Billet du 23.11.2025

De GrandTerrier

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Le testament de Denis de Leissègues de Légerville


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Un original d'origine noble fait un legs aux communes de Quimper et d'Ergué-Gabéric pour les pauvres et les fils d'ouvriers.

Plusieurs délibérations de conseils municipaux d'Ergué-Gabéric entre novembre 1873 et décembre 1874 portent sur la conduite à tenir face au legs surprise d'un quart de la fortune d'un certain Denis de Légerville. La première position est d'accepter le capital estimé à plus 100.000 francs de l'époque sous les conditions du testament olographe de 1844 : « Le loyer concernant la commune d'Ergué-Gabéric devra être converti en rentes sur l'état et le produit de cette rente sera distribué chaque année aux pauvres qui seront désignés par le conseil municipal réuni à M.M. les prêtres de cette commune. »

Le legs pour la ville de Quimper couvre les 3/4 de la fortune et exige que les revenus soient utilisés à perpétuité pour aider des fils d'ouvriers à intégrer une école des Arts et Métiers. Les raisons de cet attachement à des actions d'aide sociale de la part du défunt sans descendant direct ne sont pas connues. Certes il était domicilié à Quimper, son père Guillaume en étant même maire de 1815 à 1821, mais quelles étaient ses relations avec Ergué-Gabéricois : connaissait-il par exemple l'entrepreneur Nicolas Le Marié, fondateur de l'usine à papier d'Odet ?

En décembre 1874, le maire Joseph Le Roux et le conseil municipal entérine un changement de cap : « Le Conseil approuve la somme proposée par les héritiers, à la commune d'Ergué-Gabéric de 28.000 francs nette de tout frais.  » . Que s'est-il passé entre-temps ?

Un dossier conservé aux Archives départementales du finistère permet d'en savoir un peu plus. Les documents en question sont les échanges avec la préfecture, le ministère de l'intérieur, les actions des héritiers pour annuler le testament et le protocole d'accord final.

L'argumentation de la famille, en fait trois héritières nièces de Denis de Leissègues de Légerville, est basée sur son insanité supposée quand il a testé : « Monsieur Denis de Leissègues Légerville est mort dans une maison de santé après y avoir passé de longues années et après avoir été interdit par jugement du tribunal civil de Quimper en date du 26 mai 1845 ». En ces temps, les interdictions de droits civiques, plus fréquents qu'aujourd'hui, était généralement donnés pour la vie entière.

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Après une tentative d'action auprès des maires de Quimper et d'Ergué-Gabéric, les héritières « de sang » intente une procédure de demande d'annulation du testament auprès du président de la République française avec un mémoire truffé d'arguments chocs : « dans un état habituel de démence dégénérant fréquemment en monomanie furieuse » ; « plusieurs proches parents du sieur Denis de Légerville sont morts fous ».

Pour prouver sa démence on fait dire au pauvre homme ce qu'il pense des nobles : « Les nobles ont l'avantage du papier : le parchemin leur vaut le brevet de direction de la société. Ils ont une position éminente ; mais il y a des nobles de pur sang et de demi-sang. ». Et même son témoignage naïf sur ses propres qualités : « Deux ouvrières m'avaient dit aussi que j'avais la nature spirituelle. »

Un dédommagement financier est finalement proposé aux communes : 28.000 francs pour Ergué et 72.000 pour Quimper. Le protocole d'accord est contresigné par un arrêté du président Mac-Mahon en personne.

Dans le dossier d'archives, il y a un état de situation financière de la commune d'Ergué-Gabéric qui ne totalise qu'environ 10.000 francs de recettes par an : le versement de 28 000 francs ponctionnés sur la succession de l'original Denis de Légerville est de ce fait une aubaine. Mais, comme la transaction suppose « l'abandon des legs » les pauvres qu'aimait tant Légerville n'en bénéficieront pas in fine.


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En savoir plus : « 1844-1875 - Négociations autour du testament communal de Denis François Marie de Légerville », espace Archives.




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