1766 - Scellés et vente des biens de Jacquette Le Porchet, marchande du bourg
Un document présentant le fonds de commerce d'une modeste débitante de tabac, textiles et beurre au bourg d'Ergué-Gabéric.
Cet inventaire unique faisant partie d'une liasse de 95 documents avait été résumé par les archivistes René-François Le Men [1] et François-Marie Luzel [2] dans leur « inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1789 », et relevé également par le mémorialiste Louis Le Guennec [3].
Autres lectures : « 1748 - Inventaires des biens et livres du recteur Jean Edy » ¤ « 1910-1935 Notes et coupures gabéricoises de Louis Le Guennec » ¤ « Inventaires Archives du Finistère » ¤
Présentation
Voici le résumé qu'en font les archivistes Le Men et Luzel : « Jacquette Corchet, au bourg d'Ergué-Gabéric (1 rouleau de tabac ou bougie, pesant 5 livres 6 onces 3/4, vendu 13 livres 5 sous, à Laurent Le Corre, à la charge à l'acquéreur de faire sa déclaration au bureau de tabac ; 16 pipes, 2 paniers et environ 200 noix, vendus 9 sous 9 deniers ; 6 aunes de toile d'étoupe et chanvre, 6 livres ; 1 livre 1/2 de beurre de pot, avec 1 gobelet et 1 tasse de faïence, 20 sous ; 1 carotte de tabac, 8 livres 9 sous 8 deniers, en 1766). ».
Quant à Louis Le Guennec, il note : « Ergué-Gabéric. Il y a dans la liasse B.290 des Archives départementales un inventaire des marchandises du magasin d'une modeste marchande du bourg d'Ergué-Gabéric nommée Jacquette Corchet, fait en 1766 après son décès. Elle vendait du tabac, des pipes, des paniers, des noix, de la toiles d'étoupe, du beurre, etc. ».
La lecture du document fait apparaître que la marchande s'appelait Le Porchet, et non Corchet, et son fonds de commerce était effectivement diversifié :
- Le tabac en plusieurs types de conditionnement : en rouleau (« un rolle de tabac ou bougie ») ou en carotte, ou en poudre (tabac à priser). La carotte était un petit rouleau, que l'on devait râper aux extrémités un peu comme des carottes, et qui est aujourd'hui l'enseigne des bureaux de tabac.
- La livre de tabac en poudre est conservée dans un « pot de terre de Locmaria », et pour peser la marchande de servait de « mesures de fer blanc pour le tabac ». L'acquéreur du gros rouleau est invité à « faire sa déclaration au bureau de tabac. ». Par ailleurs on dénombre aussi « seize pippes ».
- L'habillement. Les vêtements les plus courants sont les chemises et coiffes de chanvre, et les « jupes de berlinge » [4], ce tissage de chanvre et de laine étant spécifique à la Cornouaille du 18e siècle. Le chanvre est vendu aussi sous forme d'écheveau.
- On trouve des tabliers en « étoupe » [5], lequel tissu n'était pas tissé, mais constitué de fibres grossières de chanvre. On dénombre également des tissus dépareillés dénommés « pillots », nom dérivé du mot breton « pilhoù » désignant les chiffons. Et aussi, pour garnir les lits clos ou « à clisses » [6], des couettes et traversins.
- La nourriture. L'épicerie n'est constituée que de beurre, de noix et d'eau de vie. Le beurre est conservé en pots ou en « écuellée ». Les noix stockées dans une « pannerez » sont au nombre de 200 environ.
- Les ustensiles. Le « baillot » ou « baye » qui servait à conserver le lard ou faire la lessive « faire buée » est l'élément domestique le plus présent. On trouve aussi des « tasses de fayance », des « bassins d'airain », des écuelles, des « terreries » ...
Transcriptions
Scellés :
L'an mil sept cent soixante six le vingt un juillet soussigné Grégoire Guillimin faisant pour le greffe du siège présidial [7] de Quimper certifie er raporte notre expres transport de ma demeure que je fais au dit Quimper rue Obscure de Saint Renan à requette de monsieur le procureur du Roy du dit siège jusques au bourg du Grand Hergué en la demeure où est décédée Jacquete Le Porchet où y estant y trouvé Jacques Lepezron et Henry Hemon tous les deux demeurant au dit bourg auxquels j'ay déclaré le sujet de ma commission et que (...) pour sceler et annoter tous les meubles et affers restés après le décès de la ditte Jacquette Le Porchet et ce pour la conservation des droits et intérets de qui il appartiendra à quoy ils nous répondu qu'ils n'avoient moyent empechant et que contraire ils ont fait ouverture de la maison où est décédée la ditte Porchet et y entré j'ay annotté en leurs présence les effets cy apprès.
