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De GrandTerrier

Vint enfin la vieille fille, mon institutrice, qui prétendit que c’était un sort qu’on m’avait jeté, par jalousie, à cause que j’étais plus savant que les enfants des riches. Il fallait donc, selon la béate fille, trouver quelque chose de divin pour combattre la puissance diabolique, et, pour cela, elle ne trouva rien mieux que promettre une bonne chandelle à Notre-Dame de Kerdevot, qui, en ce temps-là, était en grande faveur dans toute la Basse-Bretagne, et qui était justement dans notre commune. Elle conseilla aussi d’aller chercher quelques bou­teilles d’eau à la fontaine qui était auprès de la chapelle de cette bonne vierge, puis elle me dit de réciter le plus sou­vent possible des pater et des ave à l’adresse de cette divine mère, qu’elle allait elle-même supplier dans ses propres prières. Elle alla chercher deux bouteilles d’eau à la fontaine miraculeuse. Je récitai plusieurs pater et plusieurs ave, après avoir dégusté, matin et soir, un verre de cette boisson miraculeuse qui devait être, surtout à cette époque, plus propre à communiquer des maladies qu’à les guérir. En ce temps-là, Notre-Dame de Kerdevot jouissait d’une réputation et d’une vogue extraordinaires, à peu près comme celles dont jouit plus tard, à la Salette et à Lourdes, la Vierge de l’Immaculée Conception. Tous les enfants scrofuleux, les teigneux, tous les hommes et les femmes affligés de plaies variqueuses ou cancéreuses allaient se plonger dans cette fontaine et y décrasser leurs plaies. Ma mère et la vieille fille me recommandèrent surtout d’avoir la foi et une grande confiance dans le Sauveur du Monde et en sa divine mère. De la foi, j’en avais alors de quoi transporter toutes les montagnes, et ce fut sans doute, comme disait la bonne fille, cette foi solide qui me sauva autant, sinon plus, que l’eau de la fontaine de Kerdevot.

Au bout de deux mois, je fus complètement rétabli, et je fus conduit par la vieille et ma mère, pieds et tête nus, porter une chandelle de vingt sous à la Vierge.