François-Marie Moullec (1891-1918), sergent du 19e RI
Un jeune soldat gabéricois de 26 ans mort pour la France à Flize lors d'une ultime patrouille dans les Ardennes, à 23H de la déclaration d'armistice, et qui laissera derrière lui un orphelin "pupille de la nation" de 4 mois.
On trouvera ci-dessous la relation de cette journée du 10 novembre, la collecte d'infos généalogiques et biographiques et des documents d'archives.
Discours du caporal Eugène Perrot en 1968 : « Toi Moullec tu as été blessé plusieurs fois, décoré de la croix de guerre et de la médaille militaire, tu es mort 23 heures avant heures avant la fin de cette guerre. ».
Autres lectures : « Portail des Poilus de 1914-18 » ¤ « Poilus bretons : l'ultime sacrifice, Le Télégramme novembre 2018 » ¤ « PERROT Eugène - La dernière patrouille » ¤ « DOUGUET Jean-François - Ergué-Gabéric dans la Grande Guerre T1 » ¤ « DOUGUET Jean-François - Cornouaillais dans la Grande Guerre T2 » ¤
Résumé biographique
Fiche de poilu :
- Naissance le 29 avril 1891 à Briec.
- Fils de Jean et de Marie Pennarun.
- Sergent dans le 19e Régiment d'infanterie.
- Matricule 4020 au Corps.
- Matricule 813 au recrutement de Quimper.
- Tué à l'ennemi le 10 novembre 1918 sur le champ de bataille de Flize (08 Ardennes).
- Inscrit sur le portail Mémoires des Hommes, Mort pour la France
- Mention « MOULLEC F. M. » sur le Monument aux Morts de Briec.
Compléments généalogiques :
Né à Kerdelliou, en Briec, de parents cultivateurs, François Marie Moullec est lui aussi cultivateur lorsqu'il épouse à Ergué-Gabéric, le 04/07/1917, Jeanne Marie Guillou, de Briec également. Son acte de mariage précise qu’il est « actuellement sergent, décoré de la croix de guerre ».
Anne Le Guillou, sœur de Jeanne Marie, est employée à la papeterie Bolloré et se marie au maçon de Lestonan Mathias Jean Binos, apparenté aux Quéré qui tiennent le bar-restaurant. Jeanne-Marie sera employée par les Quéré comme aide aux cuisines et en salle, notamment servir aux repas de noces.
François-Marie et son épouse Jeanne-Marie habitent aussi Lestonan, en haut de la côte de Menez-Groas. Sur l'acte de naissance de leur fils, Jean-François, le 29 juin 1918, ils sont déclarés cultivateurs. Jean-François qui a 4 mois au moment du décès au front de son père, est déclaré pupille de la nation par jugement du 7 mai 1919 au tribunal de Quimper.
« Mort pour la France » à Flize dans les Ardennes, lors d'une dernière patrouille de reconnaissance (cf. ci-dessous) la veille de la fin du conflit, les autorités envoient une lettre d'avis mortuaire à la mairie de Briec, qui transmet au maire d'Ergué-Gabéric pour prévenir sa veuve : « J'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien, avec tous les ménagements nécessaires dans la circonstance, prévenir Mme Moullec, de la mort du sergent Moullec François, née le 29 avril 1891, tué à l'ennemi et inhumé le 12.11.18 à Flize ».
Décédée en 1972, Jeanne Marie Le Guillou, veuve, se remarie en 1922 [1] à Alain Caugant, papetier, avec qui elle aura un fils, René Caugant. Ils habitent à la cité ouvrière de Keranna.
Henri Le Gars, ancien de Keranna, se souvient très bien de Jeanne-Marie Guillou, épouse Caugant : « Je la vois encore, avec sa démarche corpulente, faire le service lors des repas de noces chez Quéré ». De même René Le Reste de Garsalec revoit celle qu'on nommait par son nom de jeune fille : « J'ai bien connu Chan ar Gwillou qui servait lors des repas de noce à "Lostilidi" chez les Quelven à Garsalec dans les années 40, là où ma mère intervenait aussi. Le soir René son fils venait souvent la rejoindre quand elle était de service, René qui jouait au foot chez les Paotred et qui plus tard travaillera à l’hôpital Gourmelen. Par contre je ne savais pas que c'était le second mariage de Chan. »
Par contre la mémoire du quartier n'a pas retenu le nom de son premier mari, mort pour la France, et le fils Jean-Français, pupille de la nation, a « lui-même perdu la vie le 7 avril 1920, avant l’âge de gagner les bancs de la communale ».