Scavoir
Une table coulante, une cremalière, un trépier, un petit pot de fer, un lit de clisse garni de deux coettes avec un traversin, un bassin, un grand fauteuil de bois garni de paille, deux tamis, un mauvais baillot [8], une baye ... et les ecuelles et ... , un dévidoir, un petit taboret, autre taboret, deux goblets, trois ... , deux ..., une bouteille d'eau de vie, une ecuellée de beurre entamé, une bouteille ... , une tasse de feyance [9], un pot de terre avec un peux de beure, deux ... , un passe-lait, un moyen ... , un petit bassin d'erain, un grand bassin d'erain, six poches, une paire de bas, un pourpoint bleuf, une jupe de berlinge [4], un mauvais drap, deux echeveaux de fil de chanvre, environ six à sept ... de toile de chanvre neufs, une foule de ..., un tablier de berlinge [4], une chemisette, un pourpoint bleuf, une jupe bleuf, une jupe de berlinge [4], une paire de bas bleuf, deux cuillères à pot, un ... , un panier, un plat de terre, une pannerez de noix, un rollot de tabac, un baillot à faire buée, un banc long, un pot de terre de Locmaria dans lequel il y a environ une livre de tabac en poudre, un coffre sur lequel jay apposé les sellés du juge présidial [7] de Quimper par le moyen d'une bande de papier ... par la ... des armes du Roy, de plus un baillot avec la somme y estant.
de plus ay donné à blanchir à Marguerite Le Coster du bourg du Grand Ergué dont elle a bien voulu d'en charger pour les remettre lorsque ... requise le nombre de six draps, treize chemises à femme, quatorze grandes coeuffes et quinze petites, trois napes, deux ... de ... bleü de ... , de plus ay renfermé dans le coffre une écuelle de bois dans laquelle il y a environ sept à huit francs ... et autres monoys non comptés et me suis saizi de la cleff du coffre qui est ... d'effets que je nay point veriffiés après y avoir aposé le scellé comme dit ...
Et sont tous les effets que jay trouver à annoter desquels jay chargé lesdits Henry Hemon et Josephe Pezron aussy bien que ... pour les représenter lorsqu'ils seront requis ce qu'ils promis faire et s'en sont chargés volontairement. Fait et passé au bourg du Grand Ergué sous mon seign le dit Hemon et la ditte Pezron ayant déclaré ne scavoir signer de ce interpellé les dits jours et an que devant.
Guillimin, pour le greffe. Scellé à Quimper le 21 octobre 1766. Reçu quatre livres six sols, Le Goff, pour le commis.
Vente :
15 octobre 1766. Vente.
L'an mil sept cent soixante six le quinzième octobre nous ecuyer Jean Alain Leon sieur de Tréverret conseiller du Roy et du procureur au siège présidial [7] et sénéchaussée [10] de Quimper scavoir faisons qu'en exécution d'ordonnance judicielle rendüe sur nos conclusions audit siège le onzième de ce mois de la scellée le quatorze, nous nous sommes transporté dans nôtre hotel à Quimper paroisse de Saint Mathieu de compagnie avec Jean Louis Le Mercier faisant la régie des greffes dudit siège demeurant même ville paroisse de Saint Sauveur, (...) et au bourg paroisse d'Ergué gabéric d'où nous nous sommes rendu jusques en la demeure de deffunte Jacquette Porchet décédée près dudit bourg, et entrés en sa demeure avons fait mander Alain Daouedal sonneur de cloches de la ditte paroisse et crieur ordinaire aux ventes, lequel nous a déclaré avoir banni dimanche dernier la présente vente à ce jour icelui demeurant au dit bourg d'Ergué gaberic, et après avoir vérifié le scellé aposé en la demeure de la dite Porchet sur son coffre le vingt un juillet dernier, il a été trouvé en bon état, non altéré, n'y vidé, et ouverture faite dudit coffre par le moien de la clef dont le dit Mercier étoit saisi, a été procédé à la vente des effets ci-après aux plus offrants et derniers encherisseurs à la manière accoutumée.
Et premier
Une table coulante adjugée à Etienne Lemeur pour trois livres douze sols
Une crémalière adjugée à Jean Teurnier pour cinq sols.
Un trépier adjugé à Jeanne Colin pour vingt sept sols.
total page 1 : 5 livres 5 sols
Page 10 :
et celui des dits Mercier, le dit Daouedal crieur aiant déclaré ne scavoir signer de ce interpellé
Les mots (...) trente un, raturés et réprouvés ; cin mots mis en marge, aprouvés
Léon de Tréverret, procureur du Roy ; Mercier, pour le greff.
