1834-1874 - Les communs de village dans le cadastre et les délibérations municipales

De GrandTerrier

LiasseSmall.jpg

À la recherche des communs ou terres vaines et vagues de la commune, au travers du cadastre de 1834 d'une part, et dans les délibérations du conseil municipal d'autre part.

ActeSource2.png

Pour ce qui concerne le cadastre les parcelles nommées « Leurguer » , « Garront »,, « Frostioù », et dans le registre municipal elles sont désignées par les termes de « vagues » ou de « terres vagues » [1] souvent le long des voies de circulation.

Autres lectures : « RIHOUAY Gilles - Le domaine congéable et les communs de village » ¤ « CADIOU Didier - Essai sur les issues de village » ¤ « 1755-80 - Mémoire sur les droits d'usage d'un terrain non enclos propriété de la fabrique » ¤ « 1912 - Partage de terres vaines et vagues de Keronguéo Leurquer d'antraon » ¤ « Pont Banal » ¤ « 1834 - Le plan cadastral parcellaire Napoléonien » ¤ « 1851-1879 - Registre des délibérations du conseil municipal » ¤ 

Introduction

Didier Cadiou dans un "Essai sur les issues de villages" liste les multiples termes synonymes : « Issues [2], communs de village, dalar, boutinou, terres vaines et vagues [1], autant de noms pour désigner une propriété à l'origine incertaine, immémoriale ». Les deux adjectifs Vague et Vaine signifient respectivement "indéfini, qui n'a point de bornes fixes et déterminées" d'une part, "inutiles, incultes, et qui ne produisent rien" d'autre part.

Avant le XVIIIe siècle les communs de villages, très nombreux en Bretagne, sont réputés couvrir le tiers de la surface agricole. À la Révolution, une loi spéciale dresse le cadre légal du reliquat de terres vaines et vagues des cinq départements bretons : « les terres vaines et vagues non arrentées afféagées ou accensées jusqu'à ce jour connues sous le nom de communs ».

Pour éviter le maintien en jachère de la majorité de ces terres, les seigneurs fonciers et les exploitants agricoles se mettent progressivement à clore et partager les communs, mais ceci n'est pas sans une volonté de les conserver en l'état et des difficultés juridiques.

Dès l'établissement des premiers cadastres en 1830-40, on présuppose que les personnes fondées à revendiquer la propriété des terres maintenues en surfaces vaines et vagues sont les habitants des villages, et des comptes spéciaux furent établis, soit à leur nom générique, soit au « Commun de tel village ».

Le parcellaire cadastral de 1834 d'Ergué-Gabéric ne fait pas exception : on y trouve encore des parcelles libellées en tant que Communs, certes pas systématiquement dans tous les lieux-dits, mais dans environ 1/10 d'entre eux. L'inventaire cadastral partiel fait apparaître les dénominations génériques suivantes : en majorité des « leurquer » ou « leurger » [3] (aires du village) ou des « garont » [4] (chemins charretiers), mais aussi quelques « frost » ou « frostiou » [5] (terres incultes).

On peut se demander si le « Pont Banal » près du bourg d'Ergué ne rentre pas dans la catégorie des terres vaines et vagues, car le qualificatif banal, faisant référence en droit féodal à un droit de passage, désigne aussi au XVIIIe siècle un endroit commun près d'un village.

BlogCommunsStanquéo.jpg

Outre les communs détenus par les collectivités villageoises, une partie de ces terres est tombée dans l'escarcelle des communes. Celles mentionnées dans les délibérations municipales de 1860 et 1874 sont pour la plupart des bandes de terres en bordure de routes ou de chemins vicinaux : « un vague, une dépendance de l'ancien chemin de Quimper à Coray  », « au village du Guélennec un vague en excédant » et un « portion de terre vague devant la route n° 5 conduisant du lieu de Kerellan à la chapelle St Guénolé ».

Ces terres vagues ont été aliénées quelques années plus tôt, exploitées ou boisées, ceci sans titre et procédures. Avec l'appui d'un arrêté municipal s'estime en droit de porter les affaires devant un juge de paix et « au besoin devant le tribunal civil », pour en récupérer le prix de cession.

En 1860, une délibération acte de la volonté « de vendre tous les terrains vagues de la commune afin de pouvoir solder le déficit », lequel se monte à 216 francs et 22 centimes.

