1804-1811 - Location, quête et tentative d'acquisition du presbytère par la commune

Le presbytère, aliéné et privatisé à la Révolution en tant que Bien national, fait l'objet de transactions difficiles entre la municipalité, le clergé, l'administration préfectorale et son propriétaire.

Sources : documents de 1804 conservés aux Archives diocésaines, délibérations des conseils de 1806 et 1811 conservées aux Archives municipales, documents des Archives départementales sous la cote 2-0-789 pour la période de 1807 à 1811.
Autres lectures : « 1796 - Vente du presbytère des domaines nationaux » ¤ « François Le Pennec, recteur-desservant (1802-1810) » ¤ « François Salomon Bréhier, maire (1808-1812) et avoué franc-maçon » ¤ « 1814-1824 - Achat du presbytère par le recteur et legs de propriété à la fabrique » ¤ « Délibérations 4 février 1806 » ¤ « Délibérations du 18 janvier 1810 » ¤ « Délibérations du 8 mai 1811 » ¤ « 1806-1921 - L'histoire de l'octroi à Ergué-Gabéric au 19e siècle » ¤
Présentation
Le presbytère fait l'objet d'une vente aux enchères en 1796, le 7 messidor de l'an 4, dans le cadre de la confiscation des biens du clergé et c'est l'avoué franc-maçon Salomon Bréhier qui en devient le propriétaire.
Après le Concordat, en juillet-août 1804, Brehier propose à la commune un contrat de location : « Je déclare affermer à la commune pour le terme d'un an à commencer à la Saint Michel prochaine, mon presbitaire d'Ergué-Gabéric et ses dépendances, pour une somme de cent vingt francs payable à deux termes et en six mois. »
Et il précise même qu'il veut bien vendre : « Je consens pareillement de vendre au prix de trois mille francs payables trois mois, après l'autorisation du gouvernement arrivé à Quimper à même d'en passer acte par devant notaires. »
Le conseil municipal accepte la transaction d'affermage dans deux comptes-rendus de délibération datées du 10 thermidor an 12 (31 juillet 1804) et du 1er fructidor an 12 (19 août 1804), en justifiant leur décision par « l'impossibilité de se pourvoir pour loger son curé d'un autre local que celui-ci du ci-devant presbitère ».
Mais très vite les ressources municipales ne suffisent plus pour payer le loyer annuel du presbytère réévalué à 200 francs. Il faut dire que le budget total des dépenses et recettes de la commune ne dépasse pas les 370 francs. En janvier 1808 le loyer de 1806 est déclaré arriéré par un tiers et celui de 1807 complètement impayé.
Et là, Bréhier a une idée géniale : par un courrier il demande au préfet d'écrire au maire pour qu'il lance une quête à l'église paroissiale. Dont acte : « Monsieur le maire. Veuillez à cet effet vous concerter avec MM le desservant et les marguilliers [1] pour faire un appel aux âmes généreuses et charitables de votre commune à l'effet d'obtenir les fonds nécessaires pour subvenir à ses pressans besoins. »Cette méthode particulière d'obtention de subside pour couvrir des dépenses communales aura été appliquée pendant quelques années. Mais en 1808 on voit poindre la possibilité de rétablir l'octroi pour permettre aux communes et villes d'augmenter leurs recettes.
Salomon Bréhier est nommé maire d'Ergué-Gabéric le 26 mai 1808 par le préfet. Et dès octobre, il fait l'objet d'une réclamation de remboursement de frais de réparations de la part du recteur desservant François Le Pennec : « Le maire et l'adjoint de cette commune m'avaient chargé de faire faire dans le presbitère les réparations nécessaires et cela par un billet signé d'eux ». Le recteur, tenace, sera remboursé plus de 10 ans après.
En octobre 1811, Bréhier étant toujours maire et propriétaire du presbytère, un conseil municipal constate la difficulté de gestion du presbytère : « Après avoir enfin reconnu la difficulté qui résultent d'avoir recourru annuellement à une quête volontaire dont le produit incertain et toujours insuffisant pour faire face aux loyers, réparations et contributions évaluées annuellement à une somme de trois cents francs ».
Et les conseillers, validant le principe d'une acquisition communale, « sont d'avis définitivement d'en faire l'acquisition aux conditions proposées par ce dernier et d'y adhérer par et moyennant la somme de quatre mille francs ».
Mais il manque « l'approbation de monsieur le préfet du finistère et l'autorisation de sa majesté empereur et roi et ses ministres ». En effet Napoléon, même dans le cadre du Concordat, n'est pas favorable aux annulations des ventes passées de biens de l'église, et il faudra donc attendre. En l'espèce, le presbytère sera vendu de façon factice en 1814 par Bréhier au recteur occupant, avant son retour administratif en 1824 en tant que patrimoine communal.