La dernière patrouille
Lors de la préparation de ses livres sur la Grande Guerre, Jean-François Douguet a découvert dans les Cahiers du 19e RI ce compte-rendu intitulé « La dernière patrouille », une opération militaire sur le front des Ardennes le 10 novembre au cours de laquelle 12 poilus, dont François-Marie Moullec gabéricois de Menez-Groas, trouveront la mort,
Ce compte-rendu est basé sur les souvenirs du caporal Eugène Perrot, le seul survivant, qui raconte que, ayant traversé la Meuse, son lieutenant demande à son escouade de faire une mission de reconnaissance jusqu'à une ligne de chemin de fer, près de laquelle les forces allemandes étaient embusquées. Et là les mitraillettes font un massacre, et quatre groupes successifs de poilus seront envoyés pour essayer de rapatrier les blessés.
Le sergent François-Marie Moullec, âgé de 26 ans et domicilié à Menez-Groaz avant de partir au front, fait partie du dernier groupe et y laisse aussi sa vie :
Sur sa droite, un homme arrive en courant ; vite il lui dit comme aux autres : « Ne viens pas, va à l’arrière ». C’était le sergent Moullec. Il tomba près de lui à le toucher.
« Je suis blessé », dit-il
« Où es-tu touché ? ». Le sergent ne répondit pas. Quelque chose l’inquiétait.
« Va prévenir le lieutenant que je suis blessé ».
« Crois-tu que je puisse arriver ? »
« Il le faut ».
« Bon j’y vais. Quant à toi, ne bouge pas. Les boches sont là à vingt mètres ».
« Tu diras cela aussi au lieutenant ».
... Les deux brancardiers étaient là : Le Deroff avec sa grande moustache, le deuxième devait être Bourel, tous deux d’un certain âge, reçurent l’ordre de suivre le caporal et de ramener le sergent Moullec blessé.
Les trois hommes partirent dans la brume. Ils arrivèrent au but sans être touchés mais trop tard car Moullec était mort.
Gaston Mourlot, sergent au 65e régiment d’infanterie (de Nantes) arrivant à Flize le 11 novembre 1918, relate cette scène dans son journal de poilu [2] : « Le plus triste du lieu était que sur la plaine, de notre côté, il y avait pas mal de poilus étendus sur le terrain ; douze types du 19e avaient été butés la nuit précédente, et un caporal à 10h 1/2 ce matin. Rien ne me parut plus triste que le destin de ces pauvres diables ayant enduré, peut-être depuis le début de la guerre, le frisson de la mort en maintes circonstances, et finir misérablement à l’aurore de la délivrance ».
Le 15 septembre 2018 les écoliers de la classe de CM2 de l'école primaire de Flize ont participé à la commémoration du centenaire de 1918 en présence de la fille d’Eugène Perrot et du petit-fils de Jean Le Deroff. A cette occasion ils ont réalisé une très belle brochure pour le concours « Les petits artistes de la mémoire » qui s'intitule : « Moi, Eugène Perrot, seul survivant de la dernière patrouille».
Sur 15 pages grand format, les textes, extraits du discours d’Eugène Perrot prononcé lors d’une précédente commémoration du cinquantenaire, accompagnent leurs dessins d'enfants : « Je revins vers mes camarades et parlai à chacun d'eaux, comme s'ils pouvaient encore m'entendre » ; « Toi Moullec tu as été blessé plusieurs fois, décoré de la croix de guerre et de la médaille militaire, tu es mort 23 heures avant heures avant la fin de cette guerre. ».
Documents
Annotations
- ↑ Relevé Etat-Civil Mariage - 21/02/1922 - Ergué-Gabéric. CAUGANT Alain Marie, Papetier, (majeur), né le 22/02/1890 à Leuhan, fils de Joseph, Cultivateur et de Thérèse DUIGOU, Cultivatrice, Veuf de : Marie Jeanne LE DU, décédée le 30/11/1920 à Ergué-Gabéric. Notes époux : domicilié à Ergué-Gabéric ; il signe.
Et LE GUILLOU Jeanne Marie, Ouvrière, (majeure), née le 02/05/1899 à Briec, fille de Jean Louis, décédé et de Jeanne LIJOUR, Ménagère , présente, Veuve de : François Marie MOULLEC, décédé le 12/11/1918. Notes épouse : domiciliée à Ergué-Gabéric ; elle signe ; son premier mari est Mort pour la France aux armées à Flize. Témoins : Hervé MEVELLEC, 52, cult, Briec, s -- Jean le MOIGNE, 23, ouvrier électricien, Quimper, s - ↑ Page 453 du livre-mémoire « Un ouvrier-artisan en guerre, Les témoignages de Gaston Mourlot 1914 – 1919 », collectif CRID, Edhisto, 2012.