Hervé Barré, tisserand, guérisseur et conteur breton

De GrandTerrier

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Le conteur du village de Quélennec, grand inspirateur de Jean-Marie Déguignet dans sa retranscription de contes et légendes.

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Référence : Article de Louis Ogès publié en 1963, dans le Bulletin de la Société d'Archéologie du Finistère, Cahier n°2 des Mémoires d'un paysan bas-breton publiées en 2001 par An Here.

Autres lectures : « OGÈS Louis - Contes et Légendes populaires recueillis par F.-M. Déguignet » ¤ « OGÈS Louis - Les mémoires d'un paysan bas-breton en 5 épisodes » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « Les 24 cahiers manuscrits de la seconde série des mémoires de Jean-Marie Déguignet » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ 

Présentation

Hervé Jean Barré est né le 30 ventôse de l'an X de la République, c'est-à-dire le 21.01.1802, à la ferme de Kermorvan où son père est cultivateur [1]. Il épouse en juillet 1829 avec Mauricette Bléogat, gabéricoise elle aussi [2] : dans l'acte de mariage sa profession est tisserand et sa mère veuve et mendiante. En 1840, à la naissance de son quatrième enfant, Jean-Michel, il exerce son métier de tisserand au village de Quélennec où il décède 4 ans plus tard [3].

Le mémorialiste Jean-Marie Déguignet l'a très bien connu car il a vécu son enfance dans le même village, de 1838 à1848 : « J'ai connu dans mon enfance un vieux tisserand qui connaissait toutes les légendes bretonnes et les racontait fort bien, sans jamais y changer un mot : il savait conter, mais il ne savait pas inventer. Il se nommait Hervé Baré et habitait Ergué-Gabéric. »

Hervé Barré cumulait plusieurs métiers : « C'était un type original, à la fois médecin, rebouteur et quelque peu sorcier, opérant parfois au nom de Dieu, parfois au nom du diable. Ces talents, il les menait concurremment avec son métier de « guyader » (tisserand). »

Et l'enfant Déguignet a été impressionné par le physique du conteur : « Au physique, il n'était pas beau à voir : il était si maigre qu'on eût dit un squelette ambulant. En lisant plus tard dans « Les mystères de Paris » [4], la description du personnage auquel Eugène Suë avait donné le nom de « Squelette », je crus revoir le portrait d'Hervé Baré, le tisserand. ».

La présentation ci-dessus d'Hervé Barré apparaît dans le tout premier des 26 cahiers de ses mémoires. Et malheureusement ce cahier n'a été retrouvé dans l'héritage familial lors de la publication en 1998-2001 des 25 autres cahiers.

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Nous ne disposons que de la transcription qu'en avait fait en 1963, dans un article dans le Bulletin de la Société archéologique du Finistère, l'historien et directeur d'école Louis Ogès, lequel avait eu la chance de déchiffrer ce premier cahier.

Le début du cahier n° 2 commence par cette phrase : « Comme je l'ai dit plus haut, je vais donner ici quelques-uns de ces contes bretons, rites et légendes, que le vieux squelette nous contait ».

Les contes en question constitue finalement un collectage inédit de ces légendes bretonnes populaires qui étaient respectueusement transmis oralement par des conteurs, avec ces personnages incontournables : le troisième fils et la princesse, Lanic, Yann et Chann, Péric, ... Et rendons grâce à Louis Ogès et à Jean-Marie Déguignet d'avoir honoré la mémoire d'un conteur hors pair.

Sources

Cahier n° 1 - Version Ogès

J'ai connu dans mon enfance un vieux tisserand qui connaissait toutes les légendes bretonnes et les racontait fort bien, sans jamais y changer un mot : il savait conter, mais il ne savait pas inventer. Il se nommait Hervé Baré et habitait Ergué-Gabéric.

C'était un type original, à la fois médecin, rebouteur et quelque peu sorcier, opérant parfois au nom de Dieu, parfois au nom du diable. Ces talents, il les menait concurremment avec son métier de « guyader » (tisserand).

Au physique, il n'était pas beau à voir : il était si maigre qu'on eût dit un squelette ambulant. En lisant plus tard dans « Les mystères de Paris », la description du personnage auquel Eugène Suë avait donné le nom de « Squelette », je crus revoir le portrait d'Hervé Baré, le tisserand.

Quand nous n'étions pas occupés à mendier, à chercher du bois ou à apprendre le catéchisme, les enfants du village et moi, nous courions chez lui. Là, nous goûtions un plaisir extraordinaire à écouter les légendes qu'il nous contait tout en poussant la navette de ses longs bras décharnés. Ses auditeurs étaient cent fois plus émus et plus attentifs que les paroissiens écoutant le sermon du curé le dimanche.

Aujourd'hui, j'ai 70 ans et je peux encore raconter les récits du père Baré sans changer un mot.

Cahier n° 2 - Pages 45,67 de l'Intégrale

Comme je l'ai dit plus haut, je vais donner ici quelques-uns de ces contes bretons, rites et légendes, que le vieux squelette nous contait. Il est bien entendu que je ne suivrai pas dans les longs et ennuyeux détails les conteurs bretons, qui ne font que prolonger inutilement le conte. Nos conteurs bretons, même les meilleurs, perdent toujours trop de temps dans des détails infimes jusqu'à vous faire oublier la meilleure partie de leur narration. Les diseurs de « grâces » et les chantres font de même : ils noient souvent sous un flot de verbiage insipide les plus belles idées et les meilleures conceptions. D'abord, je dois dire encore que nos vrais contes bretons de ce temps portent rarement des intitulés.

Tous ils commencent par le même mot, « gueall » (autrefois). Le premier que le tisserand nous conta est l'histoire de deux pauvres vieux et leurs trois fils. Le voici : [...]


[...] Notre vieux tisserand termina ce conte comme toujours, par les aventures de la noce où il se trouvait naturellement. J'ai passé sur quelques tours que Péric joua encore à ce seigneur, mais de moindre importance.

Enfin, voilà un aperçu de tous les genres de contes bretons, moins ceux dans lesquels le diable, le seigneur noir, remplace le seigneur blanc pour se faire rouler également par le paysan comme l'autre. Mais ces contes-là sont plutôt du domaine de la légende comme on le verra plus loin.

Annotations

  1. Naissance - 30/vent/An10 - Ergué-Gabéric (Kermorvan). BARRE Hervé Jean, enfant de Guillaume, Cultivateur et de Marie Jacquette CORE (et non le 24 comme indiqué dans son acte de mariage.
  2. Mariage - 25/07/1829 - Ergué-Gabéric BARRE Hervé Jean, Tisserand, fils de Guillaume, décédé et de Marie CORRE, présente, et de BLEOGAT Mauricette née le 11 Ther An 11 à Ergué Gabéric, fille de Gilles et de Marie Catherine GLEVAREC, décédée
  3. Décès - 03/05/1844 - Ergué-Gabéric (Quelennec) de BARRE Hervé, Tisserand, âgé de 44 ans. Père : Jean Guillaume, décédé. Mère : Marie CORAY. Conjoint : Mauricette BLEOGAT. Témoins : yves poher 40a et louis gourmelen 50a /voisins cultivateurs
  4. Effectivement le personnage du comploteur squelettique apparaît dans le tome 4 des Mystères de Paris : « Cet homme, d'assez haute taille, de quarante ans environ, justifiait son lugubre surnom par une maigreur dont il est impossible de se faire une idée, et que nous appellerions presque ostéologique ».



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Thème de l'article : Biographie d'une personnalité gabéricoise Création : décembre 2009    Màj : 26.04.2025