Archives diocésaines
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Extrait des délibérations de la commune d'Ergué-Gabéric.
Les membres composant la municipalité d'Ergué-Gabéric assemblés pour délibérer sur le logement à accorder à leur curé conformément l'arrêt du gouvernement
On(t) décidé que les sieurs Jean Le Jour, maire, François Cogant adjoint, François Laurent et Vincent Le Berre iraient à Quimper, pour, avec le controlleur des contributions directes de l'arrondissement été trouver chez le sieur Bréhier à l'effet d'acquérir ou louer le ci-devant presbitère de la ditte commune ; donnant tout pouvoir aux dits membres sus nommés de traiter aux termes les plus avantageux pour la commune.
Fait à Ergué-Gabéric le 10 thermidor an 12. Et ont signé Jean Le Jour, François Laurent, Vincent Nédellec, François Nédelec et Vincent Le Berre.
Les autres membres présents ont déclaré ne savoir signer, mais adhérer à la présente déclaration.
Suit la déclaration de Monsieur Bréhier.
Page 2
Je déclare affermer à la commune pour le terme d'un an à commencer à la Saint Michel prochaine, mon presbitaire d'Ergué-Gabéric et ses dépendances, pour une somme de cent vingt francs payable à deux termes et en six mois (bis) à la charge de faire faire à ses frais et sans répétition vers moi toutes les réparations qu'elle jugera susceptibles ; je consens pareillement de vendre au prix de trois mille francs payables trois mois, après l'autorisation du gouvernement arrivé à Quimper à même d'en passer acte par devant notaires.
Quimper, 30 thermidor an 12.
Extrait des délibérations de la commune d'Ergué-Gabéric.
Du premier fructidor an douze.
Le conseil municipal régulièrement convoqué (par) le maire portant la parole et reconnaissant l'impossibilité de se pourvoir pour loger son curé d'un autre local que celui-ci du ci-devant presbitère et suffisament autorisé par l'arrêté du 10 fructidor dernier après avoir pris lecture des conditions énoncées dans l'écrit du sieur Bréhier
Page 3
propriétaire en date du 30 dernier déclare adhérer à l'acquisition du dit presbitère attendu l'urgence moyennant la somme de trois mille francs, non compris les réparations qui seront estimées à dire d'experts, laquelle vente néanmoins est soumise à l'autorisation de son Excellence le Ministre des finances.
Signé François Le Jour, Vincent La Berre et François Laurent.
Pour copie conforme aux pièces qui sont déposées entre nos mains.
Ce 4 fructidor an 12. Signé F.A. Bellet.
Et pour copie conforme, soigné Lalour, secrétaire greffier.
Archives municipales
Délibération du 4 février 1806
Le conseil considérant que le sieur Laloue notre secrétaire persuadé comme nous que la décision du gouvernement pour l'acquisition du presbytère ne tarderait point à nous parvenir ; ce fait tant pour les réparations de ce presbitère que pour le loyer de ... de trois cent quarante six francs que nous reconnaissons lui devoir ... d'avis que l'excédent du ... 11, 12 et 13 ci-dessus lui sont compté valoir, d'après la décision de Mr le préfet.
Délibération du 18 janvier 1810
Délibération du 9 mai 1811
Du dit jour neuf mai 1811
Les membres composant le conseil municipal de la commune d'Ergué-Gabéric assemblés pour délibérer pour le logement à accorder à leur desservant conformément à l'arrêté du gouvernement.
Après avoir pris connaissance d'une ancienne délibération prise le 10 thermidor an 12, regardée aujourd'hui tant par défaut d'exécution que pour le loyer de terres écoulé depuis, consentante et non avenue, après avoir également pris connaissance d'une autre délibération prise le 18 janvier 1810 et de la lettre de monsieur le préfet du finistère du 31 janvier même mois contenant des observations relatives à cette dernière délibération ;
Après avoir aussi reconnu que l'augmentation exigée par le propriétaire est fondée sur la juste prétention, ayant pendant plusieurs années faits de grandes dépenses et réparations, paiement de contributions et autres, et que pour prix de location il ne retirait annuellement qu'une faible indemnité produit d'une quête volontaire dans le contrat civil toujours de nulle valeur ;
Après avoir également reconnu l'impossibilité de se pourvoir par loyer leur desservant d'un autre local plus commode, plus convenable et plus décent que celui du ci-devant presbitère appartenant au sieur Bréhier de Quimper ;
Après avoir enfin reconnu la difficulté qui résultent d'avoir recourru annuellement à une quête volontaire dont le produit incertain et toujours insuffisant pour faire face aux loyers, réparations et contributions évaluées annuellement à une somme de trois cents francs et après avoir conféré avec ledit sieur Brehier.
