Billet du 29.11.2025
Des fusils Chassepot pour les Mobiles de 1870
Cette semaine l'évocation d'une double prise de conscience de la défense nationale en pleine guerre contre les Prussiens lors des journées des 20 et 27 septembre 1870.
Le 19 juillet 1870 l’Empire français déclare la guerre au royaume de Prusse. Mais les troupes françaises sont loin d'être prêtes, il n'y a pas de conscription (le recrutement se fait par engagement et tirage au sort ; le service national obligatoire pour tous les hommes et pour une durée de cinq années n'est institué que le 27 juillet 1872), les armes manquent, et le conflit tourne rapidement à l'avantage des Allemands.
Dans ce contexte, les conseillers municipaux d'Ergué-Gabéric se réunissent le 27 septembre sur l'injonction du préfet du Finistère. Ils votent à l'unanimité un déblocage de « fonds disponibles pour achat d'armes, considérant l'utilité de ces armes pour la défense du pays ».
Il est immédiatement décidé de mettre 600 francs dans la cagnotte, prélevés sur les 300 destinés initialement à l'entretien des chemins vicinaux, et sur le budget général de la commune pour le complément.
Dans la crainte de l'invasion des terres finistériennes par les armées prussiennes, un certain nombre de fusils Chassepot ont été vraisemblablement acquis avec cet argent. Les fusils ont sans doute servi lors des séances d’entraînement des futurs soldats de la Garde nationale mobile, pour leur être ensuite affectés lorsqu'ils sont partis sur les fronts de Paris ou de Metz.
Suite au peu d'empressement des autres communes, le préfet et le Conseil général du finistère organiseront lé 12 octobre un grand emprunt sur le sujet de l'acquisition d'armes, les municipalités étant invitées à y souscrire. La raison pour laquelle le conseil d'Ergué-Gabéric a aussi vite validé en septembre l'achat d'armes tient peut-être à la singularité de la journée du 20 septembre, à Kerdévot, soit une semaine avant la séance municipale.
Ce jour-là un groupe de mères Quimpéroises organise un rassemblement de plus de 1000 pèlerins à la chapelle gabéricooise pour y « demander pardon à Notre-Dame et à y faire dire une messe pour tous les soldats de France ».
Le compte-rendu de la journée en langue bretonne dans les colonnes du journal « Feiz-ha-breiz », titré « Savetaet eo ar Frans ! » (La France est sauvée !), est signé « Ur C'hrouadur da Itron Varia Kerzevot » (un enfant de N.D.). Et la raison de cette grâce (une victoire temporaire, car suivie quelques mois après d'une capitulation) est donnée par le correspondant local : « Le corps de l'armée prussienne Fritz a été décapité par notre général Vinoy le jour même de l'arrivée des Quimperois à Kerdévot » (en fait 3 jours avant, le 17 septembre, le général remportait une victoire tactique à Montmesly lors du siège de Paris).
Parmi les soldats de la commune mobilisés au sein de la Garde mobile, l'histoire a retenu au moins l'un d'entre eux : Pierre-Marie Cuzon, décoré de la Légion d'honneur, suite à ses exploits « assigné en avant du fort de Vanves » pendant le siège de Paris par l'armée prussienne. On n'oublie pas non plus le volontaire Yvon Queinnec qui plus tard en 1871 se rangera du côté des communards.
Et tous les autres dont cet anonyme pour lequel ses parents ont fait graver cet ex-voto sur un pilier de la chapelle de Kerdévot : « Reconnaissance à ND de Kerdévot qui a si bien protégé nos soldats et mobiles Bretons. 1871 ».
