Evasion de René Morvan d'un camp de prisonniers en Allemagne, L'Ouest-Eclair 1916

De GrandTerrier

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Témoignage d'un paysan gabéricois sur les conditions de prisonnier de guerre en Allemagne et sur son évasion au bout de 23 mois de captivité.

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Autres lectures : « Les combats de Pierre Tanguy en Marne, Somme, Aisne, Meuse et Allemagne » ¤ « DOUGUET Jean-François - Etienne Le Grand, un regard breton dans la Grande Guerre » ¤ 

Présentation

En septembre 1916, dans l'Ouest-Eclair, en rubrique Quimper, on trouve deux entrefilets relatant le retour au pays d'un gabéricois prisonnier de guerre, évadé d'un camp allemand.

Il s'agit de René, l'un des fils Morvan de la ferme de Kernilis, qu'il tient avec son frère Alain depuis 1908. D'après l'article du 20 septembre, René Morvan était incorporé dans le 2e (corps d'armée) colonial, et il fut fait prisonnier au début du conflit, en août 1914. Après son retour d'évadé il repartira au front avec son régiment. Après guerre il continuera à exploiter la ferme de Kernilis avec son frère Alain et sa sœur Marie-Renée jusqu'en 1941.

Sa lettre de témoignage et remerciement à « l’œuvre du paquet du prisonnier » de Quimper est relativement précise sur le sujet de la nourriture dans les camps : « les rations sont très minimes. Le café est fait avec de l'orge grillé ; la soupe de maïs et de l'orge ; des œufs de poisson qui sont immangeables. 300 grammes de pain par jour et par homme. Ils donnaient aussi un peu de pommes de terre, mais le plus souvent, c'était remplacé par des betteraves et des navets ».

Les camps qu'il a fréquentés sont d'une part Krefeld [1], normalement réservé aux officiers, et Friedrichfeld-bei-Wesel [2]. Les deux lieux sont situés en Rhénanie du Nord (Westphalie), pas très loin de la frontière avec les Pays-Bas.


Grûss aus Friedrichsfeld - Le bonjour de Friedrichsfeld. Kriegsgefangene Franzosen - Prisonniers de guerre français.

À Friedrichfeld [2] René Morvan travaille dans une ferme, d'où il décide de s'évader, comme nous le raconte le journaliste qui l'avait interviewé à Kernilis :

  • Avec un compagnon breton des Côtes-du-Nord, ils profitent de la pause de midi pour décamper au pas de gymnastique.
  • Se reposant le jour, ils marchent pendant deux nuits : « Cette marche dans les ténèbres, ils la faisaient souvent en rampant. Ils durent franchir des fils de fer barbelés ayant plus de 2 mètres de hauteur ; ils traversèrent plusieurs marais et une rivière à la nage. ».
  • Était-ce le Rhin ou l'un de ses nombreux affluents de la région ?
  • La frontière hollandaise au nord du camp était certes plus proche, mais il est vraisemblable qu'ils aient plutôt pris la direction de l'ouest, soit une distance de 80 kilomètres au minimum.
  • Et là au petit matin, ils demandent en allemand à un jeune homme si son père est mobilisé dans l'armée allemande. La réponse les rassurent : « Son père n'était point mobilisé, car il se trouvait en Hollande. ».
  • Conduits à un poste militaire ils seront rapatriés tous deux en Bretagne « par les soins du consulat ».

Coupures de presse

Transcription :


Quimper

Œuvre du paquet du prisonnier.
Musée départemental.

Nous recevons la lettre ci-après, dont nous modifions l'orthographe tout en respectant le style :

« J'ai l'honneur de vous faire savoir que j'ai pu m'échapper d'Allemagne, le 2 août, après 23 mois de captivité. Je vous remercie infiniment des paquets que j'ai reçus quant j'étais interné à Crefeld et ensuite à Friedrischfeld. Si les prisonniers de guerre français en Allemagne ne recevaient pas de colis, l'existence deviendrait impossible, car les rations sont très minimes. Le café est fait avec de l'orge grillé ; la soupe de maïs et de l'orge ; des œufs de poisson qui sont immangeables. 300 grammes de pain par jour et par homme. Ils donnaient aussi un peu de pommes de terre, mais le plus souvent, c'était remplacé par des betteraves et des navets ».

R.M., Ergué-Gabéric.

Le tableau n'est point gai, tant s'en faut ! Cette lettre n'est qu'une réédition de toutes celles que nous recevons, chaque jour. Nos prisonniers ne sont ni des gourmets, mais ce sont des hommes que nos ennemis astreignent à un travail pénible et fatigant et qui auraient besoin d'une nourriture substantielle et abondante pour conserver leurs forces et leur santé. C'est pourquoi nous faisons un appel de plus en plus pressant à tous en faveur des malheureux dont la situation si triste et si précaire ne laisse pas que d'inquiéter très vivement tous les bons Français.

