant exploitées en direct par les abbés (cf aveux de 1447, 1516, 1647 à 1670).
Transcriptions
Synthèse
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Le dixiesme septembre avant midy mil six cents quatre vingt treize, devant nous nottaires royaux à Quimper avec soumission à la jurisdiction de Guillevain a comparu Messire Louis René cheff de nom et d'armes de la Marche demeurant en son manoir de Kerfors paroisse d'Ergué-Gabéric, lequel connoist et advoue tenir et posséder de[...] Messire Jacques Tanguy seigneur abbé commanditaire de l'abbei royalle de Landévennec seigneur des Salles et de Guillevain sous le fieff et jurisdiction dudit Guillevain les terres et hérittages cy après déclarées sittuées aux issues [9] du village du Quelennec Iselaff en la paroisse d'Ergué-Gabéric, sçavoir les issues [9] du poulprix [10] un journal [11] de terre, parc [12] aniliz terre chaude [13] contenant un journal [11] et demy et quart, parc [12] stang bihannig terre chaude [13] contenant un demy journal [11], le parc [12] et la fontaine terre chaude [13] contenant un journal [11] et demy, la grande prée contenant un journal [11] en terre froide [14], prat Croiz pasturage contenant demy journal [11] de terre froide [14], prat huellaff fauchable contenant un tiers
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journal [11] de terre, parc [12] arbavernonn contenant trois journeaux [11] de terre chaude [13], parc [12] Mené huellaff terre chaude [13] contenant environ deux journeaux [11], le parc [12] Mené izelaff contenant un journal de terre chaude [13], le pré de Mené fauchable contenant environ demy journal [11]. Les dits herittages tenus à domaine congéable [3] à l'usement de Cornoüaille par
Rolland et consorts pour payer de taillée [8] audit seigneur de la Marche à chaque sainct Michel en septembre trante livres en argeant, quatre chapons, corvée et droit de champart [7], y compris les herittages qui sont sittués au fieff du Roy.
Advenues audit seigneur de la Marche de la succession de feu Messire Jan de la Marche son frère aisné décédé depuis ou environ neuff à dix ans.
Sous maison desqueles hérittages ledit seigneur de la Marche connoist devoir aux
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seigneur abbé de Landevennec foy hommage [4], lods et ventes [5], et rachapt [6] [...] advouant, suittes de cour, et quatorze sols de chefrante [2] par an.
Laquelle présente déclaration [...] le dit Seigneur de la Marche affirme véritable et [...] et continuation, [...] oblig. et hypotèque les dits herittages pour [...] suivant la coutume, fait à Quimper sous son sign et les nostres nottaires soussignés.
Signature de Louis René De La Marche. Sgnatures d'Yves Lezran, notaire royal et de Lepredeur, notaire royal.
Controllé à Quimper 1é [...] vollume fol. [...] et reçu vingt sols [...] (signature)
Document d'archive
Annotations
- ↑ Aveu, s.m. : déclaration écrite fournie par le vassal à son suzerain lorsqu’il entre en possession d’un fief, à l'occasion d'un achat, d'une succession ou rachat. L’aveu est accompagné d’un dénombrement ou minu décrivant en détail les biens composant le fief. La description fourni dans l'aveu indique le détail des terres ou tenues possédées par le vassal : le village dans lequel se situe la tenue, le nom du fermier exploitant le domaine congéable, le montant de la rente annuelle (cens, chefrente, francfief) due par le fermier composée généralement de mesures de grains, d'un certain nombre de bêtes (chapons, moutons) et d'une somme d'argent, les autres devoirs attachées à la tenue : corvées, obligation de cuire au four seigneurial et de moudre son grain au moulin seigneurial, la superficie des terres froides et chaudes de la tenue. Source : histoiresdeserieb.free.fr. [Terme] [Lexique]
- ↑ 2,0 2,1 2,2 et 2,3 Chefrente, s.f. : rente perpétuelle payable en argent ou en nature au seigneur suzerain par le détenteur d'un héritage noble. La chefrente était en principe immuable (Yeurch, histoire-bretonne). [Terme] [Lexique]
- ↑ 3,0 3,1 et 3,2 Domaine congéable, s.m. : mode de tenue le plus fréquent en Cornouaille et en Trégor au Moyen-Age pour la concession des terres. Ces dernières constituent le fonds et restent la propriété des seigneurs. Par contre les édifices sont concédés en propriété aux domaniers par le propriétaire foncier (généralement noble) qui peut, en fin de bail, congéer ou congédier les domaniers, en leur remboursant la valeur différentielle des édifices nouveaux ou améliorés. Cela comprend tout ce qui se trouve au dessus du roc nu, notamment les bâtiments, les arbres fruitiers, les fossés et talus, les moissons, les engrais. Ce régime qui ne sera pas supprimé à la Révolution malgré les doléances de certaines communes bretonnes, sera maintenu par l'assemblée constituante en 1791, supprimé en août 1792 et re-confirmé en 1797. [Terme] [Lexique]
