Le Comité d'Histoire à la recherche des Croix, Progrès de Cornouaille 1986
Le 6 septembre 1986 paraissait dans les colonnes du journal Le Progrès de Cornouaille un article écrit par Yves-Pascal Castel sur une initiative de la commission extra-municipale de recherches historiques d'Ergué-Gabéric.
Yves-Pascal Castel, né en 1928 à Saint-Pol-de-Léon, est un prêtre catholique français de l'évêché de Quimper et Léon et un chercheur docteur en histoire de l'art, spécialisé dans l'histoire de l'art religieux breton.
Autres lectures : « 1976-1982 - Les archives de la Commission Histoire d'Ergué-Gabéric » ¤ « Les croix et calvaires d'Ergué-Gabéric » ¤ « Les croix et calvaires d'Ergué-Gabéric » ¤ « CASTEL Yves-Pascal - Atlas des croix et calvaires du Finistère » ¤ « CASTEL Yves-Pascal - En Bretagne croix et calvaires » ¤ « Le calvaire de Stang-Luzigou » ¤ « Croas-ar-Gac, une vierge menacée » ¤ « Une épigraphe gothique sur une pierre de calvaire au Cleuyou ? » ¤ « Le calvaire de Kroas-Spern » ¤ « Le calvaire du manoir d'Odet » ¤ « Le calvaire de Kerampensal » ¤ >
Présentation
En 1986, le spécialiste des Croix et Calvaires finistériens rend compte dans le journal « Progrès de Cornouaille / Courrier du Léon » de l'initiative d'un jeune passionné du patrimoine dans la réalisation d'un « premier travail dans l'exploration du patrimoine de (sa) commune ».
Il s'agit d'un recensement entrepris par J. Cognard et J. Guéguen « À la croisée des chemins » dans le cadre de la Commission de recherches historiques et publié dans le bulletin municipal de septembre 1981.
Sur 18 croix recensées sur le territoire communal, onze sont toujours debout, les autres ayant disparu, mais toujours présentes dans les souvenirs et « les légendes qui auréolent ces monuments ».
Ce que ne manque pas de noter Yves-Pascal Castel, c'est la constatation des deux enquêteurs : « Ce qui les a frappé c'est que très peu de ces monuments ont eu une existence paisible. Beaucoup ont été déplacés ; oh, pas toujours très loin, au cours de leur existence ... ».
Et après avoir rappelé quelques exemples de déplacements, que ce soit depuis des communes éloignées (celui d'Odet venant de Scrignac par exemple), de quelques mètres avec ou sans retour (Croas-ar-Gac, Kroas-Verr ..), le prêtre conclut : « On peut féliciter le comité d'histoire d'Ergué-Gabéric du travail entrepris et lui souhaiter de ne pas s'arrêter en chemin. »
En guise de continuation, on peut consulter l'inventaire mis à jour sur le site Grand-Terrier (avec témoignages, photos et évolutions récentes, comme la ré-installation de la croix médiévale Kroas-Ver en 2024) : « Les croix et calvaires d'Ergué-Gabéric » ¤ .
Transcription de l'article
Le Comité d'Histoire d'Ergué Gabéric à la recherche des Croix et Calvaires.
Comme premier travail dans l'exploration du patrimoine de leur commune, Jean Cognard, avec la collaboration de J. Guéguen, a fait l'inventaire des croix et calvaires d'Ergué-Gabéric.
Ils ne se sont pas contentés d'en prendre les mesures et d'en faire de simples croquis, ils ont aussi recueilli les souvenirs et parfois les légendes qui auréolent ces monuments, sans négliger ceux qui ont disparus.
Ainsi, ils ont repéré 18 croix debout ou présentes dans le souvenir collectif ou le témoignage des archives. Et ce qui les a frappé c'est que très peu de ces monuments ont eu une existence paisible. Beaucoup ont été déplacés ; oh, pas toujours très loin, au cours de leur existence ...
CROIX DÉPLACÉES
Il y a certes les grands déplacements. Le calvaire d'Odet vient de Coatquéo en Scrignac. Celui de l’Écluse vraisemblablement de ces contrées de la montagne où l'on pouvait, sans vergogne, se servir en 1926. La croix du presbytère a été apportée de Kerrouz en 1962. Le calvaire de Kerpensal, daté de 1553, a été placé sur la tombe des Le Guay du Cleuyou en 1922, lors de l'établissement du nouveau cimetière et vient on ne sait trop d'où [1].
Certains déplacements ont été suivis de retour à la place primitive. Il en fut ainsi pour la Kroas-verr, au bourg. Et celle-ci a d'ailleurs sa légende. Désormais, Kroas-Verr se voit près de l'entrée d'une maison [2]. Au début de ce siècle, l'institutrice qui y logeait la fit déplacer pour une raison de commodité. Mais il fallut bien vite la remettre au point initial, car ne faisant plus son office de gardienne, la croix ne barrait plus la route aux revenants qui en avaient profité pour venir troubler les habitants du logis ! ...
La vierge de Kroas-ar-Gac fut un moment transportée au château de Stang-Venn en 1926. Elle retrouva sa place primitive, la métrologie locale ayant été troublée par le déplacement.
Si les conséquences des déplacements intempestifs des éléments de notre patrimoine étaient les mêmes aujourd'hui, on verrait moins d'amateurs peu scrupuleux, qui sont proprement des voleurs, s'emparer des vestiges du patrimoine commun. Le respect normal serait assorti de craintes salutaires ...
RECONSTRUCTIONS DE CROIX
En 1981, le calvaire de Kergaradec fut l'objet d'une remise en ordre. Et la surprise ne fut pas peu grande de découvrir, enterrés sous le socle, des fragments de statues dont un christ attendant le supplice et une vierge de pitié.
En 1985, ce fut le tour de la croix de Kroas-Spern qui avait subi des dégâts, suite à un orage et à l'action de vandales inconscient. Datée de 1565, la restauration a été assortie d'un léger déplacement de quelques mètres. On voir ainsi se dresse bravement le fût sur son emmanchement. Mais quand on sait qu'il y a chez nous des tailleurs de pierre qui savent tailler des christs, ou que dans nos cimetières on jette à la décharge des croix en beau kersanton, il ne serait pas difficile de compléter le monument.
Et comme il n'est pas classé, on a la permission à demander à personne. L'initiative locale peut donc jouer à plein.
INTERDICTION DE TOUCHER AU CALVAIRE DE KERDÉVOT
Tel ne fut pas le cas après la guerre. Le recteur du temps, animé des meilleurs intentions, voulant meubler les douze niches vides de la « mace » du calvaire de Kerdévot en commanda quatre au sculpteur Beggi de Quimper.
Hélas, le service des Monuments historiques refusa cette initiative et les apôtres furent dispersés.
C'est dommage. Car vouloir protéger le patrimoine est une illusion. Le patrimoine est fait pour vivre. Sinon au XVIe il se serait trouvé quelques esthète pour refuser et ... bâtir le calvaire de Kerdévot, lui-même, qui venait troubler malgré tout quelque chose dans un passage immémorial.
On peut féliciter le comité d'histoire d'Ergué-Gabéric du travail entrepris et lui souhaiter de ne pas s'arrêter en chemin.
Y.P. CASTEL.