Billet du 06.12.2025
Un crime, une enquête et un procès d'après-guerre
Cette semaine la recension d'un livre récent aux éditions Arkae, écrit par Annick Le Douget, spécialiste de l'histoire de la justice, et qui éclaire sur un crime commis sur le territoire gabéricois le 23 décembre 1946. A lire aussi sur le GrandTerrier : « La bande à Poux condamnée pour l'affaire de la Salle-Verte, Détective 1948 » ¤ « 1949-1950 - Demande de révision du procès de la tuerie de la Salleverte » ¤ .
Annick Le Douget est la spécialiste de la criminalité bretonne toute indiquée pour délivrer cette mine d'informations sur une affaire qui a défrayé les chroniques régionales en 1946-48 :- Le déroulement des faits crapuleux qui se sont produits, les rebondissements de l'enquête policière et judiciaire et les biographies de toutes les personnes impliquées.
- De nombreux clichés inédits du célèbre photographe quimpérois Etienne Le Grand.
- Des extraits des journaux locaux et nationaux, dont la photo de couverture du magazine « Qui ? Détective ».
Dans la conclusion, Annick Le Douget nous fait part de sa perplexité : « À l'issue de la lecture des pièces d'instruction, nous avons ressenti une sensation assez déplaisante, celle d'être face aux non-dits de plusieurs protagonistes, celle de deviner qu'un certain nombre d'échanges oraux ont eu lieu sans être retranscrits dans la procédure. »
En effet, de nombreuses personnes ont été suspectées, certaines accusant les autres des pires méfaits, et parmi eux d'anciens résistants qui se sont aussi fourvoyé dans des opérations de brigandage. Et du côté des forces de l'ordre, on est dans une guerre des polices, entre PJ de Rennes et commissariat local de Quimper qui se détestent et se méprisent.
De plus la manière brutale de commissaire Le Leyour de Quimper lors des premiers interrogatoires peut poser question ; sans compter le rapport du commissaire Kergoët appuyant la demande de révision du dossier et dénonçant une monstrueuse erreur judiciaire.
Le dépouillement de tous ces dossiers amène cette question : si nous, les lecteurs de 2025, aurions été jurés, aurions-nous voté la non-culpabilité ?
C’est-à-dire en l’occurrence l’acquittement de celui qui avait concentré à l'époque beaucoup de rejet et de haine, le chef de bande Gaston Poux qui se défend ainsi lors de son procès en révision : « Je ne suis pas originaire du pays, je suis un étranger, donc "suspect". Ne me liant pas facilement, je suis jugé fier. »
Il faut dire qu'en héritant dans les journaux du surnom de « Laou » qui veut dire "poux" en breton (« Bend-en-Laou » = bande à Poux), sa réputation de pouilleux était toute faite.