- ↑ 4,0 4,1 et 4,2 Foi et hommage, s.f. et s.m. : le vassal devait la foi et l'hommage, lorsqu'il entrait en possession de la terre, et lorsque le seigneur le demandait. La foi traduisait un lien personnel ; l'hommage, une reconnaissance du fief (Dict. de l'Ancien Régime). [Terme] [Lexique]
- ↑ 5,0 5,1 et 5,2 Lods et ventes, s.m.pl, s.f.pl : redevances dues au seigneur en cas de vente d'une censive relevant de son domaine et payées par l'acheteur (lods) et le vendeur (ventes). Source : trésors Langue Française [Terme] [Lexique]
- ↑ 6,0 6,1 et 6,2 Rachapt, rachètement, s.m. : en terme de coutume droit du au seigneur à chaque mutation du fief (dictionnaire Godefroy 1880). Droit du au seigneur par un nouveau tenancier après une succession qui est appelé également relief ou rachat des rentes (Dict. de l'Académie). [Terme] [Lexique]
- ↑ 7,0 et 7,1 Champart, s.m. : redevance seigneuriale, proportionnelle à la récolte. Droit féodal qu'a le seigneur de lever une partie de la récolte de ses tenanciers ; [¤source : Dictionnaire du Moyen Français]. [Terme] [Lexique]
- ↑ 8,0 et 8,1 Taille, s.f. : taxe personnelle (pesant sur les personnes) ou réelle (établie sur les biens), l'un des principaux impôts directs levé en France. Elle n'existe pas en Bretagne mais les fouages y constituent une sorte de taille réelle. Source : « glossaire des cahiers de doléances », AD29. Outre les fouages au roi, on trouve également au 17e siècle des tailles collectives à l'évêque pour les habitants de certaines villes bretonnes (Quimper notamment). Et par ailleurs, de façon indirecte, les roturiers étaient largement imposés au titre du domaine congéable dont la rente annuelle est quelquefois qualifiée de « taillée ». [Terme] [Lexique]
- ↑ 9,0 et 9,1 Issues, issue, s.f. : terre non cultivée d'un village servant à la circulation entre les habitations, les chemins et les champs ; les issues communes de villages pouvaient être utilisées par les plus pauvres pour faire "vaguer" leurs bestiaux ou ramasser du bois pour se chauffer. Lorsqu'un village est tenu en domaine congéable, les "issues et franchises" peuvent être incluses dans les aveux de déclaration des droits et rentes. Les inventaires et dénombrements contiennent également l'expression "aux issues" qui désigne l'éloignement par rapport au centre du village. Dans les descriptifs d'habitations, le terme "issues" désigne les portes et accès. [Terme] [Lexique]
- ↑ Pourpris, s.m. : enceinte, un enclos et parfois une demeure, dans la France de l'ancien régime, et par métonymie l'espace ainsi entouré, c'est-à-dire le jardin. La réalité désignée dépasse celle d'un simple jardin en ce qu'elle recouvre les différents éléments d'un domaine physiquement bien délimité et fermé (mur, fossé, etc.). [Terme] [Lexique]
- ↑ 11,0 11,1 11,2 11,3 11,4 11,5 11,6 11,7 11,8 et 11,9 Journal, s.m. : ancienne mesure de superficie de terre, en usage encore dans certains départements et représentant ce qu'un attelage peut labourer dans une journée. Le journal est la principale unité de mesure utilisée dans les inventaires pour calculer les surfaces des champs cultivés. Dans la région quimpéroise un journal vaut 48,624 ares, à savoir 80 cordes, soit environ un demi-hectare. Pour les jardins et les courtils on utilise le terme de « journée à homme bêcheur » correspondant à un 8e de journal ou 6 ares. Les surfaces des prés se mesurent en « journée à faucheur » ou « à faucher » équivalente à 2 journaux de laboureur, soit presque un hectare. [Terme] [Lexique]
- ↑ 12,0 12,1 12,2 12,3 12,4 et 12,5 Parc, park, s.m. : champ clos, procédant d'un emprunt du moyen breton parc au vieux français parc "lieu clos" en général. Le gallois parc et le cornique park sont issus de l'anglais park, également emprunté au vieux français (Albert Deshaye, dictionnaire des noms de lieux bretons). [Terme] [Lexique]
- ↑ 13,0 13,1 13,2 13,3 13,4 et 13,5 Terres chaudes, s.f.pl. : terres cultivables, par opposition aux terres froides ; exploitées en rotation triennale, soit blé noir, seigle, avoine (Jean Le Tallec 1994). [Terme] [Lexique]
- ↑ 14,0 et 14,1 Terres froides, s.f.pl. : terres pauvres mises en culture de loin en loin parfois après un brulis, par opposition aux terres chaudes; les terres froides prennent le reste du temps la forme de landes qui servent de pâturage d'appoint, et fournissent divers végétaux utiles : bruyères et fougères pour la litière, ajoncs pour la nourriture des chevaux, genets pour la couverture de la toiture (Jean Le Tallec 1994). [Terme] [Lexique]