Billet du 03.08.2024
Des terres vaines et vagues au XIXe siècle
On continue à transcrire les pages du registre des délibérations municipales de 1800 à 1850 : cette semaine un zoom sur les communs de villages, appelées également "terres vaines et vagues", spécificités bretonnes toujours présentes après la Révolution.
Sources : registre relié de 115 pages recto-version, c'est-à-dire 230 folios, conservé aux Archives municipales, et une petite étude statistique issue du plan cadastral de 1834.Didier Cadiou dans un "Essai sur les issues de villages" : « Issues, communs de village, dalar, boutinou, terres vaines et vagues, autant de noms pour désigner une propriété à l'origine incertaine, immémoriale ». Les deux adjectifs Vague et Vaine signifient respectivement "indéfini, qui n'a point de bornes fixes et déterminées" d'une part, "inutiles, incultes, et qui ne produisent rien" d'autre part.
Avant le XVIIIe siècle les communs de villages, très nombreux en Bretagne, sont réputés couvrir le tiers de la surface agricole. À la Révolution, une loi spéciale dresse le cadre légal du reliquat de terres vaines et vagues des cinq départements bretons : « les terres vaines et vagues non arrentées afféagées ou accensées jusqu'à ce jour connues sous le nom de communs ».
Pour éviter le maintien en jachère de la majorité de ces terres, les seigneurs fonciers et les exploitants agricoles se mettent progressivement à clore et partager les communs, mais ceci n'est pas sans une volonté de les conserver en l'état et des difficultés juridiques.
Dès l'établissement des premiers cadastres en 1830-40, on présuppose que les personnes fondées à revendiquer la propriété des terres maintenues en surfaces vaines et vagues sont les habitants des villages, et des comptes spéciaux furent établis, soit à leur nom générique, soit au « Commun de tel village ».
Le parcellaire cadastral de 1834 d'Ergué-Gabéric ne fait pas exception : on y trouve encore des parcelles libellées en tant que Communs, certes pas systématiquement dans tous les lieux-dits, mais dans environ 1/10 d'entre eux. L'inventaire cadastral partiel fait apparaître les dénominations génériques suivantes : en majorité des « leurquer » ou « leurger » (aires du village) ou des « garont » (chemins charretiers), mais aussi quelques « frost » ou « frostiou » (terres incultes).
Outre les communs détenus par les collectivités villageoises, une partie de ces terres est tombée dans l'escarcelle des communes. Celles mentionnées dans les délibérations municipales de 1860 et 1874 sont pour la plupart des bandes de terres en bordure de routes ou de chemins vicinaux : « un vague, une dépendance de l'ancien chemin de Quimper à Coray », « au village du Guélennec un vague en excédant » et un « portion de terre vague devant la route n° 5 conduisant du lieu de Kerellan à la chapelle St Guénolé ».
Ces terres vagues ont été aliénées quelques années plus tôt, exploitées ou boisées, ceci sans titre et procédures. Avec l'appui d'un arrêté municipal s'estime en droit de porter les affaires devant un juge de paix et « au besoin devant le tribunal civil », pour en récupérer le prix de cession.
En 1860, une délibération acte de la volonté « de vendre tous les terrains vagues de la commune afin de pouvoir solder le déficit », lequel se monte à 216 francs et 22 centimes.
En savoir plus : « 1851-1879 - Registre des délibérations du conseil municipal » et « 1834-1874 - Les communs de village dans le cadastre et les délibérations municipales », espace "Fonds d'Archives".
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