1908-1921 - Epidémies de grippe, rougeole, dysenterie et teigne dans les écoles
Les déclarations d'épidémies par un instituteur d'école et un médecin à l'attention du préfet et de l'inspection académique, avec les effets déjà constatés et les recommandations d'éradication.
Trois lettres conservées aux Archives Départementales du Finistère (1 T 804), datées respectivement de 1908, 1917 et 1921.
En savoir plus : « 1927 - Epidémie de teigne tondante parmi les pupilles de l'oeuvre Grancher » ¤ « 1929 - Conflit entre l'instituteur de Lestonan et la municipalité au sujet d'une pompe » ¤ « Espace "Les Instits" » ¤ « Les institutrices et instituteurs en poste à Ergué-Gabéric » ¤
Présentation
Les deux premières lettres proviennent de l'instituteur de l'école publique du bourg, M. Tanguy, qui signale à son administration en 1908 des cas de grippes et de rougeole, et en 1917 il confirme l'existence de cas graves de dysenterie [1]. La troisième lettre est une prise de position argumentée et motivée du médecin quimpérois Charles Colin qui dresse un tableau de l'épidémie de teigne [2] en 1921 dans les écoles gabéricoises.
En 1908 la grippe et la rougeole touchent 30 élèves de l'école des garçons du bourg, et certainement aussi de nombreux autres dans les autres écoles du bourg et de Lestonan. La consigne pour la rougeole est de respecter « les prescriptions visant les maladies épidémiques en évinçant les élèves malades ».
En septembre 1917 l'ensemble des habitants de la commune est affecté par une épidémie: « Des cas de dysenterie graves se sont en effet produits à Ergué-Gabéric. La maladie s'est déclarée il y a près d'un mois. Il y a actuellement une cinquantaine de malades dans toute l'étendue de la commune. Sept décès sont déjà survenus dont deux au bourg. »
Cette endémie mortelle est probablement la conséquence de conditions sanitaires insuffisantes, et une contamination de l'eau potable des puits ou sources. L'école des garçons au bourg ne compte qu'une victime, mais par contre l'école des filles à l'est du bourg, dans un « quartier qui laisse beaucoup à désirer au point de vue de l'hygiène », est bien plus touchée et l'institutrice adjointe y est contaminée. Deux médecins militaires venus de Lorient doivent venir sur place, et après diagnostic ils demandent le « licenciement » de l'école des filles, c'est-à-dire sa fermeture provisoire.
En 1921, le docteur Colin rédige un rapport au préfet dans lequel il rend compte de ses constats où il s'est rendu suite à une alerte épidémique de teigne [2] : « À l'école libre des filles du bourg, j'ai trouvé un cas de teigne, chez la jeune SALAÜN Marguerite. À l’École publique des garçons de Lestonan, autre cas chez le jeune MOIGNE (Michel). »
Au-delà des recommandations sanitaires usuelles de propreté corporelle, Charles Colin recommande l'installation systématique de « patères numérotées » dans les écoles : « La teigne se propage souvent dans les écoles par le changement de coiffures, soit par jeu, soit parce que les coiffures sont jetées en désordre les unes sur les autres et que dans le brouhaha de la sortie de classe les élèves les interchangent. »
Il conclut par « J'espère que si ces prescriptions sont bien et intelligemment appliquées, nous ne tarderons pas à voir enrayée l'épidémie menaçante ». Malheureusement cela ne sera pas suffisant, car en 1927 à l'école des filles du bourg on constatera une réapparition de la teigne.
Transcriptions
1908, grippe et rougeole
Ergué-Gabéric, le 29 mars 1908
Notes : Transmis à Monsieur l'Inspecteur d'Académie. Il serait bon, à mon sens, de réclamer la désinfection sérieuse des locaux scolaires, au plus tard pendant les vacances de Pâques. L'inspecteur primaire, (signature). Préfet : 2 Avril 1908 L'instituteur d'Ergué-Gabéric à Monsieur l'Inspecteur primaire,
Monsieur l'Inspecteur,
J'ai l'honneur de vous informer que l'école compte depuis quelques jours une trentaine des plus jeunes élèves atteints de la grippe ou de la rougeole.
Pour ce qui concerne cette dernière maladie je me suis conformé aux prescriptions visant les maladies épidémiques en évinçant les élèves malades.
L'Instituteur, Tanguy
1917, dysenterie
Ergué-Gabéric, le 15 octobre 1917
L'Instituteur d'Ergué-Gabéric à Monsieur l'Inspecteur d'Académie.
En réponse à votre note du 13 courant, j'ai l'honneur de vous renseigner sur l'état sanitaire dans la commune.
Des cas de dysenterie graves se sont en effet produits à Ergué-Gabéric. La maladie s'est déclarée il y a près d'un mois. Il y a actuellement une cinquantaine de malades dans toute l'étendue de la commune. Sept décès sont déjà survenus dont deux au bourg.
L'école de garçons ne compte jusqu'à présent qu'un malade, alité depuis le 5 courant ; son état est assez grave. Cet élève n'a pas dû contracter la maladie à l'école mais plutôt au dehors.
L'école de filles se trouve en plein foyer d'épidémie. Il existe de nombreux malades dans le quartier qui laisse beaucoup à désirer au point de vue de l'hygiène. L'institutrice adjointe Mlle Thomas a été atteinte, mais s'étant soignée à temps elle est actuellement en voie de guérison.