Inventaire cadastral partiel

Parmi une sélection d'une trentaine de villages, voici quelques lieux-dits dans lesquels sont déclarés explicitement des communs dans le parcellaire :

  • Keronguéo
    • leurquer [3] (aire du village), en pâture, 15 ares 30 centiares : on sait même que ces communaux furent l'objet d'une sortie d'indivision initiée en 1912 par Eugène et Louis Bolloré, propriétaires héritiers de tenues de ce village.
  • Pennanech
    • leurguer [3] (aire du village), en pâture, 15 ares 30 centiares
    • four, 15 centiares
  • Poulduic
    • garont [4] (chemin charretier), en pâture, 8 ares 10 centiares
    • garont [4] (chemin charretier), en pâture, 36 ares
  • Stanquéau
    • leurquer [3] (aire du village), en lande, 1 hectare 43 ares 50 centiares

La lecture de ces données amène les remarques suivantes :

  • Les superficies des communs sont relativement modestes, de 8 à 36 ares, à l'exception de l'aire de Stanquéau qui s'étend sur 1 hectare et demi.
  • Les noms de parcelles sont pour moitié des chemins charretiers (garont) [4] ou des places communes (leurguer) [3], avec également un four collectif.
  • En termes de culture ou d'utilisation agricole, toutes les terres communes sont en pâture ou en lande.

Par ailleurs, on note aussi des terres "incultes" en propriété privée, dont le nom "Frost" ou "Froustou" [5] semble indiquer qu'elles étaient antérieurement des communs de villages :

  • Stanquéau, "parc frost", terres labourables, 49 ares 90 centiares.
  • Mélennec, "frost ar roc'h ven", lande, 9 ares 30 centiares.
  • Pennanec'h, "froustou", lande, 73 ares 50 centiares.

Et enfin pour le bourg, bien que la section Communs du parcellaire est vide, on peut se demander si le « Pont Banal » ne rentre pas dans la catégorie des terres vaines et vagues.

Délibérations municipales 1860-1874

13 mai 1860, folios 66-68 :

L'an 1860, le 13 mai à 8 heures du matin, le conseil municipal de la commune d'Ergué-Gabéric assemblé au lieu ordinaire de ses séance, sous la présidence de Mr le maire pour la tenue de la session ordinaire du mois de mai et ensuite de la convocation faite par le maire le 6 courant.

Le conseil municipal de la dite commune a l'honneur d'exposer qu'il existe sur le bord du chemin de grande circulation n° 15 au pied de la maison dite chez Toussaint, un excédant de largeur long et étroit sur lequel le propriétaire [...] a planté quelques arbres depuis environ 4 à 6 ans et que le propriétaire interpellé sur le droit qu'il s'est __ dans la possession de ce vague, a répondu que s'il appartient à la commune, il est prêt à l'acheter. Pour ces motifs, persuadé que ce vague est une dépendance de l'ancien chemin de Quimper à Coray qui n'a pas été aliéné, prie Mr le Préfet d'informé l'agent voyer d'arrondissement à remplir les formalités pour que nous puissions être autorisés à vendre ce terrain au propriétaire riverain ou à tout autre.

Fait et délibéré à Ergué-Gabéric les jours, mois et an que dessus.

Signatures : Pétillon, Quelven, Le Roux, Feunteun, Signour, Huitric, Le Corre, Feunteun maire.


L'an mil huit cent soixante, le 13 mai à huit heures du matin, le conseil municipal de la commune d'Ergué-Gabéric assemblé au lieu ordinaire de ses séances, sous la présidence du maire, pour la tenue de la session ordinaire de mai et ensuite sur la convocation faite par le maire le 6 courant.

Le dit conseil a l'honneur d'exposer à Mr le Préfet du finistère que la commune d'Ergué-Gabéric possède au village du Guélennec un vague en excédant de largeur d'un chemin rural qui est inutile à la circulation, lequel a été vendu par le sieur Gourmelen Louis au nommé Queniec Guillaume, lequel a extrait dans ce vague une assez grande quantité de pierres, le sieur Gourmelen a, en outre clos et défriché depuis 12 ou 13 ans un autre petit vague ayant forme de lisière au même endroit, que le sieur Gourmelen ayant été invité par le maire à produire ses titres à la possession de ces deux portions de vagues, a dit Gourmelen que son père avait certainement des titres, mais qu'il ne les possédait plus.