Originaux
Lieu de conservation :
- Archives Départementales du Finistère, Dépôt de Brest.
- Cote B 290.
Usage, droit d'image :
- Licence ouverte de réutilisation des données publiques.
- Décret n° 2017-638 du 27 avril 2017.
Annotations
- ↑ René-François Le Men était archiviste du département du Finistère. En 1867, il a donné une édition très abrégée du Catholicon de l'exemplaire de Quimper pour promouvoir la langue bretonne. Il a réduit au minimum la partie latine et française. Son travail comporte des erreurs. Son édition a eu le mérite d'entretenir l'intérêt des bretonnants pour l'ouvrage de Jehan Lagadeuc.
- ↑ François-Marie Luzel (1821-1895) est un folkloriste breton et poète en langue bretonne. En 1881 il devient Conservateur des Archives départementales du Finistère à Quimper où il rencontre Anatole Le Braz alors professeur.
- ↑ Louis Le Guennec (1878-1935) est un mémorialiste breton qui a laissé une abondante œuvre littéraire et artistique centrée sur le patrimoine et l'histoire du Finistère.
- ↑ 4,0 4,1 4,2 4,3 4,4 4,5 et 4,6 Berlinge, s.f. : étoffe particulière courante en Cornouaille au 18e siècle, dont la chaîne est en fil de chanvre et la trame en laine (source : www.1789-1815.com). Dans beaucoup de fermes de la Cornouaille, on a l’habitude de faire quelques aunes de berlinge au bout des toiles de chanvre que les cultivateurs tissent eux-mêmes pour leur usage (Breiz-Izel, ou vie des Bretons de l’Armorique, par M. Alexandre Bouët, tome troisième, Paris 1844, p. 112) [Terme] [Lexique] Erreur de référence : Balise
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incorrecte : le nom « Berlinge » est défini plusieurs fois avec des contenus différents. - ↑ 5,0 5,1 5,2 et 5,3 Etoupe, s.f. : du latin "stupa,-ae", sous-produit fibreux non tissé issu essentiellement du travail du chanvre ou du lin. Source : Wikipedia. [Terme] [Lexique]
- ↑ 6,0 et 6,1 Clisse, clice, s.f. : bois de fente, morceau de bois allongé ; éclat de bois ; osier tressé. Source : TRLFi. [Terme] [Lexique]
- ↑ 7,0 7,1 et 7,2 Présidial, s.m. : tribunal de justice de l'Ancien Régime créé au XVIe siècle ; c'est en 1552 que le roi Henri II de France, désireux de renforcer son système judiciaire et de vendre de nouveaux offices, institue les présidiaux ; le présidial de Quimper-Corentin a été créé à cette date dans le ressort du parlement de Bretagne (Wikipedia). [Terme] [Lexique]
- ↑ 8,0 8,1 et 8,2 Baillot, bayeau, s.m. : Baillot à buée : baquet servant à faire la lessive (histoiresdeserieb sur free.fr.) La buée est l'ancien nom de la lessive traditionnelle jusqu'au début du XXe siècle qui voit la disparition de ce mode de lavage avec le développement de la lessiveuse en fer. La baille était généralement un baquet cerclé de fer de la taille d'un demi-fut ou d'un tonneau entier ouvert sur le dessus, et ce fut était placé sur une pierre ronde de granit creusé de rigoles d'évacuation. Un baillot peut aussi désigner un récipient pour conserver le lard ou d'autres aliments. [Terme] [Lexique]
- ↑ 9,0 9,1 et 9,2 Fayance, fayence, faïence, s.f. : adaptation de Faenza, nom d'une ville d'Italie renommée pour ses poteries émaillées. Source : Dictionnaire de l'Académie Française. Au 18e siècle, dans les inventaires de la région quimpéroise, en provenance des faïenceries de Locmaria, on note "des assiettes ou saladier de fayance", "des beurriers de terre de Locmaria" ... [Terme] [Lexique]
- ↑ Sénéchaussée, s.f. : juridiction d'un sénéchal ; étendue de sa juridiction. Sénéchal, s.m. : officier royal qui, dans certaines provinces, exerce des fonctions analogues à celles d'un bailli pour la justice, les finances, etc. Source : Dict. DMF. [Terme] [Lexique]
- ↑ 11,0 et 11,1 Airain, s.m. : bronze, alliage de cuivre et d'étain. Matériau utilisé couramment pour les marmites. Source : histoiresdeserieb.free.fr. Alliage à base de cuivre et de différents métaux, en particulier d'étain, désigné aujourd'hui sous le nom de bronze. Source : TRLFi. [Terme] [Lexique]