Sont d'avis définitivement d'en faire l'acquisition aux conditions proposées par ce dernier et d'y adhérer par et moyennant la somme de quatre mille francs
Après avoir enfin reconnu que le sieur Brehier, propriétaire, consent à accorder le délai de deux ans à compter pour l'acquis de la dite somme de quatre mille francs dont le premier paiement aurait lieu au premier janvier 1813 et le second au 1er janvier 1814 de deux mille francs chacun.
Les dits membres du conseil municipal, reconnaissant le plus grand avantage à effectuer cette acquisition, et ne voyant d'autres moyens d'y parvenir que celle d'une imposition extraordinaire sur les années 1812 et 1813.
Requièrent humblement de sa majesté l'empereur et roi à être autorisé à faire la dite acquisition aux conditions plus haut mentionnées jusqu'à la concurrence de la dite somme de quatre mille francs qui sera prélevée par moitié [...] la preuve de la contribution personnelle et mobilière.
En l'endroit s'est présenté le sieur François Salomon Brehier de Quimper, propriétaire de la maison presbitère et maire de cette commune, lequel a déclaré adhérer à la présente délibération en tout son contenu moyennant le paiement de la dite somme de quatre mille francs aux époques plus haut déterminés par le conseil au moyen de laquelle déclaration qui sera souscrite par le dit sieur Bréhier.
Les dits membres du conseil municipal consentent, déclarent que toutes délibérations prises antérieurement et relatives à la vente et alliénation du dit presbytère demeure dès ce jour comme nulles et non avenues et la présente sera soumise à l'approbation de monsieur le préfet du finistère et à l'autorisation de sa majesté empereur et roi et ses ministres.
(signatures)
Archives départementales
19.03.1807, le budget 807
19 mars 1807. Au maire d'Ergué-Gabéric.
J'ai l'honneur de vous transmettre ci-joint le budget d'Ergué-Gabéric pour l'an 1807, arrêté par moi à la somme de 369 f. 70 c. tant en dépenses qu'en recettes. Je vous prie de vouloir bien vous y conformer.
13.01.1808, le propriétaire Bréhier
Reçu le 14 janvier 1808. Q 5062.
Monsieur le Préfet
Vous avez eu la complaisance de dire ces jours derniers à mon épouse, que vous désiriez que je vous rappelle quelques observations que j'eus l'honneur de vous transmettre le 24 octobre dernier et qui me regarderaient personnellement. Je m'empresse donc de vous rappeler la promesse que vous me fîtes de vous intéresser à moi et de prendre un arrêté qui tenderait à ordonner une collecte dans la Commune d'Ergué-Gabéric dont le produit serait spécialement affecté à me payer les prix de location de mon presbitère dont j'ai accordé la jouissance à la Commune à raison de 200 f. par an quitte d'impôts et de réparations.
Je suis fondé à réclamer aujourd'hui 65 f. pour l'arriéré de 1806, 200 f. pour 1807 et la courante aussi sur le pied [2] de 200 f. au 29 septembre prochain. Il me parait donc que cette collecte doit être portée au moins à 600 f. somme suffisante pour mettre la Commune en état de faire face à ses engagements.
Vous me fîtes égallement l'honneur de me dire que vous pourriez incessamment obtenir les octrois pour cette commune. Je le désire bien sincèrement et aussitôt que votre arrêté me sera connû je m'empresserai de m'entendre avec l'adjoint pour le faire mettre à exécution. ce sera une ressource bien avantageuse pour la commune.
J'ai l'honneur d'être avec respect Monsieur le Préfet, votre très humble et obéissant serviteur.
Signature : Bréhier. Quimper 13 Janvier 1808.
25.01.1808, le préfet
25 janvier 1808, au maire d'Ergué-Gabéric.
Monsieur le maire,
Le propriétaire du presbytère de votre commune m'annonce qu'il lui est dû pour location de cette maison, savoir :
65 f. pour arriété de 1906
200 pour la St-Michel dernière
200 pour la St Michel prochaine
465 f., de cette somme celle de 265f. se trouve arriérée. Il est essentiel pour l'intérêt des communes de prendre les mesures nécessaires pour payer leurs dettes au fur et mesure de leur échéance et prévenir par ce moyen une masse plus considérable de dettes dont le payement deviendrait beaucoup plus onéreux par la suite. Voulant mettre votre commune à même d'ob... à cet inconvénient, j'es... de me faire savoir les précédens budgets ; une pièce ne présentant aucun excédant. Il me reste donc d'autres ressources à la commune pour faire fac à la créance du propriétaire de la maison curiale que de recouvrir à une collecte à domicile. Veuillez à cet effet vous concerter avec MM le desservant et les marguilliers [1] pour faire un appel aux âmes généreuses et charitables de votre commune à l'effet d'obtenir les fonds nécessaires pour subvenir à ses pressans besoins. Leur charité et le zèle qui les animent ne me laissent point de doute sur l'empressement avec lequel ils concourront au prélèvement d'une somme dont l'emploi est si louable. Je vous invite à me faire connaître le résultat de vos opérations à cet égard, ainsi que le montant de la collecte qui vous devez faire. Si après avoir payé l'arriéré exigible, il en restait un excédant il serait intégré dans la caisse municipale, pouvant être employé dans la suite à la même destination.