Les dons en nature et en argent sont reçus au siège de l’œuvre, musée départemental.

L'Ouest-Eclair, 5 septembre 1916

Transcription :


Quimper.

Evadé d'Allemagne.

Une heureuse mère, c'est celle qui, tout récemment, a vu revenir à la ferme de Kernilis, en Ergué-Gabéric, son fils René, prisonnier en Allemagne depuis 23 mois. René Morvan, qui appartenait au 2e colonial, avait été fait prisonnier au début de la guerre. Après avoir été dans plusieurs camps, il fut envoyé travailler la terre dans une ferme. Il y était depuis 4 mois, ayant pour compagnon un Breton des Côtes-du-Nord, Le Moal, de Pommerit-le-Vicomte. Ce camarade avait partagé son sort et sa vie pendant 22 mois. Tous deux se concertèrent et, un beau jour, à l'heure de midi, pendant le repas de leurs gardiens, ils partirent au pas gymnastique. Ils eurent une première alerte, car ils furent aperçus par un journalier allemand qui s'en allait chez lui et leur dit de s'en retourner. Cela ne fit qu'accélérer leur course. Vers 2 heures nos deux prisonniers allaient se reposer dans un champ d'avoine, en ayant bien soin de faire disparaître les traces de leur passage. Le soir ils se mirent en route et marchèrent jusqu'à l'aube. Une seconde journée fut encore consacrée au repos et la nuit suivante ils marchèrent de nouveau. Cette marche dans les ténèbres, ils la faisaient souvent en rampant. Ils durent franchir des fils de fer barbelés ayant plus de 2 mètres de hauteur ; ils traversèrent plusieurs marais et une rivière à la nage. Enfin, le lendemain, ils aperçurent un jeune homme qui travaillait aux champs et qui voulut fuir à leur vue. Ils n'avaient certes pas bonne mine, les pauvres prisonniers, avec leurs habits déchirés et couverts de vase. Cependant ils réussirent à aborder le jeune homme auquel ils demandèrent en allemand si son père était mobilisé. Le jeune homme répondit que son père n'était point mobilisé, car il se trouvait en Hollande. À ce mot de Hollande les deux prisonniers respirèrent à l'aise. Ils furent accueillis dans une ferme où deux instituteurs du pays vinrent s'expliquer avec eux. De là ils furent conduits à un poste militaire et rapatriés par les soins du consulat.

Le soldat René Morvan, après quelques jours de permission, vient d'être rappelé à Brest. Nous l'avons entendu raconter son évasion et c'est son récit que nous avons transcrit.

L'Ouest-Eclair, 20 septembre 1916

Annotations

  1. Crefeld (Krefeld) sur le site http://prisonniers-de-guerre-1914-1918.chez-alice.fr : camp principal pour officiers et détachement de travail, situé en Rhénanie, au Nord-ouest de Düsseldorf.
  2. 2,0 et 2,1 Friedrichsfeld sur le site http://prisonniers-de-guerre-1914-1918.chez-alice.fr : Camp principal de prisonniers de guerre situé dans la région de Rhénanie du Nord-Westphalie, à proximité d'un village nommé Wesel, au Nord de Duisburg et Köln (Cologne), à proximité de la frontière Hollandaise, le camp dispose d'un lazarett et d'une chapelle. Ouvert dès 1914. De nombreux prisonniers proviennent de l'A.O.F. et du Maghreb, présence de quelques prisonniers civils, une partie de la garnison de Maubeuge y est également détenue, (les prisonniers de la garnison de Maubeuge, rassemblés à Rousies, ont été dirigés sur plusieurs camps, dont celui-ci). Dans une de mes lectures, il est fait mention des prisonniers de guerre des sept nations européennes, quelles sont-elles ? Y a-t-il un journal qui parait dans ce camp et qui serait nommé "La baraque " ? Ce camp est traité de "dépôt-type" par les délégués du Gouvernement Espagnol, et "camp modèle" par les Allemands, je n'ai pas encore trouvé ce que cache cette mention ! Ce camp semble être bien organisé, il s'y trouve des parisiens qui semblent avoir créé : l'Amicale des Parisiens captifs de Wesel Friedrichsfeld "La Baraque". Présence également d'un Comité d'Initiative et de bienfaisance.



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Thème de l'article : Revue de presse Création : Octobre 2011    Màj : 5.07.2024