Le conseil persuadé que ces deux vagues appartiennent à la commune, prie Mr le Préfet d'autoriser le maire d'Ergué-Gabéric à citer les dits sieurs Gourmelen et Queniec devant Mr le juge de paix et au besoin devant le tribunal civil pour lui faire restituer ces deux portions de vagues à la commune. en marge : + à vendre une autre portion de terre vague devant la route n° 5 conduisant du lieu de Kerellan à la chapelle St Guénolé en face de Stang Quéo à René Lozac'h propriétaire [...]

Fait à Ergué-Gabéric les jours, mois et an que dessus.

Signatures : Feunteun maire, Le Corre, Pétillon, Qielven, Signour, Le Roux, Feunteun, Huitric.

11 septembre 1874, folios 170-171 :

L'an mil huit cent soixante quatorze le 11 septembre à 7 heures du matin, le conseil municipal de la commune d'Ergué-Gabéric convoqué extraordinairement en vertu d'une lettre de de Monsieur le Préfet en date du 12 août s'est réuni à la mairie lieu ordinaire de ses séances sous la présidence de Joseph Le Roux maire.

Étaient présents M.M. Bolloré, Le Roux, Signour, Nédélec, Feunteun, Péron, Dornic, Le Roux, Normand, Kernevez, Huitric et Le Roux, maire. Absents M.M. Guenno, Le Guay Prosper, Guillou et Yaouanc.

Les membres présents formant la majorité des membres du conseil, le Maire déclare la séance ouverte et donne lecture au conseil de la circulaire de Monsieur le Préfet par laquelle il est autorisé à la réunir afin de créer les ressources pour doter la commune de 216 francs 22 centimes qui se trouve en déficit au budget supplémentaire.

Le conseil après avoir entendu lecture de la circulaire de Mr le Préfet, vu le déficit de la somme de 216 francs 22 centimes au budget supplémentaire et considérant qu'il est urgent de remédier à cet inconvénient est d'avis à l'unanimité à donner au maire le droit de vendre tous les terrains vagues de la commune afin de pouvoir solder le déficit.

Signatures : R. Bolloré, Signour, Roux Alain, Le Corre, Dornic, Normant, Feunteun, Huitric, Kernévez, J.M. Nédelec, Le Roux.

Annotations

  1. 1,0 et 1,1 Terres vagues, s.f.pl. : connues sous l'expression "terres vaines et vagues", synonyme de commun de village ; régime de propriété rurale pratiqué seulement en Basse-Bretagne, avec incursion en pays gallo, jusqu'aux limites des territoires Rohan et Porhoet, depuis le 14e siècle ; à la Révolution, le décret, dit Loi du 28 août 1792 (article 10), décrit les conditions de maintien de ce régime en Bretagne (Source : Gilles Rihouay). Vague : indéfini, qui n'a point de bornes fixes & déterminées. Vaine : des terres inutiles, incultes, et qui ne produisent rien. [Terme] [Lexique]
  2. Issues, issue, s.f. : terre non cultivée d'un village servant à la circulation entre les habitations, les chemins et les champs ; les issues communes de villages pouvaient être utilisées par les plus pauvres pour faire "vaguer" leurs bestiaux ou ramasser du bois pour se chauffer. Lorsqu'un village est tenu en domaine congéable, les "issues et franchises" peuvent être incluses dans les aveux de déclaration des droits et rentes. Les inventaires et dénombrements contiennent également l'expression "aux issues" qui désigne l'éloignement par rapport au centre du village. Dans les descriptifs d'habitations, le terme "issues" désigne les portes et accès. [Terme] [Lexique]
  3. 3,0 3,1 3,2 3,3 et 3,4 Leurger, Leurgêr : place commune utilisée en indivis par les habitations des différentes maisons de ferme et d'habitation d'un village ou hameau. Avant le 19e siècle ce type de communaux, en Bretagne, ne pouvaient être vendus, partagés ou cédés à un tiers. Le bien commun devait rester en partage entre les habitants vivant dans le village. [Terme BR] [Lexique BR]
  4. 4,0 4,1 4,2 et 4,3 Karront, sm. : chemin rural, se montrant presque exclusivement en Cornouaille. Source : Deshayes. [Terme BR] [Lexique BR]
  5. 5,0 et 5,1 Frostages, s.f.pl. : terres incultes, friches, terres vaines et vagues ou terres froides. En breton le terme existe : Fraost , ad. g. -où (en) friche, parfois clair, desserré, & brut, grossier (dictionnaire Favereau). [Terme] [Lexique]



Tamponsmall2.jpg
Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric. Création : Novembre 2010    Màj : 9.08.2024