Des enquêtes ont été faites par des médecins civils et militaires. Monsieur le docteur Colin a prescrit certaines recommandations à la population. Ces recommandations ont été expliquées à l'école, copiées et communiquées aux parents. Deux médecins militaires venus de Lorient ont visité mardi dernier tous les malades de la commune. Étant venus à la mairie ils m'ont conseillé d'écarter de l'école les enfants en contact avec les malades ; de ce fait quatre élèves ne suivent plus les classes.
A l'école de filles qu'ils ont visitée ils ont déclaré à Mme Le Corroller qu'ils demanderaient le licenciement de son école. Depuis ces visites la situation est stationnaire.
Je n'ai pas jugé à propos de vous informer, Mme l'institutrice l'ayant fait. Si la situation venait à s'aggraver je vous aviserais aussitôt.
L'Instituteur, Tanguy.
1921, teigne
Service départemental de la désinfection. Finistère. Ergué-Gabéric.
Quimper, le 19 Avril 1921. Monsieur le Préfet.
Conformément à vos instructions, je me suis transporté hier dans la commune d'Ergué-Gabéric pour visiter les Ecoles du bourg et de Lestonan, rechercher les mesures de préservation qu'il y aurait lieu de prendre contre l'épidémie de teigne qui nous a été signalée par M. le Maire et M. l'Inspecteur primaire et m'assurer que les prescriptions réglementaires étaient observées.
À l'école libre des filles du bourg, j'ai trouvé un cas de teigne, chez la jeune SALAÜN Marguerite.
À l’École publique des garçons de Lestonan, autre cas chez le jeune MOIGNE (Michel).
J'ai prescrit l'éviction immédiate de ces enfants et après confirmation au microscope faite ce matin, j'ai délivré des certificats de maladie aux fins de traitement.
À tous les Directeurs et Directrices d'école, j'ai rappelé les dispositions de l'arrêté du 3 février 1912 de M. le Ministre de l'Instruction publique : éviction des élèves malades jusqu'à production d'une certificat médical de guérison ; non évictions des frères et sœurs, mais redoublement de surveillance. Je leur ai recommandé l'examen aussi fréquent que possible de leurs élèves ; je leur ai fait de nouveau la description de la plaque de teigne et, rien n'étant meilleur que la leçon de choses par la vue, je les ai invité à profiter d'un jour de congé de jeudi pour venir me trouver à l'hôpital, où je leur montrerais nos petits teigneux que nous n'avons malheureusement qu'un trop grand nombre.
J'ai profité de cette occasion pour les prier de veiller plus que jamais sur la propreté corporelle des enfants qui leur sont confiés comme ils veillent, j'en suis convaincu, sur leur propreté morale.
La teigne se propage souvent dans les écoles par le changement de coiffures, soit par jeu, soit parce que les coiffures sont jetées en désordre les unes sur les autres et que dans le brouhaha de la sortie de classe les élèves les interchangent ; il y a bien longtemps, dans mes rapports d'épidémies, dans mes rapports d'aménagements d'écoles, que je demande l'installation de patères numérotées qui diminuerait quelque peu le danger que je viens de signaler et, ayant jusqu'ici clamé dans le désert, je suis heureux d'y revenir.
En somme, j'ai prescrit l'examen fréquent des têtes, l'éviction des suspects jusqu'à fourniture d'un certificat médical de non maladie ou de guérison.
Je n'ai pas besoin d'ajouter que dans ce cas le licenciement n'a pas à jouer.
J'espère que si ces prescriptions sont bien et intelligemment appliquées, nous ne tarderons pas à voir enrayée l'épidémie menaçante : c'est l'intérêt même des maîtres et des maîtresses d'avoir des Ecoles de bon renom.
Veuillez agréer, monsieur le Préfet, l'assurance de mon très respectueux dévouement.
Signé : Dr CH. COLIN.
Pour copie conforme transmise à Monsieur l'Inspecteur d'Académie, comme suite à sa communication du 13 avril coyrant.
Quimper, le 16 Avril 1921, Le secrétaire général (signature).
Notes :
- Communiqué à Monsieur l'Inspecteur primaire de Quimper. Quimper, le 7 mai 1921, l'Inspecteur d'Académie, (signature).
- Faire retour à Monsieur l'Inspecteur d'Académi, le 8 mai 1921. L'Inspecteur primaire, (signature).
Originaux
Lieu de conservation :
- Archives Départementales du Finistère
- Série 1T, Quimper
Reférence, droit d'image :
- Cote 1 T 804 (écoles d'EG 1898-1940)
- Usage public.
Annotations
- ↑ Dysenterie, s.f. : maladie caractérisée par des selles fréquentes et aqueuses (diarrhée), souvent mêlées de sang (rectorragie), de mucus ou de glaires et accompagnées de fortes crampes abdominales. Provoquée par l’ingestion d’aliments contenant certains micro-organismes, qui provoquent une maladie dans laquelle l’inflammation des intestins affecte gravement le corps. Soit causée par une bactérie (bacillaire), soit transmise par un parasite d’une eau contaminée (amidienne). [Terme] [Lexique]
- ↑ 2,0 et 2,1 Teigne, ou teigne tondante microsporique, s.f. : infection des cheveux ou des poils. C'est une mycose provoquée par un champignon microscopique attaquant le cuir chevelu. La maladie fait partie des dermatophytoses. Cette dermatose atteint essentiellement les enfants d'âge scolaire de moins de 12 ans. La teigne n'est pas une maladie grave mais elle est particulièrement humiliante, irritante et inesthétique (Wikipedia). [Terme] [Lexique]