12.05.1808, l'état de la Commune
État de situation de la Commune d'Ergué-Gabéric le 12 mai 1808.
An : 1806 et antérieurement
Dettes, sommes dues :
- Mr Bréhier, 100 f., loyer du presbitère
- Lalour fr., 88 f. 98 c. avancement réparations
- Mr Pennec desservant, 127 f. 50 c., réparations d'id.
- Mr Bigot entrepreneur, 45 f., pour idem.
Total : 361 f. 48 c.
Il n'y a point d'octrois mais on désire d'en établir au plus tôt dans la Commune. Le maire d'Ergué-Gabéric, Bréhier.
20.06.1808, le maire Bréhier
Le maire d'Ergué-Gabéric à Monsieur le préfet du département du Finistère
Monsieur,
J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint le budget de 1809, une expédition du compte de 1909 avec les mandats et quittances au soutien, ainsi que différents états que j'ai remplis d'après les renseignements que j'ai pu me procurer sur les lieux.
J'ai l'honneur de vous saluer bien respectueusement. Signature Bréhier.
À Ergué-Gabéric le 20 juin 1808. Reçu le 24 juin 1808. N° 1848.
16.10.1808, le recteur Le Pennec
Grand Ergué 16 octobre 1808.
Mon cher ami
Le maire et l'adjoint de cette commune m'avaient chargé de faire faire dans le presbitère les réparations nécessaires et cela par un billet signé d'eux ; je l'ai outre les mains. Les différents mémoires des frais faits en différents tems je les revois il y a quelques tems entre les mains du secrétaire de la commune (Lalour). Je lui en parlai il y a environ deux ou trois mois, et il m'a dit qu'il les avait déposés à la préfecture. Je pense que ce doit être à votre bureau. Faites l'amitié, je vous en prie, de voir comment cela et à quel point nous en sommes. Si c'était à un autre bureau, j'espère de vous le même service.
Signature : Le Pennec François
Adressé à Monsieur Le Berre, chef de bureau à la préfecture de Quimper.
05.1811, l'adjoint Caugant
Monsieur le sous-préfet
J'ai l'honneur de vous adresser une délibération prise le neuf de ce mois par le conseil municipal de la commune d'Ergué-Gabéric relative à l'acquisition du ci-devant presbitère. J'y joins également une expédition du budget de 1810. Je vous prie de soumettre le tout à l'approbation de monsieur le préfet et de le prier d'adresser les pièces à Son excellence le Ministre de l'intérieur à l'effet d'obtenir pour la commune l'autorisation demandée à la prochaine session du corps législatif.
J'ai l'honneur d'être avec respect votre très humble serviteur. Signature : f. Caugant, adjoint.
09.05.1811, la délibération municipale
cf. transcription au chap. Archives communales
Ainsi signés au Registre Yves Kergourlay, François Nédélec, René Leguenno, Jean Riou, F. Caugant adjoint et Bréhier.
Pour copie conforme. Signature : F. Caugant, adjoint.
Originaux
Document conservé aux Archives Diocésaines de Quimper et Léon sous la cote 1P-Ergué-Gabéric.
- Archives diocésaines
- Archives municipales
- Archives départementales 2-0-789
Annotations
- ↑ 1,0 et 1,1 Marguillier, s.m. : du latin matricularis, qui tient un registre. Le marguillier avait, dans chaque paroisse, la charge du registre des personnes qui recevaient les aumônes de l'Église. Il servait d'aide au sacristain, nommait et révoquait les chantres, les bedeaux... Ce n'est pas une profession mais une charge. Source : Wikipedia. [Terme] [Lexique]
- ↑ Sur le pied de, expr. : à raison de, à proportion de. Se dit particulièrement en parlant de ressources, de train de vie et signifie « d'après des ressources évaluables à » (dict. de l'Académie). Exemples : il vit sur le pied de cent mille livres de rente ; estimation en revenu sur le pied de la valeur de 1790. [Terme] [Lexique]
